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Annie Morvan (Traducteur)
EAN : 9782246446217
217 pages
Grasset (10/06/1992)
4.06/5   80 notes
Résumé :
Sur un bateau délabré conduit par un capitaine alcoolique, Magroll el Gaviero entreprend la remontée du fleuve Xurando.
Marin d'origine mystérieuse et personnage aujourd'hui mythique de l'œuvre d'Alvaro Mutis, il est à la recherche d'hypothétiques scieries situées au cœur d'une jungle dangereuse et inhospitalière qui lui permettront, du moins l'espère-t-il, de monter une affaire de transport de bois et de gagner un peu d'argent. Magistrale métaphore sur la pr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Une vraie rencontre.
Rare d'être frappé à ce point par un livre, de se sentir autant interpelé par un auteur, d'éprouver autant d'empathie pour son personnage principal, Maqroll ; au bonheur d'être son héros récurent, augurant de futures rencontres tout aussi réussies.

Ce livre s'ouvre sur un superbe poème d'Emile Verhaeren, « Les pêcheurs », que l'on relira d'autant plus qu'on découvre la vie et l'oeuvre de ce colombien cosmopolite, à l'aide de l'habile biographie qui suit, nous apprenant que ce livre, premier volet d'une trilogie, marque le passage à la prose pour ce poète qui manigance si bien ses mots.

La qualité de son écriture, bien rendue par la traduction d'Annie Morvan — (interrogation à ce sujet, voyant que son oeuvre a connu au moins quatre traducteurs différents, dont le remarquable François Maspero, sur leurs influences, ou non, pour le futur lecteur) — illustre parfaitement ce que la maîtrise poétique de la langue peut apporter à la construction d'un récit, sans que cela paraisse « ornemental ». D'une justesse désarmante, ses phrases n'en finissent de couler le long des corps et du temps, toujours vers la mer, esquifs réalistes n'ayant besoin de précisions géographiques pour exister.
Un flou qui matérialise cette Amérique Latine mieux qu'histoires ou frontières, dans cette échelle extra-humaine, teintant toute action des couleurs du dérisoire.

Réminiscence involontaire d' « Aguirre, la colère de Dieu », film voyant le mutant Klaus Kinsky abimer son regard antarctique sur cette croisière monotone, suffoqué par une jungle à la sourde menace, les temps n'ayant pas beaucoup avancé depuis.

La forme de l'histoire, journal de bord au jour le jour, immiscée comme mise en abîme, renforce et achève l'incarnation de notre héros Maqroll el Gaviero, à mille lieux de tout exotisme ou romantisme, tour de force d'une prose qui, à aucun moment, ne donne le sentiment d'hâbler son réalisme.
Paradoxe éclatant qui engendre cette éblouissante réussite. Beaucoup de superlatifs au risque d'abîmer le discret équilibre qui gouverne ces pages.

Un bon rappel que la collection Cahiers Rouges de Grasset abrite une pile de merveilles, à des années-lumière de la boue éditoriale qu'ils produisent par ailleurs.
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« Puisque la vie n'est qu'une errance dépourvue de sens, l'important est d'errer intensément sans penser que l'on puisse jamais arriver quelque part. », voilà la devise de vie de Maqroll le Gabier, dont on découvre ici le carnet de voyage tenu pendant sa remontée du fleuve Xurando, dans un improbable rafiot et en compagnie d'un équipage encore plus improbable. Notre homme espère faire fortune en montant une affaire de commerce de bois avec des scieries supposées se trouver quelque part sur le fleuve. On imagine bien dès le départ, que cette quête est aussi des plus improbables.

L'histoire ici a peu d'importance, du moins pour moi. La prose sublime de Mutis aux descriptions et réflexions d'une finesse et d'un humour exquis, à elle seule m'a comblée. Mais l'histoire y est aussi, et quelle histoire. “Une vieille histoire; vieille et ennuyeuse”, celle de la Vie, cette errance aux incontournables composantes, la chance, la malchance, les bons, les méchants, les perdants, pas de gagnants ici vu que dans la vie aussi ce n'est qu'en apparence, le bonheur, la peur,.......et la mort, le tout sur ce rafiot de misère, avec en prime un commentateur notre Maqroll le Gabier, alter égo d'Alvaro Mutis. Que demander de plus, magistral, de la Littérature pure ! Un livre qui m'a posée “des ventouses dans l'âme”(p.93).....

