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J'ai l'impression qu'il me manque un bout de cette histoire... J'aurais dû commencer la bibliographie de cette auteure en commençant par son premier roman...

La femme aux pieds nus est son deuxième roman et on sent que beaucoup de choses graves vont arriver aux personnages super attachants de son histoire 😫😫

On est au Rwanda, à la veille du génocide et finalement la femme aux pieds nus est un hommage à toutes les femmes fortes qui ont élevées les enfants du village (dont l'auteure) en pleine période tendue.
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Le génocide rwandais grondait depuis des années.
Scolastique Mukasonga raconte :
En 1960, déjà, les Tutsis sont «  déplacés » depuis la capitale Kigali jusqu'à une région infertile, non construite, non plantée : le Nyamata.
Ce livre émouvant, puisque l'on apprend le sort de beaucoup de personnes de sa famille (son frère, dit-elle, a engendré neuf enfants, pas un n'a survécu) est une ode très particulière rendue à sa mère, Stefania, et à ses efforts journaliers pour faire face au malheur et sauver ses enfants « d'une mort programmée par un incompréhensible destin ». Ces souvenirs d'enfance rappellent les dangers la nuit, où sa mère «  la femme aux pieds nus » guette les soldats qui peuvent toujours venir, mettre le feu aux maisons, dévaster tout et tuer.

Stefania passe ses jours, dans les champs, à planter des haricots, des patates douces, du maïs, des bananes, des plantes médicinales, du tabac ; Scolastique remarque que la plupart de ces plants viennent d'Amérique du Sud, et que les Rwandais n'ont pas eu besoin d'agronomes. La mère veille à préparer des cachettes d'herbe sèche, ou des termitières, où les enfants peuvent se cacher, dans la brousse et même dans la case qu'elle a construite avec l'aide de son fils ainé.
Quand je dis une ode particulière adressée à Stefania, c'est la manière très terre à terre de parler d'elle : les recettes n'existent pas, les habits presque pas non plus, les chaussures inexistantes, la maison réduite à ses quatre cloisons, la nourriture consiste principalement en haricots et sorgho, dont bière de sorgho, pourtant la personnalité de la mère habite cette pauvreté et lui donne presque du bonheur. Lorsque les petites doivent marcher de nuit dans un champ empli de cailloux et de souches coupantes, portant la cruche sur la tête et rentrant les pieds ensanglantés, «  Quand tu marches, conseillait-elle, c'est à ton coeur qu'il faut s'adresser, c'est lui qui répand la lumière dans tout le corps. Alors dis-lui de rappeler à tes orteils qu'ils doivent voir où tu mets les pieds, et il leur dira : “C'est la nuit. Ouvrez les yeux. Moi, je regarde devant ; vous, vous regardez en bas.” »
Apprentissage de la vie pour cette adolescente, qui se croit chargée de protéger sa mère (cf citation), hymne dédié à Stefania, et présentation de la vie comme elle va :
le pain tant désiré, les mariages, où la dot donnée par l'homme doit être une vache
(souvenir des troupeaux possédés avant les tueries par les Tutsis )les coutumes et les difficultés à les respecter. Une fille violée est immariable, or les jeunes Hutus considèrent le viol des Tutsis comme un acte révolutionnaire.

