Tout d'abord, il convient de se pencher sur le titre et juger de sa légitimité :
trois femmes puissantes. Que signifie donc le mot puissant ? Si l'on s'en tient à la définition du Larousse, puissant, lorsqu'il caractérise un humain, signifie d'une grande force physique ou intellectuelle, qui a du pouvoir, de l'autorité ou de l'influence.
Qu'en est-il ici ? Eh bien ... rien ! aucune de ces trois femmes ne correspond à la définition.
Alors pourquoi ce titre ? pour faire dans la veine féministe ?
En quoi diable sont-elles puissantes ? combatives certes, déterminées peut-être, indifférentes à leur sort, mais certainement pas puissantes, ou alors il convient de demander à
Marie Ndiaye quel sens particulier elle accorde à cet adjectif !
En outre, autre énigme, ce sont plutôt des portraits d'hommes qui nous sont ici proposés.
Norah, bien qu'exerçant le métier qu'elle a choisi, subit encore et toujours l'aura néfaste émanant de son ignoble père et c'est l'image de ce dernier que le lecteur retient tout d'abord.
Fanta, la plus insaisissable, n'apparaît qu'en filigrane dans la confession de son mari, le narrateur.
Seule, Khady Demba, cette malheureuse qui, devenue veuve, se retrouve rejetée de tous, tient le premier rôle dans l'enfer de son existence, dont
Marie Ndiaye nous conte la poignante dérive.
Ces réserves étant faites, ce qui est puissant par contre, et cela est indéniable, c'est la narration particulière de
Marie Ndiaye avec ses splendides envolées lyriques, sa manière bien à elle de triturer la langue française dans un canevas qui, tout complexe qu'il soit, entraîne le lecteur dans le sillage de fascinants élans littéraires.
Qualités surtout évidentes dans la seconde histoire de ce triptyque décrivant la journée d'errance de ce type à la dérive, "en grand effondrement", avec un coeur qui n'est plus "qu'une mare de boue", et dont l'esprit tortueux analyse fiévreusement les circonstances de l'échec total de son existence et de sa relation avec son épouse Fanta.
Seul bémol dans ces récits habités par les interrogations d'esprits torturés par les doutes, la haine, la culpabilité, l'indifférence au monde extérieur .... quelques phrases beaucoup trop longues, à la limite de l'incompréhensible, et surtout construites de façon bancale, la longueur d'une phrase n'étant pas forcément garante de la qualité du style, que diable !
Mais quelle magnifique étude de la psyché humaine, avec sa complexité, ses aberrations, ses sempiternelles ratiocinations sur ce qu'il convient de faire, ce qu'on aurait pu faire, ce qu'on n'a pas fait ... et en cela l'auteur se révèle très fine psychologue.