Je voudrais terminer avec une citation du livre qui fait écho au livre précédent que je viens de lire, le « Travelling » de Garcin et Tanguy, où Garcin justement y réfère : “Comme si ce voyage, ces paysages que nous avons traversés, l'expérience de la forêt partagée avec ceux que j'ai connus ici, le retour qui sera plein d'images, de voix, de vies, d'odeurs et de délires venant s'ajouter aux ombres qui me tiennent compagnie, n'avaient d'autre but que de débrouiller l'insipide écheveau du temps.”

Pour qui s'intéresse à ces deux livres, je conseille de les lire consécutivement , un pur délice !
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Alvaro Mutis est un poete dont une partie de l'oeuvre a ete perdue du vivant meme de l'auteur (pour causes politiques, sa premiere plaquette poetique fut entierement brulee le jour meme de sa sortie, dit-on). Ce n'est que tard qu'il s'est consacre a une oeuvre romanesque, concentree autour d'un personnage cle, Maqroll le gabier. La neige de l'amiral est le premier apport de cette serie.

Maqroll est en quelque sorte un anti-heros. Dans ce livre il remonte un fleuve amazonien a contre-courant pour entreprendre une affaire qu'il sait d'avance ou impossible a conclure ou vaine. Mais ce n'est pas un mirage, et Maqroll n'est pas quelqu'un qu'on dupe. Non. Maqroll va toujours au devant d'aventures folles ou il a tout a perdre car c'est la justification de son existence: essayer, encore et encore, de braver ce que tout le monde considere comme la route la plus sure vers l'echec. Maqroll veut toujours aller au-dela de l'horizon. Il est donc toujours en errance, en quete, en poursuite de reves chimeriques. Il n'est pas sans but, mais son but est toujours une gageure, un possible fiasco. Et en chemin il ecrit un journal ou il consigne ses faits et surtout ses pensees, ses elucubrations.

La Neige de l'Amiral est donc en fait le journal de Maqroll pendant son periple. A travers lui est-ce que Mutis nous assene sa lecon de vie: toujours continuer, toujours entreprendre, sans jamais rien esperer? La desesperence comme facon de vivre? Va savoir…

Ce livre n'est pas facile a lire. Peu d'evenements et beaucoup de reflexions. Il y a pourtant des personnages secondaires qui meriteraient d'etre le pivot d'un autre roman: le capitaine de la chaloupe ou il s'est embarque, l'enigmatique major de l'armee qui en fin de compte sauve sa vie, l'amante absente qui habite ses pensees, Flor Estevez, avec qui il avait partage d'heureux moments dans la gargote qu'elle tenait en un col, une passe perdue de la cordillere. Mais Maqroll est envoutant. On se prend a apprecier ce que ce temoin errant du temps qui passe veut nous dire, meme si a certaines pages on est persuade de sa folie. L'ecriture fleurie de Mutis y est certainement pour beaucoup. Mutis reste poete dans ses proses.

Maqroll est un reveur. du haut de son mat, du mat de sa vie, ce gabier ne cherche pas la terre, le prochain rivage, mais des horizons insoupconnes. Maqroll agit comme ecrirait un poete, ses actes sont pure poesie. Alvaro Mutis nous fait rever avec lui, penser, divaguer avec lui. il reve peut-etre d'etre Maqroll. Et il reussit dans cette entreprise. Une grande reussite. Un grand livre. Je disais qu'il n'etait pas toujours d'acces facile. Comme toutes les grandes oeuvres peut-etre.
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Alvaro Mutis est un écrivain colombien du XXe siècle, il est de la même génération de l'incontournable Gabriel Garcia Marquez, mais bien moins précoce, il devient romancier alors que l'autre est déjà nobélisé. Ce n'est pas tout à fait le même style, dans ses inspirations, il faut plutôt aller voir du côté de Joseph Conrad, ce n'est pas non plus pour me déplaire.
Un homme remonte un fleuve colombien sur un vieux rafiot, avec un équipage restreint, quelques vieux aventuriers désabusés. Son objectif est de retrouver d'hypothétiques scieries en aval du fleuve. C'est un récit sur la fuite, sur l'illusion de l'aventure, l'écriture est élégante, chargée de poésie, le rythme suit celui du navire, plein de nonchalance, et si certains évènements interviennent, le narrateur ne semble pas vraiment en faire partie. On se laisse bercer et dans l'attente d'une aventure qui ne vient pas, une aventure qui laisse la place à une réflexion sur le destin, sur les choix de vie. Oui, c'est vraiment Joseph Conrad qui me vient à l'esprit, Alvaro Mutis ne s'en cache d'ailleurs pas.
J'ai adoré cette lecture.
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Voici une bien belle découverte. Assurément un auteur que je vais tenter de davantage découvrir.

