La première qualité d'un écrivain était de savoir captiver son lecteur par une bonne histoire. Un récit capable de l'arracher à son existence pour le projeter au cœur de l'intimité et de la vérité des personnages. Le style n'était que le moyen d'innerver la narration et de la rendre vibrante.
La misère du monde est un fardeau qui peut vous écraser si vous en faites une affaire personnelle.
"_Bon, je ne sais pas, alors. C'est quoi l'essentiel ?
_L'essentiel, c'est la sève qui irrigue ton histoire. Celle qui doit te posséder et te parcourir comme un courant électrique. Celle qui doit te brûler les veines pour que tu ne puisses plus faire autrement que d'aller au bout de ton roman comme si ta vie en dépendait. C'est ça, écrire. C'est ça qui fera que ton lecteur se sentira captif, immergé, et qu'il perdra ses repères pour se laisser engloutit comme tu l'as toi-même été."
Le vent faisait claquer les voiles dans un ciel éclatant.
Le dériveur avait quitté les côtes varoises un peu après 13 heures et filait à présent à la vitesse de cinq nœuds en direction de l’île Beaumont. Près du poste de barre, assis à côté du skipper, je m’enivrais des promesses de l’air du large, m’abîmant tout entier dans la contemplation de la limaille dorée qui scintillait sur la Méditerranée.
La planète est devenue une fournaise, de grandes parties du monde sont à feu et à sang, les gens votent pour des fous furieux et s'abrutissent devant les réseaux sociaux. Ca craque de partout, alors ...
Et puis, vous savez très bien que le succès repose sur un malentendu.
Les livres sont des soleils trompeurs
Il continua à tourner les pages pour revoir ses annotations.
— Il y a des rebondissements, les dialogues sont souvent bien troussés, parfois drôles, et on ne peut pas dire que l’on s’ennuie…
— Mais ?
— Mais il manque l’essentiel.
Ah oui, quand même…
— Et c’est quoi l’essentiel ? demandai-je, assez vexé.
— À ton avis ?
— Je ne sais pas. L’originalité ? Les idées neuves ?
— Non, on s’en fout des idées, il y en a partout.
— La mécanique de l’histoire ? L’adéquation entre une bonne histoire et des personnages intéressants ?
— La mécanique, c’est un truc de garagiste. Et les équations, c’est un truc de matheux. Ce n’est pas ça qui te fera devenir un bon romancier.
— Le mot juste ?
— Le mot juste, c’est utile dans les conversations, se moqua-t-il. Mais n’importe qui peut travailler avec un dictionnaire. Réfléchis, qu’est-ce qui est vraiment important ?
— L’important, c’est que le livre plaise au lecteur.
— Le lecteur est important, c’est vrai. Tu écris pour lui, on est d’accord, mais chercher à lui plaire est le meilleur moyen pour qu’il ne te lise pas.
— Bon, je ne sais pas, alors. C’est quoi l’essentiel ?
— L’essentiel, c’est la sève qui irrigue ton histoire. Celle qui doit te posséder et te parcourir comme un courant électrique. Celle qui doit te brûler les veines pour que tu ne puisses plus faire autrement que d’aller au bout de ton roman comme si ta vie en dépendait. C’est ça, écrire. C’est ça qui fera que ton lecteur se sentira captif, immergé, et qu’il perdra ses repères pour se laisser engloutir comme tu l’as toi-même été.
Comme Margaret Atwood, je pense que vouloir rencontrer un écrivain parce qu'on aime son livre, c'est comme vouloir rencontrer un canard parce qu'on aime le foie gras.
On évolue tous dans une zone grise et instable où le meilleur des hommes pourra toujours commettre le pire. (p. 273)