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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une vraie rencontre.
Rare d'être frappé à ce point par un livre, de se sentir autant interpelé par un auteur, d'éprouver autant d'empathie pour son personnage principal, Maqroll ; au bonheur d'être son héros récurent, augurant de futures rencontres tout aussi réussies.

Ce livre s'ouvre sur un superbe poème d'Emile Verhaeren, « Les pêcheurs », que l'on relira d'autant plus qu'on découvre la vie et l'oeuvre de ce colombien cosmopolite, à l'aide de l'habile biographie qui suit, nous apprenant que ce livre, premier volet d'une trilogie, marque le passage à la prose pour ce poète qui manigance si bien ses mots.

La qualité de son écriture, bien rendue par la traduction d'Annie Morvan — (interrogation à ce sujet, voyant que son oeuvre a connu au moins quatre traducteurs différents, dont le remarquable François Maspero, sur leurs influences, ou non, pour le futur lecteur) — illustre parfaitement ce que la maîtrise poétique de la langue peut apporter à la construction d'un récit, sans que cela paraisse « ornemental ». D'une justesse désarmante, ses phrases n'en finissent de couler le long des corps et du temps, toujours vers la mer, esquifs réalistes n'ayant besoin de précisions géographiques pour exister.
Un flou qui matérialise cette Amérique Latine mieux qu'histoires ou frontières, dans cette échelle extra-humaine, teintant toute action des couleurs du dérisoire.

Réminiscence involontaire d' « Aguirre, la colère de Dieu », film voyant le mutant Klaus Kinsky abimer son regard antarctique sur cette croisière monotone, suffoqué par une jungle à la sourde menace, les temps n'ayant pas beaucoup avancé depuis.

La forme de l'histoire, journal de bord au jour le jour, immiscée comme mise en abîme, renforce et achève l'incarnation de notre héros Maqroll el Gaviero, à mille lieux de tout exotisme ou romantisme, tour de force d'une prose qui, à aucun moment, ne donne le sentiment d'hâbler son réalisme.
Paradoxe éclatant qui engendre cette éblouissante réussite. Beaucoup de superlatifs au risque d'abîmer le discret équilibre qui gouverne ces pages.

Un bon rappel que la collection Cahiers Rouges de Grasset abrite une pile de merveilles, à des années-lumière de la boue éditoriale qu'ils produisent par ailleurs.
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« Puisque la vie n'est qu'une errance dépourvue de sens, l'important est d'errer intensément sans penser que l'on puisse jamais arriver quelque part. », voilà la devise de vie de Maqroll le Gabier, dont on découvre ici le carnet de voyage tenu pendant sa remontée du fleuve Xurando, dans un improbable rafiot et en compagnie d'un équipage encore plus improbable. Notre homme espère faire fortune en montant une affaire de commerce de bois avec des scieries supposées se trouver quelque part sur le fleuve. On imagine bien dès le départ, que cette quête est aussi des plus improbables.

L'histoire ici a peu d'importance, du moins pour moi. La prose sublime de Mutis aux descriptions et réflexions d'une finesse et d'un humour exquis, à elle seule m'a comblée. Mais l'histoire y est aussi, et quelle histoire. “Une vieille histoire; vieille et ennuyeuse”, celle de la Vie, cette errance aux incontournables composantes, la chance, la malchance, les bons, les méchants, les perdants, pas de gagnants ici vu que dans la vie aussi ce n'est qu'en apparence, le bonheur, la peur,.......et la mort, le tout sur ce rafiot de misère, avec en prime un commentateur notre Maqroll le Gabier, alter égo d'Alvaro Mutis. Que demander de plus, magistral, de la Littérature pure ! Un livre qui m'a posée “des ventouses dans l'âme”(p.93).....

Je voudrais terminer avec une citation du livre qui fait écho au livre précédent que je viens de lire, le « Travelling » de Garcin et Tanguy, où Garcin justement y réfère : “Comme si ce voyage, ces paysages que nous avons traversés, l'expérience de la forêt partagée avec ceux que j'ai connus ici, le retour qui sera plein d'images, de voix, de vies, d'odeurs et de délires venant s'ajouter aux ombres qui me tiennent compagnie, n'avaient d'autre but que de débrouiller l'insipide écheveau du temps.”

