AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Annie Morvan (Traducteur)
EAN : 9782246446217
217 pages
Grasset (10/06/1992)
4.1/5   86 notes
Résumé :
Sur un bateau délabré conduit par un capitaine alcoolique, Magroll el Gaviero entreprend la remontée du fleuve Xurando.
Marin d'origine mystérieuse et personnage aujourd'hui mythique de l'œuvre d'Alvaro Mutis, il est à la recherche d'hypothétiques scieries situées au cœur d'une jungle dangereuse et inhospitalière qui lui permettront, du moins l'espère-t-il, de monter une affaire de transport de bois et de gagner un peu d'argent. Magistrale métaphore sur la pr... >Voir plus
Que lire après La neige de l'amiralVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
4,1

sur 86 notes
5
9 avis
4
8 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Une vraie rencontre.
Rare d'être frappé à ce point par un livre, de se sentir autant interpelé par un auteur, d'éprouver autant d'empathie pour son personnage principal, Maqroll ; au bonheur d'être son héros récurent, augurant de futures rencontres tout aussi réussies.

Ce livre s'ouvre sur un superbe poème d'Emile Verhaeren, « Les pêcheurs », que l'on relira d'autant plus qu'on découvre la vie et l'oeuvre de ce colombien cosmopolite, à l'aide de l'habile biographie qui suit, nous apprenant que ce livre, premier volet d'une trilogie, marque le passage à la prose pour ce poète qui manigance si bien ses mots.

La qualité de son écriture, bien rendue par la traduction d'Annie Morvan — (interrogation à ce sujet, voyant que son oeuvre a connu au moins quatre traducteurs différents, dont le remarquable François Maspero, sur leurs influences, ou non, pour le futur lecteur) — illustre parfaitement ce que la maîtrise poétique de la langue peut apporter à la construction d'un récit, sans que cela paraisse « ornemental ». D'une justesse désarmante, ses phrases n'en finissent de couler le long des corps et du temps, toujours vers la mer, esquifs réalistes n'ayant besoin de précisions géographiques pour exister.
Un flou qui matérialise cette Amérique Latine mieux qu'histoires ou frontières, dans cette échelle extra-humaine, teintant toute action des couleurs du dérisoire.

Réminiscence involontaire d' « Aguirre, la colère de Dieu », film voyant le mutant Klaus Kinsky abimer son regard antarctique sur cette croisière monotone, suffoqué par une jungle à la sourde menace, les temps n'ayant pas beaucoup avancé depuis.

La forme de l'histoire, journal de bord au jour le jour, immiscée comme mise en abîme, renforce et achève l'incarnation de notre héros Maqroll el Gaviero, à mille lieux de tout exotisme ou romantisme, tour de force d'une prose qui, à aucun moment, ne donne le sentiment d'hâbler son réalisme.
Paradoxe éclatant qui engendre cette éblouissante réussite. Beaucoup de superlatifs au risque d'abîmer le discret équilibre qui gouverne ces pages.

Un bon rappel que la collection Cahiers Rouges de Grasset abrite une pile de merveilles, à des années-lumière de la boue éditoriale qu'ils produisent par ailleurs.
Commenter  J’apprécie          9421
« Puisque la vie n'est qu'une errance dépourvue de sens, l'important est d'errer intensément sans penser que l'on puisse jamais arriver quelque part. », voilà la devise de vie de Maqroll le Gabier, dont on découvre ici le carnet de voyage tenu pendant sa remontée du fleuve Xurando, dans un improbable rafiot et en compagnie d'un équipage encore plus improbable. Notre homme espère faire fortune en montant une affaire de commerce de bois avec des scieries supposées se trouver quelque part sur le fleuve. On imagine bien dès le départ, que cette quête est aussi des plus improbables.

L'histoire ici a peu d'importance, du moins pour moi. La prose sublime de Mutis aux descriptions et réflexions d'une finesse et d'un humour exquis, à elle seule m'a comblée. Mais l'histoire y est aussi, et quelle histoire. “Une vieille histoire; vieille et ennuyeuse”, celle de la Vie, cette errance aux incontournables composantes, la chance, la malchance, les bons, les méchants, les perdants, pas de gagnants ici vu que dans la vie aussi ce n'est qu'en apparence, le bonheur, la peur,.......et la mort, le tout sur ce rafiot de misère, avec en prime un commentateur notre Maqroll le Gabier, alter égo d'Alvaro Mutis. Que demander de plus, magistral, de la Littérature pure ! Un livre qui m'a posée “des ventouses dans l'âme”(p.93).....