Stefania réclamait une seule chose : être enterrée avec un pagne, mais non, nous apprenons à la fin de ce très court livre que ses os seraient perdus au milieu des autres dans les fosses communes.
Écrits en 2008, ces souvenirs bouleversent par la simplicité austère, la description de la vie quotidienne, et la volonté qui y est mise de remplacer par la chose écrite l'absence de tombes de toute la communauté décimée.
Il n'y a pas de pagne assez grand.
Alors, Mukasonga écrit.
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La femme aux pieds nus est un hommage écrit par l'auteure à sa mère ; pour nous lecteurs, c'est un aperçu de la vie à la campagne au Rwanda et des traditions de ce pays. L'auteure raconte son quotidien, les travaux des champs, la scolarité, les relations de voisinage, les règles de la vie amoureuse au village et les efforts de sa mère pour assurer la sécurité de ses enfants.
Car l'action du livre se passe à la fin des années 1960, bien avant le génocide de 1994, mais la terreur est présente tout au long du livre. Sa famille est tutsi, elle a déjà connu les premiers massacres de 1963, elle y a échappé, mais a été expulsée avec les autres tutsis dans ce village. Son bétail, la richesse de toute famille tutsie, a été volé ou abattu. Les militaires patrouillent parfois, et chaque descente se termine par des humiliations, des dégradations, des coups, tout ce qui convient pour rabaisser les Tutsis et leur rappeler qu'ils sont à la merci de leurs vainqueurs. L'auteure parle de sa crainte de faire une mauvaise rencontre, "un serpent, un léopard, un militaire" : le militaire est l'égal du serpent car il est aussi dangereux. La mère se prépare tous les jours à la fuite qu'il faudra prendre un jour ; le baluchon des enfants est toujours prêt, des réserves de nourriture sont stockées dans les champs derrière la maison, et les enfants eux-mêmes sont conditionnés à réagir lorsque inévitablement arrivera le drame. Elle est prête à se sacrifier, mais veut sauver ses enfants.
Malgré ce climat de peur, l'auteure raconte une enfance difficile mais heureuse. Ses parents sont pauvres, mais respectés dans le village, l'entente avec les voisins est excellente, chacun partageant les mêmes valeurs. Qu'importe si un jour il y a peu à manger, la famille reste soudée dans toutes les circonstances de la vie.
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A l'occasion d'une rencontre littéraire à Caen, Scholastique a dédicacé ce livre à mon épouse et à moi-même. Je l'ai lu bien sûr ; l'on percevait déjà les tout premiers signes de la catastrophe qui submergerait plus tard le Rwanda, à travers le récit de son enfance, et l'hommage qu'elle rend à sa mère.

Je retrouve ce livre perdu dans mes rayonnages consacrés aux écrits du monde Noir à l'occasion d'une mise en ordre générale de ma bibliothèque. C'est un beau livre. Les livres qui rendent hommage aux Mères sont toujours beaux... Pat
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Le tendre hymne à la maternité et à la communauté de Scholastique Mukasonga explore l'exil qui prive les gens de leurs traditions et de leur identité.
Née au Rwanda en 1956, Mukasonga a connu très tôt le conflit ethnique qui a marqué son pays. En 1960, sa famille tutsi est exilée dans la « plaine sèche et poussiéreuse du Bugesera », près de la frontière burundaise. Ils ont laissé derrière eux leurs montagnes bien-aimées et les vaches qu'ils avaient autrefois fièrement gardées, forcés de vivre de la culture du sorgho, des haricots et des légumes.
Mukasonga rend hommage à sa mère, Stefania, et aux femmes des villages de réfugiés qui les ont tous « nourris, protégés, conseillés et consolés ». L'auteur se souvient des rituels qui ont façonné ses années de formation et nourri sa famille. L'arrangement des mariages, la consommation de bière de sorgho, la récompense du pain et l'amour des femmes pour la pipe, tout cela est magnifiquement représenté. Tout comme la menace d'une violence soudaine de la part des soldats hutus, omniprésente.
Malheureusement, Mukasonga a dû quitter son école à Butare et fuir au Burundi. Elle s'est installée en France en 1992, deux ans avant le génocide des Tutsi ; 37 membres de sa famille ont été massacrés.
Ce bain de sang hante et propulse le récit. Au début, Mukasonga écrit : "Maman, je n'étais pas là pour couvrir ton corps et il ne me reste que des mots... encore et encore, mes phrases tissent un linceul pour ton corps disparu."
Dans sa conclusion déchirante, elle décrit le cauchemar de ceux qu'elle a laissés derrière elle. L'ombre de son amie Candida lui demande sans cesse: "As-tu un pagne assez grand pour les couvrir tous, chacun d'eux... chacun... chacun ?"
Ce livre, comme tous ceux de Scholastique sont des hommage hors du commun à cette Mère Courage ,
aussi un rappel bouleversant des dégâts de la guerres.

Souvenons-nous que pendant que les Tutsis se faisaient découper à la machette, les chefs d'états et les casques bleus, à quelques kilomètres du lieu des massacres, regardaient...