Pour qui s'intéresse à ces deux livres, je conseille de les lire consécutivement , un pur délice !
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Álvaro Mutis (1923-2013) était un bourlingueur et un poète avant d'être un grand romancier. C'est d'ailleurs dans un recueil de poèmes qu'est né le personnage central de Maqroll el Gaviero, son alter ego imaginaire."Maqroll el Gabiero, comme l'indique la note de l'éditeur, c'est le gabier, et pour Alvaro Mutis, le gabier est la représentation même du poète, l'homme qui, solitaire tout en haut de son mât, voit et annonce tout au navire, le bon et le funeste. Ainsi, c'est du gabier que tout le navire dépend, tout comme lui dépend totalement du navire."

La Neige de l'Amiral est publié, en 1986. Álvaro Mutis a déjà 63 ans. Il ignore alors que ce roman sera le premier volume d'une saga intitulée les Tribulations de Maqroll le Gabier. le roman est une allégorie de la condition humaine.
Dans le prologue, le narrateur (et futur chroniqueur) raconte qu'en chinant dans une vieille boutique gothique barcelonaise, il est tombé sur un vieux grimoire historique qu'il recherchait depuis des lustres : « L'enquête du Prévôt de Paris sur l'assassinat de Louis, duc d'Orléans » par P. Raymond, éditée en 1865.
Et, à l'intérieur de la couverture, se trouve un journal, écrit d'une main tremblante (à cause des vibrations du moteur Diesel ) qu'il résume lui-même :
« Le journal d'el Gaviero, de même que tous ses écrits laissés en témoignage d'un destin qui lui a toujours été adverse, est un mélange indéfinissable des genres les plus divers : il va de la narration triviale des faits quotidiens à l'énumération des préceptes de ce que j'imagine être sa philosophie de la vie. Tenter de corriger ses fautes eût été d'une fatuité naïve et eût bien peu ajouté à son intention première de consigner, jour après jour, les expériences d'un voyage dont la monotonie et l'inutilité étaient sans doute rompues par ce travail de chroniqueur.»
A la suite du journal figurent d'autres fragments épars laissés par Maqroll.
Ce journal est destiné à Flor Estevez qui tient une auberge nommée La Neige de l'Amiral.

Maqroll le Gabier a quitté Flor Estevez pour remonter le fleuve Xurando à bord d'un vieux rafiot poussif piloté par un capitaine alcoolique à la recherche de mystérieuses scieries qui devraient lui permettre de faire fortune.
Dès les premiers mots du journal de bord, le lecteur apprend que Maqroll ne se fait guère d' illusions au sujet de cet Eldorado mais sait qu'il continuera malgré tout à naviguer jusqu'au bout sans savoir pourquoi. Pour contrarier son angoisse existentielle et son sentiment de culpabilité à l'égard de Flor Estevez, Maqroll lit le livre de P. Raymond retraçant la lutte sournoise pour le trône de France entre Armagnacs et Bourguignons à l'époque médiévale, et puis il rédige simultanément son journal. Il transcrit avec la minutie d'un chroniqueur et la prose d'un poète ses mésaventures, ses impressions, ses rêves et ses souvenirs, toujours illusoires.

(Oups je voulais masquer la suite mais je n'y suis pas arrivée !)
Il se souvient de Flor Estevez, de son ami Abdul et des autres chemins qu'il aurait pu prendre au lieu de s'embarquer sur le rafiot pour cette odyssée absurde. Maqroll rêve que Napoléon lui demande conseil (sur une expédition fatale qu'il aurait mieux fait d'éviter) et peste après P. Raymond et ses hypothèses impossibles concernant l'assassinat du Duc d'Orléans. Et il raconte les péripéties de ce voyage désespérant, semé d'écueils qui va durer trois mois. La nature est hostile, moite, nauséabonde. L'humanité est, à quelques rares exceptions, peu fiable, cupide, cruelle ou dépravée. Des personnages sont inoubliables. le capitaine alcoolique, un métis à la vie extravagante et déchirante. Et puis un couple d'Indiens nus qu'il observe d'abord avec une précision froide d'anthropologue avant de se servir, en ressentant alors un dégoût terrible de poète maudit. Maqroll contracte alors « la fièvre du Puits » peut-être parce qu'il a transgressé une loi, commis un sacrilège. Il se débat contre la démence et la tentation de se laisser glisser vers la mort. Mais un étrange Major surgit à plusieurs reprises de la forêt pour le sauver in extremis en lui permettant de poursuivre son journal, toujours à contre-courant.


