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La dédicace / citation de Michel Leiris, à la première page de l'Iguifou de Scolastique Mukasonga, peut nous donner une piste :
L'Afrique - qui fit – refit - et qui fera.

Avec lyrisme, et en plusieurs nouvelles du même sujet, l'auteure parle de ce cruel magicien dont les Tutsis ont été frappés au cours du génocide. Ce qui fit l'Afrique, malgré ses magnificences, et en particulier Nyamata, ou l'Iguifou ricane au fond des ventres. Avec sa famille, ce sont des déplacés à Nyamata, où rien ne pousse, dans de misérables cases.
“Mon père espérait obtenir un peu de riz à la mission, ce
qui n'arrivait pas souvent, ou gagner quelques pièces pour
acheter du sel en rédigeant la lettre ou le formulaire administratif d'un gendarme ou d'un notable illettré”
Le faim, c'est toujours plus que la faim, et pour Scolastique et sa petite soeur, cherchant dans le fonds d'une casserole en terre des débris de nourriture, eh bien, mieux vaut dormir si on peut, car l'iguifou déchire leurs ventres de toutes ses griffes.
L'iguifou, c'est la faim.
Ce que l'Afrique fit, et refit, ce sont les rêves, comme ceux qui assaillent la petite Colomba.
Un monde si beau !
Entre rêves d'un monde qui n'existe plus, puisque l'héroïne meurt de faim, les croyances et les interdits de manger tel ou tel mets, même si cela conduit à la mort, par exemple (honteux)boire du lait de chèvre au lieu du lait de vache.
Il n'y a plus de vaches, tuées par les militaires, plus de lait, plus de vie.
La peur s'installe, qui poursuit l'auteure jusque dans des boulevards européens. Va-t-il me tuer ? se demande-t-elle, comme elle devait se le demander devant un militaire, un milicien, un inconnu.
Car la mort est partout, en embuscade. En contraste, la « belle Hélène » dont la beauté a fait le malheur, deuxième bureau d'un homme pas clair, et je ne parle pas de la couleur de peau, puis d'autres, dont Mobutu Sese Seko, aux assauts duquel elle doit être livrée puisqu'aucune Zaïroise, aucune Burundaise, n'accepterait.
La mort des Tutsis, précédée par la mort des vaches, leur principale fortune, la faim la peur le génocide, et la visite à tous ces morts, leurs morts.
Dire tout de même que le régime rwandais est Tutsi depuis 1994.
L'Afrique, qui fera.
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****
Dans ce recueil de 5 nouvelles, Scholastique Mukasonga nous fait partager la dure vie et les terribles souvenirs des Tutsis au prémices du génocide.
Avec douceur et poésie, elle arrive à poser de jolis mots sur cette période sombre.
Il est toujours compliqué de parler de nouvelles, mais ce recueil là est à savourer... En souvenir... Et pour ne pas oublier...
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L'Iguifou, c'est la faim qui ronge le ventre des petites Tutsi exilées à un tel point qu'il leur rend si belles et lumineuses les portes de la mort. Alors on se souvient de la vache, du lait, sacré, que l'on buvait assis par terre le dos bien droit et les jambes allongées.

La peur par contre n'a pas de nom mais c'est leur ange gardien, toujours être prêt à se jeter dans les fossés épineux quand un camion de militaire s'amuse à lancer une grenade ou à tirer dans les jambes des écoliers.
Il y a aussi la triste histoire d'Helena, la plus jolie fille de la région, et ce deuil, si difficile à accomplir en exil avec juste devant soi la liste des membres de la famille victimes du génocide.

L'écriture de Scholastique Mukasonga est très belle et reste légère et sereine malgré la gravité du sujet.
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« L'Iguifou », c'est la faim. Celle qui vous tenaille, vous fait mal au ventre, celle qui vous réveille avant le lever du jour. C'est celle qui rend vos yeux plus grands lorsque vous guettez la rondeur pleine de promesses du balluchon de votre mère. Ce méchant Iguifou, c'est celui qui vous emmène aux portes de la mort et c'est celui qu'a connu l'auteur, Scolastique Mukasonga, alors qu'elle était exilée dans la région insalubre du Bugesera, au Rwanda. Parce qu'elle était Tutsi.
Dans ce recueil de nouvelles, l'auteur nous fait partager ses souvenirs rwandais. Que ce soit à travers les personnages de Colomba, Kalisa ou Asumpta, l'auteur dévoile son ancienne vie, celle d'avant le génocide. Un temps où déjà les signes avant-coureur annonçaient le pire…
« La gloire de la vache » nous rappelle que les Tutsis étaient au tout début des éleveurs pour qui les vaches revêtaient une extrême importance. Source de prospérité, la vache apportait chance et nourriture à celui qui en possédait une. Retirer ces bêtes aux Tutsis, c'était leur ôter de quoi survivre mais aussi de quoi rester dignes.
« La peur », c'est celle qui n'a jamais quitté les Tutsis lorsque les persécutions ont commencé. On la guette et, au premier signe - un nuage de poussière au loin, des buissons qui bruissent – on s'enfuit et on se cache.
« le malheur d'être belle », c'est l'histoire d'Héléna. Jeune femme très belle… mais tutsi. Son avantage physique va décider de son destin. de maîtresse adorée, elle devient prostituée, répudiée et contrainte à l'exil.
Enfin « le deuil » est la seule nouvelle qui aborde directement le génocide et le thème des survivants. Comment continuer à vivre alors que tous nos proches ont été tués ? Comment « faire son deuil », leur dire au revoir, alors qu'il n'y a pas de corps à pleurer, alors que l'on est exilé dans un autre pays ?
Dans ce livre, Scholastique Mukasonga, tout en sobriété et poésie, nous conte son malheur et celui des siens.
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L'inguifu. Ce n'est assurément pas un livre facile à digérer, ce n'est pas un ouvrage que l'on avale goulument sans que le palais n'en sente le goût. Ce livre s'avale comme un sirop pour la toux, ou une aspirine effervescente. On anticipe le goût amer, on serre les maxillaires, on se renfrogne à l'odeur qui se rapproche des narines car on sent que ça ne va pas être bon.

