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Citations sur Miso Soup (51)

- La ville où nous habitions avant, c'était un petit port de, disons huit mille habitants, il y avait un terrain de golf qui historiquement est l'un des quatre plus anciens d'Amérique, ce n'était pas un endroit si célèbre que ça mais enfin, des gens venaient spécialement de New-York ou de Washington en avion pour y faire du golf , l'aéroport le plus proche c'était Portland, je me rappelle très bien qu'on pouvait aller au Canada facilement de là en voiture, dans ce coin là au Canada, ils parlent français, on avait tout de suite l'impression d'être à l'étranger, c'était amusant, et il y avait aussi une ligne de chemin de fer, chose assez rare sur la côte est, vers le moment où j'ai commencé à marcher, la ligne a été supprimée, mais il restait les rails, moi j'aimais bien ces rails enfouis sous les chemins, je m'amusais à les suivre, il me semblait qu'ils continuaient jusqu'à l'infini, un petit enfant ça ne peut pas marcher très loin, alors je n'arrivais jamais au bout des rails, et je croyais vraiment qu'ils faisaient le tour du monde, le souvenir qui me reste de cette époque c'est de m'être perdu.
Dis-moi, Kenji, ça t'est déjà arrivé de te perdre ?
Je secouais la tête.
- ça c'est curieux, dit Franck. Tous les enfants se perdent.
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En écrivant ce roman, je me suis senti dans la position de celui qui se voit confier le soin de traiter seul les ordures. Une dégénérescence terrible est en cours, et elle ne contient pas la moindre graine d'épanouissement. J'ai l'impression d'observer des organismes vivants en train de mourir lentement à l'intérieur d'une pièce aseptisée.
Tout cela m'écoeure déjà, mais je suis persuadé que, loin de s'arrêter, la décadence ne fera que s'accélérer tandis que se renforceront des phénomènes d'ordre réactionnaire et régressif.

Postface de Murakami Ryû, automne 1997.
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Ce que me racontais Frank était fondamentalement très désagréable à entendre, et il y avait pas mal de choses que je ne comprenais pas mais je ne pouvais pas me boucher les oreilles. J'avais l'impression d'écouter de la musique plus qu'un monologue. Il y avait une mélodie, un rythme, il me semblait que ce qu'il disait pénétrait en moi par les pores de ma peau plutôt que par les oreilles. Ce qu'il disait était compliqué si bien que quand il me demanda soudain si je m'étais déjà retrouvé en hôpital psychiatrique, je ne pouvais même pas me dire qu'il posait des questions invraisemblables. Je répondis "no", comme à une question ordinaire. Plus je l'écoutais, moins je le trouvais anormal. A certaines époques dans l'histoire de l'humanité les hommes s'étaient entre-tués, avaient mangé la chair de leurs ennemis, et il me semblait que je l'entendais me raconter une de ces histoires datant d'un lointain passé. La frontière entre la normalité et la folie devenait floue. Je ne savais plus ce qui était bien, ce qui était mal. C'était angoissant mais en même temps je ressentais une sorte d'étrange sentiment de libération inconnu jusqu'alors. Je me sentais enveloppé d'une sorte de gelée visqueuse où se fondaient les limites entre moi et autrui, où je n'avais plus besoin de penser à toutes ces choses compliquées dont la vie était remplie.
Frank m'entraînait dans un monde inconnu, ailleurs.