Paisiblement ?
Ou quelques remords sont-ils venus tourmenter leurs nuits douillettes?
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Prix Seligmann 2008 «  contre le racisme, l'injustice et l'intolérance »
Prix Simone de Beauvoir 2021 pour la liberté des femmes pour l'ensemble de son travail. 

Scholastique Mukasonga dédie son deuxième roman aux femmes et en particulier à Stefania, « La femme aux pieds nus ».
«  The barfoot woman » pour la traduction anglaise, récit récemment mis à l'honneur, à Dublin en mai 2022, dans le cadre du festival international de littérature .

Dans le chapitre d'ouverture, l'écrivaine rwandaise-française rappelle en un paragraphe le destin tragique de tous les Tutsi victimes du génocide, d'exactions.
( sanglantes représailles en 1963, les viols en 1994.)
Les Tutsi de Nyamata ont été déplacés. On a brûlé leurs vaches, saccagé leurs biens.
Ils sont insultés par les militaires, qui les traitent de cafards. Un passé douloureux.
Cette période de violence, de terreur, est gravée à jamais dans la mémoire.


D'autre part, la narratrice exprime ses regrets de ne pas avoir pu honorer la demande de sa mère : à sa mort, «  recouvrir son corps de son pagne ».


En dix chapitres, elle brosse le portrait d'une femme courageuse, soucieuse de sauver ses enfants. Stefania leur a appris à se cacher dès que le danger menace, leur a inculqué des réflexes de survie, un baluchon est prêt, « le viatique pour l'exil » vers le Burundi.


Elle retrace sa propre enfance au Rwanda, énumère les tâches quotidiennes de sa maman :balayer la cour, écosser, retourner la terre, défricher, semer, sarcler, récolter, éplucher les bananes. Une femme dont « les mains ne peuvent rester inactives ». Stefania endosse aussi le rôle de « gardienne de feu ». C'est d'ailleurs autour du feu qu'elle lit les contes, commençant toujours par une chanson de bergère, en souvenir de l'époque où « elle gardait le troupeau au bord de la Rukarara ». N'est-ce pas ce qui a généré chez l'auteure un évident talent de conteuse ?

L'architecture de la maison, l'inzu, est détaillée ainsi que l'aménagement intérieur où une longue étagère, «  l'uruhimbi »,contient « les objets précieux ».
Un espace est exclusivement réservé aux femmes, l'ikigo » où elles tiennent des réunions. La fréquentation des voisins et voisines reste un commerce courant.
Les valeurs qui les unissent sont mises en exergue : « la considération, l'amitié, la solidarité ». La politesse exige de raccompagner sa visiteuse, moment où les secrets sont chuchotés à l'oreille. Cette pratique est limitée car on redoute les mauvaises rencontres. le véritable objet fédérateur, «  c'était la pipe ». Fumer « était le privilège des femmes mariées ».

La culture du sorgho , le roi des champs, est primordiale, sacrée. Elle assure contre la famine et les calamités. Au moment de la moisson, on fête « l'umuganura » en famille, on déguste la pâte de sorgo et on partage la bière de sorgho, «  base de la convivialité ». Comme c'est la période des vacances scolaires, les jeunes , pleins d'ardeur, attendent la récompense : «  les imisigati ». Tout le monde «  mastique ce suc délicieux, ce jus sucré, plus doux que le miel » caché dans certaines tiges de sorgho. Saison de jeux aussi dans le champ laissé en jachère.


La romancière revient sur sa scolarité et celles de sa fratrie d'intellectuels.
Au lycée de Kigali, le port du sous-vêtement, l'«  ikaliso », est obligatoire, une innovation que Stefania, elle aussi, adopte immédiatement.
Le dimanche les filles, en uniformes, sortent escortées par les religieuses.
Les voilà aussi «  promues missionnaires du caleçon » !
A l'école d'assistante sociale à Butare, la mode est au défrisage de « la brousse sauvage des cheveux crépus ». Mais pas facile de se procurer le peigne miracle !

Leur exil les a jetés dans le malheur ( troupeau décimé par les ennemis) et la misère. le repas du soir est rapide, « il n'y avait pas grand-chose à manger ».