Même en traduction, ce court roman ou grande nouvelle donne envie d'en lire encore plus.

Ce n'est pas tant l'histoire, celle d'un homme qui quitte la femme avec qui il est pour courir l'aventure et chercher fortune dans une obscure histoire de bois à aller récupérer au loin à la remontée d'un fleuve pour s'apercevoir qu'il n'aurait peut-être pas dû quitter cette femme qu'il aimait, que l'ambiance créée, la dimension littéraire offerte au lecteur qui lui permet de se retrouver en dehors du temps et du présent.

J'ai beaucoup aimé.

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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Allongé dans le hamac je vois défiler avec une indifférence aboulique ce paysage où l'unique changement perceptible est la lente mutation de la lumière à mesure que la nuit tombe. Le courant du fleuve s'oppose à peine à la marche de la chaloupe. Le moteur tintinnabule sur un rythme que la précarité de son état, sa vétusté et son instabilité démentielle accélèrent et rendent suspect.
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Je m'assieds à l'avant, les jambes pendant au-dessus de l'eau qui m'éclabousse et m'apporte une sensation de fraîcheur qu'en d'autres circonstances j'aurais appréciée plus pleinement. Je pense aux factories et à la mauvaise surprise qu'elles occultent, que je pressens et à propos de laquelle personne n'a voulu me fournir de détails. Je pense à Flor Estevez, à son argent sur le point d'être précipité dans une aventure lourde de mauvais présages, je pense à mon habituelle maladresse pour aller de l'avant dans ce genre d'entreprise, et soudain je me rends compte que tout cela ne m'intéresse plus depuis bien longtemps. Penser à cela me procure un ennui combiné à la culpabilité paralysante de qui sait ne plus être concerné par l'affaire et cherche uniquement la façon de se libérer d'un engagement qui empoisonne chaque minute de sa vie. Cet état d'âme m'est plus que familier. Je sais très bien comment fausser compagnie à l'anxiété et au sentiment d'être en faute qui m'empêchent de profiter de ce que la vie m'offre chaque jour en récompense précaire de mon entêtement à demeurer auprès d'elle.
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Sur les mines de Cocora :

Et moi qui suis un homme de la mer, pour qui les ports n'étaient que prétexte transitoire à d'éphémères amours et à bagarres de bordels ; moi dont la chair est encore bercée par le tangage du hunier tout en haut duquel je grimpais pour scruter l'horizon et annoncer les tempêtes, l'approche de la terre, les troupeaux de baleines et les bancs de poissons vertigineux qui venaient à nous comme un peuple ivre ; moi, je suis demeuré ici pour m'enfouir dans la fraîche obscurité de ces labyrinthes où circule un air souvent tiède et humide qui apporte des voix, des lamentations, d'interminables et opiniâtres travaux d'insectes, des battements d'ailes d'obscurs papillons, le cri d'un oiseau égaré au fond des galeries.
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Une bande de perroquets passe dans le ciel en émettant un charabia joyeux qui se perd dans le lointain, telle une promesse de bonheur et de disponibilité sans limites.
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Savoir que personne n’écoute personne. Que personne ne sait rien de personne. Que la parole est, en elle-même, un mensonge, un piège qui recouvre, déguise et ensevelit l’édifice précaire de nos rêves et de nos vérités, qui sont tous marqués du signe de l’incommunicabilité.

Apprendre, par-dessus tout, à se méfier de la mémoire. Ce que nous croyons évoquer est tout à fait étranger et différent de ce qui nous est vraiment arrivé. Combien de moments pénibles, irritants, ennuyeux, la mémoire nous renvoie-t-elle, des années plus tard, comme des instants de bonheur éclatant. La nostalgie est le mensonge grâce auquel nous nous approchons plus vite de la mort. Vivre sans souvenirs, c’est peut-être là le secret des dieux.
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Video de Alvaro Mutis (6) Voir plusAjouter une vidéo

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Bernard PIVOT propose une sélection d'entretiens tirés des séries Apos et Strophes : - Patrick MARNHAM pour "Lourdes" (1ère diffusion le 19 février 1989), - Jacques CELLARD pour "Ah ça ira ça ira!" (1ère diffusion le 15 janvier 1989). - Alvaro MUTIS pour "La neige de l'amiral". - Claude Michel CLUNY pour "poèmes du fond de l'oeil" et "odes profanes". - ARISTIDE pour "la langue...
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