Au fond de nous, nous savons qu'il faut se méfier de ce 4ème de couverture qui annonce "Rwanda", "faim" et qui nous penser "génocide". Nous entamons sur cette lecture à reculons, nous butons sur les premiers mots remplis de Kinyarwanda et de nom Hutus et Tutsi imprononçables.

Nous nous disons, "punaise, je me disais bien que ce livre serait abominablement chiant à lire", mais nous insistons, nous continuons à avancer dans la lecture peut-être parce que la voix de cette enfant qui invective sa faim personnifiée nous a déjà hypnotisée.

Peut-être parce que, petit à petit, les mots nous pénètrent, font tomber nos à priori et nous révèlent cette âme jeune qui ne se plaint pas de l'horrible manque de nourriture qui l'amène au bord du tombeau. Pas de complainte, pas d'injures au sort, pas de mots larmoyants. Rien que le dialogue d'une enfant avec la faim qui est devenue sa compagne. Une ombre permanente dont elle essai de protéger sa jeune soeur sous le regard impuissant de parents que l'on devine au bord du désespoir.

Cette "entrée" n'est que le départ d'un voyage qui nous emmène au coeur du Rwanda. Non pas au coeur de la guerre, mais autour, tout autour, avec, toujours, le génocide que l'on devine en toile de fond.

Dans ces vécus qui nous montrent le quasi-culte des Tutsi pour l'élevage de la vache, science transmise de génération en génération et qui fait la marque de ce peuple,
ces destins qui incombent à celles qui naissent avec la beauté faite vie et qui n'ont d'issues que la misère et la mort, sous le règne de régimes fous et d'un monde aux valeurs corrompues,
Cette peur qui laissent ses relents fétides dans les vies de ceux qui ont vécu l'indicible, qui vivent un présent de frayeurs permanentes. L'horreur anticipée dans l'âme d'une enfant que l'on voudrait entourée que de rires et de désir futiles.

Scholastique MUKASONGA est une auteure d'origine rwandaise qui a, dans sa façon de conter la vie un pragmatisme dans l'écriture et un rendu de l'intenable qui est magnifique.
Dans un style, parfois, quasi journalistique, très descriptive, elle nous apprend à connaitre le Rwanda, l'histoire de ces peuples autrement que par les spéculaires pétarades des canons dont sont friands les apôtres des dieux "Médias". Et si les premières bouchées peuvent sembler difficiles à ingurgiter, ce livre se déguste néanmoins avec le bonheur et la gravité de celui qui sait qu'il sortira de ce festin un peu plus humain qu'il ne l'était.

Lien : http://www.loumeto.com/spip...
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Dans ses nouvelles, Scholastique Mukasonga donne la parole aux enfants de l'avant-génocide, quand la peur s'échafaudait lentement, pas à pas, semant ses grains insidieusement. Elle décrit un monde qui décline dans un quotidien grevée par la faim, la peur, l'appât du gain, l'exil à Nyamata...
Elle aborde le sujet de façon très pudique, par touches subtiles, en peignant la vie de ces enfants, hommes et femmes qui subissent une lutte qui n'a aucun sens pour eux. Elle suggère le massacre, mais jamais elle ne l'aborde de front, permettant ainsi au lecteur d'apprécier cette lecture pure et solaire qui cache une réalité sombre et sanguinaire.
- Seule la dernière nouvelle « le deuil » parle - mais toujours très délicatement - des années des génocides au travers le vécu d'une jeune exilée qui apprend à vivre avec la mort de tous ses proches :
« Ce n'est pas sur les tombes ou près des ossements ou dans la fosse des latrines que tu retrouveras tes Morts. Ce n'est pas là qu'ils t'attendent, ils sont en toi. Ils ne survivent qu'en toi, tu ne survis que par eux. Mais c'est en eux désormais que tu puiseras ta force, tu n'as plus d'autre choix, et cette force-là, personne ne pourra te l'enlever, elle te rendra capable de faire ce que peut-être aujourd'hui il t'est impossible de prévoir. La mort des nôtres, et nous n'y pouvons rien, nous a nourris, non pas de rancoeur, non pas de haine, mais d'une énergie que rien ne pourra briser. » (p. 120)
Cette jeune fille, c'est sans doute l'auteur elle-même qui a perdu les siens lors du génocide de 1994. Elle est l'une des rares rescapées de sa famille et par ces récits discrets, elle offre une digne sépulture à ses proches. Grâce à elle, nous n'oublions pas l'horreur afin de mieux lutter contre son retour…