Je voudrais terminer avec une citation du livre qui fait écho au livre précédent que je viens de lire, le « Travelling » de Garcin et Tanguy, où Garcin justement y réfère : “Comme si ce voyage, ces paysages que nous avons traversés, l'expérience de la forêt partagée avec ceux que j'ai connus ici, le retour qui sera plein d'images, de voix, de vies, d'odeurs et de délires venant s'ajouter aux ombres qui me tiennent compagnie, n'avaient d'autre but que de débrouiller l'insipide écheveau du temps.”

Pour qui s'intéresse à ces deux livres, je conseille de les lire consécutivement , un pur délice !
Commenter  J’apprécie          9113
Alvaro Mutis est un poete dont une partie de l'oeuvre a ete perdue du vivant meme de l'auteur (pour causes politiques, sa premiere plaquette poetique fut entierement brulee le jour meme de sa sortie, dit-on). Ce n'est que tard qu'il s'est consacre a une oeuvre romanesque, concentree autour d'un personnage cle, Maqroll le gabier. La neige de l'amiral est le premier apport de cette serie.

Maqroll est en quelque sorte un anti-heros. Dans ce livre il remonte un fleuve amazonien a contre-courant pour entreprendre une affaire qu'il sait d'avance ou impossible a conclure ou vaine. Mais ce n'est pas un mirage, et Maqroll n'est pas quelqu'un qu'on dupe. Non. Maqroll va toujours au devant d'aventures folles ou il a tout a perdre car c'est la justification de son existence: essayer, encore et encore, de braver ce que tout le monde considere comme la route la plus sure vers l'echec. Maqroll veut toujours aller au-dela de l'horizon. Il est donc toujours en errance, en quete, en poursuite de reves chimeriques. Il n'est pas sans but, mais son but est toujours une gageure, un possible fiasco. Et en chemin il ecrit un journal ou il consigne ses faits et surtout ses pensees, ses elucubrations.

La Neige de l'Amiral est donc en fait le journal de Maqroll pendant son periple. A travers lui est-ce que Mutis nous assene sa lecon de vie: toujours continuer, toujours entreprendre, sans jamais rien esperer? La desesperence comme facon de vivre? Va savoir…

Ce livre n'est pas facile a lire. Peu d'evenements et beaucoup de reflexions. Il y a pourtant des personnages secondaires qui meriteraient d'etre le pivot d'un autre roman: le capitaine de la chaloupe ou il s'est embarque, l'enigmatique major de l'armee qui en fin de compte sauve sa vie, l'amante absente qui habite ses pensees, Flor Estevez, avec qui il avait partage d'heureux moments dans la gargote qu'elle tenait en un col, une passe perdue de la cordillere. Mais Maqroll est envoutant. On se prend a apprecier ce que ce temoin errant du temps qui passe veut nous dire, meme si a certaines pages on est persuade de sa folie. L'ecriture fleurie de Mutis y est certainement pour beaucoup. Mutis reste poete dans ses proses.

Maqroll est un reveur. du haut de son mat, du mat de sa vie, ce gabier ne cherche pas la terre, le prochain rivage, mais des horizons insoupconnes. Maqroll agit comme ecrirait un poete, ses actes sont pure poesie. Alvaro Mutis nous fait rever avec lui, penser, divaguer avec lui. il reve peut-etre d'etre Maqroll. Et il reussit dans cette entreprise. Une grande reussite. Un grand livre. Je disais qu'il n'etait pas toujours d'acces facile. Comme toutes les grandes oeuvres peut-etre.
Commenter  J’apprécie          637
Álvaro Mutis (1923-2013) était un bourlingueur et un poète avant d'être un grand romancier. C'est d'ailleurs dans un recueil de poèmes qu'est né le personnage central de Maqroll el Gaviero, son alter ego imaginaire."Maqroll el Gabiero, comme l'indique la note de l'éditeur, c'est le gabier, et pour Alvaro Mutis, le gabier est la représentation même du poète, l'homme qui, solitaire tout en haut de son mât, voit et annonce tout au navire, le bon et le funeste. Ainsi, c'est du gabier que tout le navire dépend, tout comme lui dépend totalement du navire."