La famille de Stefania baigne dans de nombreuses croyances et rituels.
Stefania invoque souvent Ryangombe, «  le grand maître des esprits », «  le diable » pour d'autres. D'autres convoquent « Imana, le Dieu des Rwandais ». Elle interprète les signes dans le ciel, croit aux présages. Les corbeaux ne seraient-ils pas envoyés par les «  abazimu », les Esprits des morts ? L'eau de Lourdes sert à raviver le rameau béni, protecteur de la maison. le plus terrifiant, ce sont les larmes de la lune.
A la messe, les femmes portent « l'urugori », signe de la souveraineté maternelle, diadème confectionné à partir «  d'une tige sèche de sorgho aux beaux reflets dorés. »

Pour soigner, on recourt aux plantes médicinales. Stefania possède une pharmacopée et de nombreuses recettes pour soigner les blessures. Les pieds souffrent de marcher sans sandales (souvent en sang, ongles cassés, orteils écorchés). Car en plus des trajets à l'école, il faut aller chercher de l'eau, du bois sec.

Faute de médecin, on fait confiance au vétérinaire qui soigne les vaches.
Toutefois un dispensaire s'est établi dans « une vieille bâtisse délabrée » , tenue par un « infirmier tutsi de Butare », Bitega, qui les a précédés dans l'exil.

Les démarches pour demander la main d'une jeune fille sont détaillées, d'autant que Stefania est « une marieuse » réputée. Si la dot dans certains pays d'Afrique est un chameau, au Rwanda c'est «  le don d'une vache qui valide un mariage ». Ce qui signifie de nombreux sacrifices. le père passe ses journées sur le marché à bestiaux pour trouver une vache dont la beauté soit digne de celle de la jeune fille.
D'une bonne épouse, «  ce que l'on attendait, c'était sa force de travail. »
On suit toutes les observations qu'elle collecte au sujet de la belle Mukasine , qui lui semble un bon parti pour son fils Antoine. L'affaire se conclura-t-elle ?

Le récit nous immerge dans un lexique dépaysant avec tous ces termes locaux, en « kinyarwanda », toutefois bien traduits au fur et à mesure.
On note l'emploi récurrent du terme «  Les Blancs ». Ils emploient des autochtones. On occulte les histoires que racontent les Blancs, «  porteuses de haine, de mort ».
Les Blancs sont fustigés car « ils prétendaient savoir mieux qu'eux qui ils étaient, d'où ils venaient ». Stefania ignore leurs ustensiles pour confectionner la pâte de sorgho, renonce à utiliser des allumettes, vilipende « les cadeaux des Blancs » !

Parmi les denrées essentielles qui leur manquent :
- le pain ( que le père va chercher à Kigali – quatre jours de trajet) avant qu'une boutique ouvre à Nyamata. La boule de pain est la récompense du premier de la classe !
-le lait, «  ameta », « suprême richesse de l'éleveur » et pour la mère, une «  source de vie », qui immunise contre les maladies, protège du malheur ».
-le beurre de vache, « l'ikirumi », produit universel pour les soins de beauté.

La narratrice rend compte des progrès, « amajyambere » , des nouveautés qui arrivent jusqu'à sa famille, par l'intermédiaire de voisins. C'est ainsi qu'elle remarque une petite maisonnette, où un jour elle avise Félicité sur une banquette en bois. La nouvelle se répand : il s'agit de latrines, bien plus commodes que «  la grande fosse au fond de la bananeraie » utilisée par les autres familles.

Pas de coiffeur à Gitagata ni à Nyamata, il faut compter sur ses proches pour façonner « l'amasunzu », «  touffes géométriques en forme de croissant », porté par les jeunes filles vers 18, 20 ans, en âge de se marier.
Stefania découvre ainsi la poudre noire qui teinte les cheveux et souhaite tester ce produit, appelé «Kanta ».

Si la figure centrale de ce roman est «  La femme aux pieds nus », rappelons que la romancière a aussi dédié un livre à son père dans « Un si beau diplôme ».