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Très bien ecrit. C'est une écriture un peu poétique facile et agréable à lire.
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Scholastique Mukasonga est rwandaise. Elle a eu la chance de quitter son pays avant le génocide des années 90, qui a conduit au massacre de 800 000 rwandais, hutus ou tutsis. Mais ce ne fut pas le cas de sa famille, dont presque tous les membres ont été tués. Alors il n'est pas surprenant de retrouver en filigrane, dans les nouvelles de ce recueil, l'évocation de ce massacre. Mais l'art de Scholastique Mukasonga est de mêler à ce thème funeste une écriture splendide qui plonge le lecteur dans l'histoire de cette région d'Afrique.

Cinq nouvelles composent ce recueil. La première donne son nom au recueil : L'iguifou. Pour la petite Colomba, l'iguifou est la faim qui la tenaille lorsqu'elle n'a même plus quelques grains de riz pour la nourrir. L'attente de sa mère qui est sensée apporter quelques fruits ou racines occupe toute entière la petite fille, qui ne parvient pas à oublier sa faim, jusqu'à être éblouie par une lumière étincelante.
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L'Iguifou est un recueil de nouvelles sur le Rwanda. Quand on parle de ce pays, tout le monde pense au génocide de 1994 qui a fait environ 800.000 victimes. Ce que nous apprend ce livre, c'est que l'histoire du pays est pavée de massacres, et les enfants tutsis exilés au Bugesera car chassés de leurs terres quelques années auparavant, vivent dans le souvenir des tueries de 1959 ou 1963 et dans la hantise de la prochaine folie qui fera d'eux des victimes d'un conflit fratricide. Ils ont peur des Hutus, peur des militaires qui peut les tabasser ou leur tirer dessus juste pour s'amuser. Tout le monde, que ce soit à la maison ou à l'école, est prêt à fuir et se cacher dans la brousse lorsqu'on viendra les massacrer. Ça se produira à coup sûr, seule la date est inconnue.
L'auteure raconte une blague entendue dans la cour de récréation :
"Elle se rappelait l'histoire que lui racontaient en riant au lycée de Kigali ses camarades hutu :  Un jour, un enfant demanderait à sa mère :
— Dis-moi, maman, qui étaient ces Tutsi dont j'ai entendu parler ? À quoi pouvaient-ils bien ressembler ?
— Ce n'était rien, mon fils, répondrait la mère, ce n'était qu'une légende.” 

Les nouvelles intitulées La faim (l'iguifou), la peur, le deuil, font toutes référence à l'exil intérieur imposé aux Tutsis et aux massacres. J'ai beaucoup aimé celle qui s'intitule "La gloire de la vache", qui montre l'importance de cet animal dans la culture des Tutsis. Leur bétail a été massacré lorsqu'ils ont été chassés de leur terre, et pour eux ce n'était pas seulement une perte économique, c'était une humiliation qui fut vécue presque comme une perte d'identité pour ce peuple d'éleveurs. L'auteure décrit des actions telles que mener les vaches au pâturage ou les traire comme un cérémonial, et elle raconte l'espèce de désespoir qui a envahi son père suite à la perte de son cheptel.

Le tout est écrit dans un style très plaisant, sans jamais tomber dans l'horreur malgré le caractère abominable des évènements passés. Beaucoup ont écrit suite au génocide rwandais, peu l'ont fait avec autant de délicatesse.
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Chaque phrase, chaque mot composant les cinq nouvelles de ce recueil, L'Iguifou, nouvelles rwandaises, empoigne notre coeur qui s'emplit d'angoisse, amène un trop plein de sang qui fait bourdonner nos oreilles et grésiller devant nos yeux le contexte du génocide qui plane au dessus de chaque nouvelle sans jamais véritablement être là. La poésie de l'écriture et de la narration fait que tous les personnages de ces nouvelles sont les rescapés, les réfugiés tutsi, ceux qui ne sont pas mort et qui doivent vivre avec la faim, la peur, le deuil mais aussi avec la nostalgie de leur pays et de leurs vaches. Ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas nommer le génocide avant la dernière nouvelle.
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