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En fait, tous ces gens présents dans le club de rencontres n'étaient pour moi que des robots, des mannequins. La fille numéro deux avait dit qu'elle se sentait un peu seule. Elle aurait bien voulu faire autre chose mais ne savait pas quoi, alors elle avait échoué dans ce club, histoire de parler avec quelqu'un. La fille numéro trois, c'était la même chose. Elle s'était retrouvée à chanter Amuro dans ce lieu suant la tristesse simplement parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre. Le quadragénaire amateur de karaoké draguait la fille numéro cinq mais il lui avait dit : " On voit tout de suite que vous êtes le genre de fille à faire les téléphones roses." La fille lui avait seulement répondu quelque chose comme : "Ah, bon, à quoi vous voyez ça ?" sans se fâcher le moins du monde. Le patron du club était typique de ces hommes qui font commerce à Kabukichô : sa jalousie, son sentiment d'échec, ses émotions, tout était paralysé en lui, ce qui le rendait capable de rester indifférent à la vue de sa propre femme ou de femmes de sa connaissance faisant n'importe quoi avec des inconnus. Quant au serveur, il avait une dégaine à faire partie d'un groupe de musiciens. Encore un de ces types qui ne connaissent rien à la musique, n'essaient même pas de s'y intéresser mais fondent quand même un groupe, uniquement pour pouvoir se retrouver entre copains. Il semblait seulement jouer le rôle d'un certain type d'être humain, comme s'il suivait les ordres de quelqu'un. Le peu de temps que j'étais resté en contact avec tous ces gens, je m'était senti énervé en permanence, comme si je n'avais pas affaire à des êtres de chair et de sang mais à de vulgaires peluches bourrées de polystyrène ou de sciure de bois. Même la vue du sang épais qui dégoulinait de leurs gorges tranchées ne m'avait pas redonné le sentiment de leur réalité. Le sang coulant de la gorge de la fille numéro cinq ne m'avait évoqué que de la sauce soja, comme si elle n'était pas vraiment humaine. Et la fille numéro un, Maki, pas une seule fois dans sa vie elle n'avait dû se poser la question de savoir ce qui lui allait vraiment ou ce qu'elle voulait faire de sa vie. Elle était seulement persuadée que si elle s'entourait d'objets de super-luxe, elle deviendrait elle aussi une personne de super-luxe. Seulement pour elle, avoir de la classe, ça se limitait à acheter des blocs de tofu à cinq cents yens pièce, du sashimi de carpe à deux mille yens le paquet, des vêtements Junko Shimada, dormir au Hilton de Disneyland et prendre les premières en avion. Elle était persuadée que seuls les gens qui pouvaient se payer tout ça avaient vraiment de la classe, et qu'elle aussi aurait de la classe si elle pouvait ne vivre qu'entourée de ce genre de personnes.
Tous autant qu'ils étaient, ce n'était que des rebuts, ce qui ne veut pas dire que je valais mieux. Je n'étais pas très différent d'eux, c'est même pour ça que je les comprenais bien et qu'ils m'agaçaient.
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(…) C’était une drôle de soupe, avec une odeur bizarre, alors je ne l’ai pas bue, mais je la trouvais intéressante, d’abord la couleur, cette espèce de brun foncé étrange, et puis l’odeur, on dirait que ça sent la transpiration, tu ne trouves pas ? Et pourtant, cette soupe donne vraiment l’impression d’un plat raffiné, plein de distinction, c’est pour ça que je suis venu au Japon, tu vois, je me demandais quel genre de peuple pouvait boire une soupe pareille tous les jours (…)
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Elle a eu plusieurs expériences pénibles, tu sais, ce n’est pas qu’elle ait été battue ou violée, non, mais elle dit que le plus dur à supporter c’est la pression du groupe, le fait que les Japonais ne prennent jamais en compte la dimension humaine individuelle, ils entourent une personne en tant que groupe, ils font courir des bruits sur elle en tant que groupe, ça leur parait tout à fait normal et ils ne se posent jamais la question de savoir si cette pression est tolérable ou non plus l’individu, autrement dit ils sont indifférents, et on ne peut pas non plus se plaindre, si on leur reproche leur attitude, ils ne savent même pas de quoi on parle puisqu’ils ne sont même pas conscients de ce qu’ils font, moi je pense que si on se montre hostile envers moi, je dois riposter mais pas elle, elle ne sait pas comment se défendre.
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La peur m’avait envahi, une peur si monstrueuse que je n’étais même pas capable de la reconnaitre. Elle m’avait envahi à tel point, corps et esprit, que je m’étais mis à transformer en paroles la moindre de mes pensées pour ne pas me mettre à hurler de terreur.
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Avant l’apparition de Frank, ce club de rencontres était un véritable symbole du Japon actuel, avec ces situations où personne n’a la volonté de transmettre quoi que ce soit, et les gens croient que ça va se transmettre tout seul, que c’est aussi simple que de respirer. Et ceux qui ne connaissent que ça comme mode de vie, quand une situation d’urgence se présente, ils paniquent, perdent les mots, et se font tuer.
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si les virus n’existaient pas sur terre, l’espèce humaine ne serait sans doute jamais apparue, il y a dans les virus quelque chose qui pénètre dans nos gènes et change les informations directement héréditaires, par exemple le virus HIV qui cause le sida, personne ne peut affirmer qu’il n’est pas en train d’inscrire différemment les informations génétiques nécessaires à la survie de l’homme dans le futur,
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Tout le monde la traitait mal, et elle trouvait normal de traiter autrui de la même manière.
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