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EAN : 9782070116232
288 pages
Gallimard (03/10/2016)
3.43/5   212 notes
Résumé :
Le narrateur relate la vie de la cheffe, une cuisinière installée à Bordeaux dont il fut l'assistant. Il raconte son enfance dans une famille d'ouvriers agricoles, l'ouverture de son restaurant, son adolescence, ses premières expériences culinaires, ses employeurs et la déroute de son établissement suite à l'application de règles absurdes par sa fille après son école de commerce.
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Critiques, Analyses et Avis (64) Voir plus Ajouter une critique
3,43

sur 212 notes
La cheffe, c'est ainsi qu'est nommé la cuisinière tout au long du roman, comme « une sorte de prénom », explique Marie Ndaye. Nous apprenons à la connaître par petites touches grâce au narrateur, un ancien commis secrètement amoureux d'elle et qui raconte la femme énigmatique qu'il a admirée et avec qui il a travaillé sans réussir à percer son mystère.

La « cheffe », essai de féminisation du mot chef. Cette forme n'existe pas, « alors que c'est une orthographe qui existe parfois au Québec » regrette Marie Ndaye, « c'est important de féminiser » revendique-t-elle. Et elle en profite pour insérer ce mot tout au long du roman, sur chaque page à diverses reprises.

L'auteur met en avant le métier de cuisinier et dresse le portrait d'une femme qui a consacré sa vie à la cuisine. Le roman est l'histoire d'une obsession, « Rien n'existe en dehors de la cuisine. Sa passion dessine ses limites affectives. Elle ne veut pas juger les autres, elle ne veut pas se livrer. » La « cheffe » est une femme complexe sans nom et sans visage, cachée derrière sa fonction de chef, « Elle détestait être approchée, sondée, risquer d'être dévoilée. » Elle est portée par une farouche volonté de perfection et de dépassement de soi et sacrifie tout à son métier, la cuisine qu'elle considère comme un art. Elle devient rapidement un chef réputé et est récompensé de son travail.

On connait le style de Ndiaye, sa manière de proposer de longs développements à ses lecteurs, mais ici la recette ne marche pas vraiment, la sauce littéraire est trop épaisse, contrairement à celle plus sobre, plus légère et plus élaborée de son personnage principal. Les phrases sont très souvent trop longues, ce qui devient vite lassant et déplaisant, Ndaye adore étirer ses phrases sur de nombreuses lignes comme une pâte qu'on étire indéfiniment au rouleau à pâtisserie. Elle alourdit ainsi trop souvent son texte par un excès d'adjectifs et d'adverbes dont elle pourrait se passer, le lecteur est trop vite saturé et ne peut apprécier les morceaux proposés, aussi la recette ne peut-elle pas tenir ses promesses.

Fait rarissime, j'ai eu bien des difficultés à poursuivre la lecture de ce livre trop indigeste dans la forme et le style répétitif, et je n'ai pu que difficilement résister à la tentation de parfois sauter des lignes ou des pages. Les personnages ne sont pas vraiment attachants et ne peuvent donc susciter l'empathie et il ne se passe pas grand-chose avant que la fin du roman ne nous surprenne enfin. Il est toutefois dommage de devoir attendre le dessert, certes succulent ici, pour sortir de son ennui. Le meilleur des desserts ne peut à lui seul transformer un repas quelconque en repas de chef. Dommage !
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Un hommage à l'art culinaire, un art que la Cheffe va féminiser et sublimer.

Un portrait de femme par Marie NDiaye est toujours un voyage dans le temps, et dans l'espace infini des coeurs, qu'un phrasé fluide et envoûtant, va porter, depuis l'enfance jusqu'au plus haut de sa quête, à son apogée, une retraite que l'on devine, après un si long périple.

Les personnages qui accompagnent la Cheffe sont ses complices, ses aides ou ses cobayes, ils sont tous liés à son aventure, Marie NDiaye ne se disperse pas, la vie de la Cheffe est scannérisée, ceux-ci vivront pas à pas son ascension, ses bonheurs, ses doutes, l'affirmation d'une ascèse, la cuisine, une discipline portée au plus haut d'un art total et universel.

Le roman s'ouvre sur son enfance sur la pauvreté subie, voulue par ses parents comme une grâce, le travail juste pour nourrir une famille où le luxe est inutile, suspect. Ses parents lui enseignent la probité, la rigueur,le dépouillement.
La cuisine de la Cheffe émergera de cette simplicité, de bannir le clinquant l'esbroufe ou le trop plein.
Ses parents l'a mettrons au service de la famille Clapeau. Auprès de la cuisinière elle va découvrir cet univers qui deviendra son Graal, observant analysant elle deviendra la petite cuisinière des Landes, celle que le couple Clapeau fins gourmets considéreront "comme leur enfant"p134.