Cette courte épopée contemporaine qui ne mène nulle part avec un héros anti-héroïque est formidablement captivante, riche, inoubliable.
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Alvaro Mutis est un écrivain colombien du XXe siècle, il est de la même génération de l'incontournable Gabriel Garcia Marquez, mais bien moins précoce, il devient romancier alors que l'autre est déjà nobélisé. Ce n'est pas tout à fait le même style, dans ses inspirations, il faut plutôt aller voir du côté de Joseph Conrad, ce n'est pas non plus pour me déplaire.
Un homme remonte un fleuve colombien sur un vieux rafiot, avec un équipage restreint, quelques vieux aventuriers désabusés. Son objectif est de retrouver d'hypothétiques scieries en aval du fleuve. C'est un récit sur la fuite, sur l'illusion de l'aventure, l'écriture est élégante, chargée de poésie, le rythme suit celui du navire, plein de nonchalance, et si certains évènements interviennent, le narrateur ne semble pas vraiment en faire partie. On se laisse bercer et dans l'attente d'une aventure qui ne vient pas, une aventure qui laisse la place à une réflexion sur le destin, sur les choix de vie. Oui, c'est vraiment Joseph Conrad qui me vient à l'esprit, Alvaro Mutis ne s'en cache d'ailleurs pas.
J'ai adoré cette lecture.
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Voici une bien belle découverte. Assurément un auteur que je vais tenter de davantage découvrir.

Même en traduction, ce court roman ou grande nouvelle donne envie d'en lire encore plus.

Ce n'est pas tant l'histoire, celle d'un homme qui quitte la femme avec qui il est pour courir l'aventure et chercher fortune dans une obscure histoire de bois à aller récupérer au loin à la remontée d'un fleuve pour s'apercevoir qu'il n'aurait peut-être pas dû quitter cette femme qu'il aimait, que l'ambiance créée, la dimension littéraire offerte au lecteur qui lui permet de se retrouver en dehors du temps et du présent.

J'ai beaucoup aimé.

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Il y a du Corto Maltese dans, le personnage de ce roman, un marin désabusé nommé Maqroll el Gaviero (Maqroll le Gabier), mais aussi du Marlow : en effet, comme Charles Marlow, le héros d'« Au coeur des ténèbres », le marin d'Alvaro Mutis remonte un fleuve capricieux au bout duquel l'attendent d'hypothétiques scieries. Projet vain, dont il mesure d'avance qu'il sera un échec mais qu'il mènera tout de même à son terme, par inertie ou par aboulie.
Comme dans le livre de Conrad, ce voyage au bout de la jungle est aussi une plongée dans la sauvagerie et le mal absolu, personnifié par d'affreux trafiquants et par d'inquiétants militaires. Mais ce qui rend ce livre passionnant, c'est surtout son style : venu au roman par les voies de la poésie, Alvaro Mutis (qui est un des grands poètes sud-américains contemporains) a su se forger une belle langue rythmée et musicale et un univers romanesque reconnaissable entre mille. Roman concret et poétique, symbolique et métaphysique, « La neige de l'amiral » habitera son lecteur, longtemps après qu'il l'aura refermé.
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La neige de l'amiral est une très belle rencontre, que j'attendais en fait depuis longtemps, sans le savoir.

Les carnets de Marqoll sont une invitation au voyage, mais pas au voyage voluptueux, calme et sensoriel de Baudelaire, non au voyage âpre, aventureux et angoissé de celui pour qui l'ailleurs est le seul endroit où vivre. Un voyage lent, qui laisse le temps à l'esprit de dériver, de tourner en rond et d'approcher la limite de la folie, celle qui ouvre des portes vers d'autres réalités. Un voyage dans la forêt amazonienne, où la chaleur étouffante lime l'humanité des protagonistes et où la lenteur et le bruit du moteur entraîne l'esprit dans des circonvolutions et des souvenirs où plusieurs strates de la réalité peuvent se superposer et où des messages cachés apparaissent. Ce rapport à la réalité m'a fait penser aux ambiances de Corto Maltese, dans les premiers albums, toujours à la limite de l'hallucination et de la magie.

Le récit est porté par une langue ironique, où l'humour noir est omniprésent. Une ambiance qui s'insinue dans le cerveau, dans l'humeur et dans les rêveries. le personnage du gabier d'Alvaro Mutis vit clairement en dehors de l'histoire racontée (c'est d'ailleurs très étonnant comme procédé littéraire), on sent un bouillonnement d'expériences auxquelles on n'a pas accès. Les lieux imaginaires qu'il traverse (le fleuve Xurando, les gorges d'Aracuriare, les mines de Cocora), son appétence pour l'histoire des régicides européens et ses aspirations d'anti-héros en font un personnage très étonnamment auquel on parvient à s'identifier et s'attacher.
Je repartirai en divagations avec Alvaro Mutis, c'est sûr.
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La Neige de l'Amiral constitue le premier tome des tribulations de Maqroll le Gabier, mais pas seulement, c'est aussi le nom du café tenu par la belle Flor Estevez en plein coeur de la Cordillère d'où est parti notre héros.