Par ce tombeau de papier, l'écrivaine franco-rwandaise rend un vibrant hommage à cette mère sacrificielle, puissante, dont elle n'a pas pu exaucer l'ultime injonction.
Scholastique Mukasonga signe un récit mémoriel et d'amour filial, non dénué d'humour, d'autodérision. Un témoignage nécessaire relatant « le destin implacable » auquel on avait voué les Tutsi. C'est la gorge serrée que l'on referme le livre.
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Roman, témoignage, hommage à sa mère, récit d'un massacre annoncé, cet ouvrage est tout cela est bien plus encore. Scholastique Mukasonga n'a pu faire le deuil de sa mère, massacrée lors du génocide rwandais. Elle n'a pas pu la recouvrir comme sa mère le lui avait demandé, l'envelopper, recouvrir son corps de manière telle qu'on ne puisse la voir morte, lui rendre hommage.

Scholastique Mukasonga vit avec l'image de sa mère, démembrée, éventrée, jetée dans une fosse commune ou aux animaux, charognards de passage. Ses os blanchis au soleil, récurés par des insectes de passage.

Alors, elle utilise son arme de prédilection, sa plume. Et elle nous parle de sa mère. Ses petits gestes. Ses attentions. Ses habitudes. Ses talents de cuisinière. Ses bons offices de marieuse. Ses instants de bonheur dans l'exil. Et ce faisant, l'autrice nous dévoile une société tutsi, qui aspirait à la paix. Elle règle quelques comptes, avec les Belges, avec l'Eglise... Elle est gentille, Scholastique Mukasonga, elle pacifie, elle répand son empathie (innée ou acquise?) autour d'elle. Son monde est un monde d'amitié et d'amour, mais celui qu'elle décrit, simplement, humainement, est un monde sanglant de haine, de corruption et de mort.

Au final, ce livre est un hommage à toutes les femmes. A l'heure où l'Ukraine est envahie et où le viol redevient une arme de guerre, ce livre nous enjoint à la paix et à la compréhension de l'autre. Il est donc le bienvenu.
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Cela commence par une bienveillante injonction :"Personne ne doit voir mon corps"; puis une mise en garde : "Personne ne doit voir le cadavre d'une mère sinon cela vous poursuivra"; et enfin un conseil : "Il vous faudra aussi quelqu'un pour recouvrir votre corps".

Mais comment faire dans un Rwanda en proie aux maladies, à la famine et aux massacres ? Quelle place pour la filiation, quelles mécanismes de transmission au sein d'une famille, dans les établissements scolaires ou même au quotidien quand le danger rôde ?

Ce récit qui aurait pu être sombre se révèle riche de vie à travers des anecdotes et souvenirs narrés par des femmes déterminées.

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Un hommage très touchant de l'auteure a sa mère. Une mère courageuse, extraordinaire, aimante, protectrice. Et au-travers elle, l'auteure témoigne de la vie obligée des Tutsis déportés. Une vie ou plus rien ils ne leur restent. Une vie faite de crainte, de douleurs, d'obligations envers des militaires qui frappent, qui dont régner la terreur. Mais la mère de l'auteure a tout fait pour rendre ‘'normale'' la vie de ses enfants en leur offrant un foyer bienveillant, un petit cocon sécuritaire, en leur mettant tous les jours de la nourriture dans l'assiette. Bref, une lecture courte, mais qui touche. Une lecture poignante, vibrante, sincère. Une lecture pleine d'amour qui gagne sur l'horreur. Une très belle lecture.
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" Maman, je n'étais pas là pour recouvrir ton
corps et je n'ai plus que des mots — des mots
d'une langue que tu ne comprenais pas — pour
accomplir ce que tu avais demandé. Et je suis
seule avec mes pauvres mots et mes phrases, sur
la page du cahier, tissent et retissent le linceul de
ton corps absent."
Ces mots sont pour Stefania, la mère de Scholastique Mukasonga disparue avec toute sa famille lors du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Scholastique vivait en France depuis peu après avoir fui au Burundi. Il lui aura fallu attendre 2004 pour avoir le courage de revenir au Rwanda , pour retourner dans le Bugesera cette région inhospitalière où les Tutsi avaient été "déplacés"....
Sonnée, je suis sonnée. Des pages inoubliables où l'amour d'une fille pour sa Mère, la Mère nourricière, la femme aux pieds nus , transcende chaque mot en cri d'amour. Ce roman inoubliable a été récompensé en 2008 par le Prix Seligmann contre le racisme et l'intolérance.
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