La Neige de l'Amiral est publié, en 1986. Álvaro Mutis a déjà 63 ans. Il ignore alors que ce roman sera le premier volume d'une saga intitulée les Tribulations de Maqroll le Gabier. le roman est une allégorie de la condition humaine.
Dans le prologue, le narrateur (et futur chroniqueur) raconte qu'en chinant dans une vieille boutique gothique barcelonaise, il est tombé sur un vieux grimoire historique qu'il recherchait depuis des lustres : « L'enquête du Prévôt de Paris sur l'assassinat de Louis, duc d'Orléans » par P. Raymond, éditée en 1865.
Et, à l'intérieur de la couverture, se trouve un journal, écrit d'une main tremblante (à cause des vibrations du moteur Diesel ) qu'il résume lui-même :
« Le journal d'el Gaviero, de même que tous ses écrits laissés en témoignage d'un destin qui lui a toujours été adverse, est un mélange indéfinissable des genres les plus divers : il va de la narration triviale des faits quotidiens à l'énumération des préceptes de ce que j'imagine être sa philosophie de la vie. Tenter de corriger ses fautes eût été d'une fatuité naïve et eût bien peu ajouté à son intention première de consigner, jour après jour, les expériences d'un voyage dont la monotonie et l'inutilité étaient sans doute rompues par ce travail de chroniqueur.»
A la suite du journal figurent d'autres fragments épars laissés par Maqroll.
Ce journal est destiné à Flor Estevez qui tient une auberge nommée La Neige de l'Amiral.

Maqroll le Gabier a quitté Flor Estevez pour remonter le fleuve Xurando à bord d'un vieux rafiot poussif piloté par un capitaine alcoolique à la recherche de mystérieuses scieries qui devraient lui permettre de faire fortune.
Dès les premiers mots du journal de bord, le lecteur apprend que Maqroll ne se fait guère d' illusions au sujet de cet Eldorado mais sait qu'il continuera malgré tout à naviguer jusqu'au bout sans savoir pourquoi. Pour contrarier son angoisse existentielle et son sentiment de culpabilité à l'égard de Flor Estevez, Maqroll lit le livre de P. Raymond retraçant la lutte sournoise pour le trône de France entre Armagnacs et Bourguignons à l'époque médiévale, et puis il rédige simultanément son journal. Il transcrit avec la minutie d'un chroniqueur et la prose d'un poète ses mésaventures, ses impressions, ses rêves et ses souvenirs, toujours illusoires.

(Oups je voulais masquer la suite mais je n'y suis pas arrivée !)
Il se souvient de Flor Estevez, de son ami Abdul et des autres chemins qu'il aurait pu prendre au lieu de s'embarquer sur le rafiot pour cette odyssée absurde. Maqroll rêve que Napoléon lui demande conseil (sur une expédition fatale qu'il aurait mieux fait d'éviter) et peste après P. Raymond et ses hypothèses impossibles concernant l'assassinat du Duc d'Orléans. Et il raconte les péripéties de ce voyage désespérant, semé d'écueils qui va durer trois mois. La nature est hostile, moite, nauséabonde. L'humanité est, à quelques rares exceptions, peu fiable, cupide, cruelle ou dépravée. Des personnages sont inoubliables. le capitaine alcoolique, un métis à la vie extravagante et déchirante. Et puis un couple d'Indiens nus qu'il observe d'abord avec une précision froide d'anthropologue avant de se servir, en ressentant alors un dégoût terrible de poète maudit. Maqroll contracte alors « la fièvre du Puits » peut-être parce qu'il a transgressé une loi, commis un sacrilège. Il se débat contre la démence et la tentation de se laisser glisser vers la mort. Mais un étrange Major surgit à plusieurs reprises de la forêt pour le sauver in extremis en lui permettant de poursuivre son journal, toujours à contre-courant.


Cette courte épopée contemporaine qui ne mène nulle part avec un héros anti-héroïque est formidablement captivante, riche, inoubliable.
Commenter  J’apprécie          507
Alvaro Mutis est un écrivain colombien du XXe siècle, il est de la même génération de l'incontournable Gabriel Garcia Marquez, mais bien moins précoce, il devient romancier alors que l'autre est déjà nobélisé. Ce n'est pas tout à fait le même style, dans ses inspirations, il faut plutôt aller voir du côté de Joseph Conrad, ce n'est pas non plus pour me déplaire.
Un homme remonte un fleuve colombien sur un vieux rafiot, avec un équipage restreint, quelques vieux aventuriers désabusés. Son objectif est de retrouver d'hypothétiques scieries en aval du fleuve. C'est un récit sur la fuite, sur l'illusion de l'aventure, l'écriture est élégante, chargée de poésie, le rythme suit celui du navire, plein de nonchalance, et si certains évènements interviennent, le narrateur ne semble pas vraiment en faire partie. On se laisse bercer et dans l'attente d'une aventure qui ne vient pas, une aventure qui laisse la place à une réflexion sur le destin, sur les choix de vie. Oui, c'est vraiment Joseph Conrad qui me vient à l'esprit, Alvaro Mutis ne s'en cache d'ailleurs pas.
J'ai adoré cette lecture.
Commenter  J’apprécie          372

Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Je m'assieds à l'avant, les jambes pendant au-dessus de l'eau qui m'éclabousse et m'apporte une sensation de fraîcheur qu'en d'autres circonstances j'aurais appréciée plus pleinement. Je pense aux factories et à la mauvaise surprise qu'elles occultent, que je pressens et à propos de laquelle personne n'a voulu me fournir de détails. Je pense à Flor Estevez, à son argent sur le point d'être précipité dans une aventure lourde de mauvais présages, je pense à mon habituelle maladresse pour aller de l'avant dans ce genre d'entreprise, et soudain je me rends compte que tout cela ne m'intéresse plus depuis bien longtemps. Penser à cela me procure un ennui combiné à la culpabilité paralysante de qui sait ne plus être concerné par l'affaire et cherche uniquement la façon de se libérer d'un engagement qui empoisonne chaque minute de sa vie. Cet état d'âme m'est plus que familier. Je sais très bien comment fausser compagnie à l'anxiété et au sentiment d'être en faute qui m'empêchent de profiter de ce que la vie m'offre chaque jour en récompense précaire de mon entêtement à demeurer auprès d'elle.
Commenter  J’apprécie          130
Sur les mines de Cocora :

Et moi qui suis un homme de la mer, pour qui les ports n'étaient que prétexte transitoire à d'éphémères amours et à bagarres de bordels ; moi dont la chair est encore bercée par le tangage du hunier tout en haut duquel je grimpais pour scruter l'horizon et annoncer les tempêtes, l'approche de la terre, les troupeaux de baleines et les bancs de poissons vertigineux qui venaient à nous comme un peuple ivre ; moi, je suis demeuré ici pour m'enfouir dans la fraîche obscurité de ces labyrinthes où circule un air souvent tiède et humide qui apporte des voix, des lamentations, d'interminables et opiniâtres travaux d'insectes, des battements d'ailes d'obscurs papillons, le cri d'un oiseau égaré au fond des galeries.
Commenter  J’apprécie          130
Une bande de perroquets passe dans le ciel en émettant un charabia joyeux qui se perd dans le lointain, telle une promesse de bonheur et de disponibilité sans limites.
Commenter  J’apprécie          310
Savoir que personne n’écoute personne. Que personne ne sait rien de personne. Que la parole est, en elle-même, un mensonge, un piège qui recouvre, déguise et ensevelit l’édifice précaire de nos rêves et de nos vérités, qui sont tous marqués du signe de l’incommunicabilité.

Apprendre, par-dessus tout, à se méfier de la mémoire. Ce que nous croyons évoquer est tout à fait étranger et différent de ce qui nous est vraiment arrivé. Combien de moments pénibles, irritants, ennuyeux, la mémoire nous renvoie-t-elle, des années plus tard, comme des instants de bonheur éclatant. La nostalgie est le mensonge grâce auquel nous nous approchons plus vite de la mort. Vivre sans souvenirs, c’est peut-être là le secret des dieux.
Commenter  J’apprécie          40
Bien que je finisse toujours par me consoler en pensant que le jeu en vaut la chandelle et qu'il n'est besoin de chercher autre chose que le plaisir de courir le monde sur des chemins qui, au bout du compte, se ressemblent tous. Malgré tout, cela vaut la peine de les suivre pour chasser l'ennui et la mort, la nôtre, celle qui nous appartient vraiment et attend que nous sachions la reconnaître et l'adopter.
Commenter  J’apprécie          70

Video de Alvaro Mutis (6) Voir plusAjouter une vidéo

Apos' Strophes d'été
Bernard PIVOT propose une sélection d'entretiens tirés des séries Apos et Strophes : - Patrick MARNHAM pour "Lourdes" (1ère diffusion le 19 février 1989), - Jacques CELLARD pour "Ah ça ira ça ira!" (1ère diffusion le 15 janvier 1989). - Alvaro MUTIS pour "La neige de l'amiral". - Claude Michel CLUNY pour "poèmes du fond de l'oeil" et "odes profanes". - ARISTIDE pour "la langue...
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Romans, contes, nouvelles (822)
autres livres classés : littérature colombienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (198) Voir plus



Quiz Voir plus

Voyage en Italie

Stendhal a écrit "La Chartreuse de ..." ?

Pavie
Padoue
Parme
Piacenza

14 questions
600 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , voyages , voyage en italieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..