Maqroll le Gabier entame un périple : remonter le fleuve Xurandó afin d'atteindre une scierie et faire le commerce du bois. Il remonte inlassablement ce fleuve à bord d'une vieille chaloupe en compagnie d'un capitaine alcoolique, d'un indien muet amoureux de son diesel, d'un géant Estonien et d'un lamaneur. Il leur faut affronter la jungle et son climat ("Le voyage est long et la forêt exerce un pouvoir incontrôlable sur ceux qui n'y sont pas nés"), les militaires ainsi que les indiens porteurs de la fièvre du puits, qui est mortelle et attaque les blancs qui couchent avec des indiennes.
Pendant la traversée, Maqroll laisse son esprit vagabonder, il pense à Flor Estevez, qui hante ses rêves et songe à Abdul Bashur, connu dans un café de Port-Saïd. Comme Alvaro Mutis, le Gabier aime l'histoire et plus précisément l'histoire de France, il lit un livre sur le Duc d'Orléans pendant le voyage.

Magnifiquement écrit dans une langue pure et poétique, ce roman vous happe et vous enivre dans sa torpeur moite, vous entraîne dans ses mythes et vous comble de réflexions sur la vie. Mutis a voulu faire de ce livre un roman d'aventure qui donne la profondeur du désastre du destin de l'homme.
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Avril 1992
n°103

La neige de l'amiralAlvaro Mutis – Éditions Sylvie Messinger .

Sous la forme d'un journal de bord rédigé sur du papier de hasard, El Gaviero nous relate sa remontée rocambolesque du fleuve équatorial Xurando à la recherche de l'argent. Comme toujours, il note sur lui-même son éternelle remarque « Je suis au plus haut point intrigué par la manière dont ma vie est une répétition d'échecs, de décisions erronées au départ, de voies sans issue qui, mises bout à bout seraient tout compte fait l'histoire de mon existence ».

C'est encore une fois l'histoire d'un voyage, c'est à dire d'une fuite aux côtés d'un capitaine alcoolique et désespéré … et, par intermittence la compagnie d'un major énigmatique qui lui sauve la vie mais qui avait choisi d'abréger la sienne en venant vivre dans cette forêt « Ici ou là-bas, c'est la même chose, seulement ici, ça va plus vite ! » dit-il au capitaine qui le comprend.

Le véritable but d'El Gaviero semble être les scieries situées aux sources du Xurando. Autour d'elles se bâtissent des légendes complaisamment entretenues par le lamaneur et le mécanicien du bord… puis, rapidement, tout cela perd de son intérêt.

Dans ce voyage qui ressemble fort à un retour à ses origines inconnues, avec en toile de fond la Cordillère, il croise la mort, la sienne d'abord qu'il réussit à éviter, celle du capitaine ensuite qu'il découvre un matin, pendu… puis le naufrage fatal de l'esquif qu'il venait de quitter quelques heures auparavant.

Dans sa tête demeure l'image d'une femme, Flor Estevez et de « la neige de l'amiral », établissement perdu dans la montagne qu'il retrouve vide et délabré.

Ce livre est une approche supplémentaire du personnage d'El Gaviero, marin énigmatique et solitaire en perpétuelle errance, personnage romanesque mais Ô combien attachant dû au talent à chaque fois renouvelé du poète Alvaro Mutis.
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Alvaro Mutis nous livre ici le journal de bord de Maqroll el Gaviero, un aventurier ayant échoué dans toutes ses tentatives précédentes à faire fortune et qui décide, cette fois ci, de remonter un fleuve Amazonien pour faire un commerce de bois auquel lui-même ne croit pas beaucoup.
Ce roman m'a immédiatement fait penser à « Au coeur des ténèbres » de Conrad, c'est un court roman d'aventures dans une nature sauvage dans lequel le personnage est un anti héros, c'est magnifiquement écrit par un poète reconverti en auteur de romans.
J'ai beaucoup aimé cette histoire qui m'a plongé dans la chaleur moite amazonienne entouré de tous les dangers inhérents à cette contrée sauvage. Une belle découverte !
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