Un scrupule, ou comme un grain de sable qui enraye la vie de la jeune femme ; elle est enceinte, n'y a t-il pas de père ? Elle donne la vie à une petite fille. Il lui faudra des mois avant qu'elle reprenne son chemin, sa quête, car comment y échapper, "dès lors que le souffle de la cuisine avait bien voulu la visiter de nouveau.p155 "

Sa fille bien aimée, restera comme un gros caillou dissimulé dans sa chaussure et qui viendra sans cesse la provoquer, l'interroger sur son amour, l'ayant confiée à ses grands parents, la Cheffe cherchera sans cesse, "avec ferveur de racheter sa défaillance,p149 ".

Le dernier personnage, le narrateur, rentré jeune apprenti, serviteur zélé de la cheffe, son assistant, voue à la cheffe un amour passionné, sans retour, c'est lui qui recueille les confidences de la Cheffe, raconte son histoire, rend palpable le niveau d'exigence de ce grand chef qui décroche une étoile.

Adulée, pour son art, critiquée pour son caractère entier, âpre,
elle repousse les honneurs, comme ces compliments scolaires, les bons points de ceux qui ont bien répondus, "non me dit la cheffe : Si on me récompense, c'est que j'ai démérité. P231"

Elle se situe ailleurs sur une autre exigence en recherche d'une pensée d'une morale ou d'une espérance P142.
La préparation de la tarte aux pêches est un moment de pur bonheur. Toute la pensée de la Cheffe s'exprime dans ce point final qui ne doit ni effacer le souvenir des autres plats, ni égratigner le palais du gourmet, ni en mettre plein la vue, juste ce qui tombe bien, la délicatesse comme le baiser d'un au revoir soulignant tous les meilleurs moments sans en oublier aucun, la Cheffe avait cette classe.

Des lettres accompagnent cette narration, celles que l'assistant adresse à la Cheffe, il est parti vivre à lloret del Mar, récit étrange en décalage dans le temps, en italique, comme pour nous signifier qu'un jalon est posé pour continuer l'oeuvre de la Cheffe.


De Marmande à Bordeaux Marie Ndiaye à sillonné ces routes, côtoyé ces restaurateurs, ces êtres habités par une religion qui touche l'âme et la sensualité du corps sans rien oublier ni des couleurs ni des arômes.

Une femme la touchée, une autre femme puissante, fragile, sensible et déterminée à exister et construire sans chercher à plaire, comme si tous ses convives ressemblaient aux Clapeau, admirateurs simplement émerveillés.

Un roman au goût de miel sauvage, tellement féminin.


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Voilà un roman bien singulier que le dernier opus de Marie NDiaye.
Le narrateur nous raconte la cheffe, sa cheffe, dont il a été et est encore éperdument amoureux.
C'est une belle histoire d'amour et de cuisine, une histoire simple avec des sentiments forts.
C'est en tout cas un roman à la langue magnifique, aux longues phrases par lesquelles il faut se laisser porter.
Je reconnais toutefois que j'ai eu quelques difficultés à m'attacher au narrateur comme à la cheffe dans la première partie du roman qui donne une impression de froideur, d'où une note intermédiaire.
Mais la langue est si belle et la fin du roman si réussie que je le termine sur une impression très positive.
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Quelque peu étrangère à l'engouement général actuel pour la cuisine, ne le considérant pas pour autant avec dédain mais ne parvenant que rarement à dépasser l'idée de l'obligation plutôt que d'envisager cette activité sous l'angle du plaisir, j'ai choisi ce livre de manière un peu circonspecte à moins que ce ne soit par provocation.
J'ai goûté ce féminin du mot chef et ce bandeau esthétique qui pour une fois, se contentait d'être muet. J'ai tout de suite aimé la prose soignée de Marie Ndiaye et ses longues phrases structurées (que j'ai maladroitement essayé d'imiter avec mon accroche).
Mais j'ai surtout été impressionnée par la manière à la fois rigoureuse et riche dont l'auteur dresse le portrait de ses personnages, des caractères façonnés, ciselés mais sans que l'effort paraisse. Quand vous pensez avoir suffisamment de matériau, quand vous pensez bien cerner votre personnage, vous constatez alors que d'autres mots, d'autres qualificatifs, tous pertinents et jamais affétés vont venir à la fois confirmer le portrait que vous avez esquissé mais aussi le préciser, l'enrichir jusque dans les moindres détails. On attend en général que cette attention particulière porte sur le personnage principal mais dans ce roman, le même soin est accordé aux personnages secondaires comme les parents de la cheffe (pauvres, joyeux, dignes, purs) ainsi que le narrateur, son assistant, avec un portrait qui se dessine en creux tout au long du roman par des passages en italiques amenant une histoire dans l'histoire, non sans intrigue d'ailleurs. Que fait-il presque caché dans ce village de vacances "pour retraités moyens" à siroter pendant des heures des apéritifs sucrés en compagnie d'amis qui ne le connaissent pas et dont la compagnie n'engage à rien ? Qu'est-il venu fuir dans ce décor de carte postale ?
Les Clapeau, un couple de bourgeois, nourrissant un amour inconditionnel pour la bonne chère et quelque peu honteux de cette obsession inavouable sont présentés également de manière très subtile. On les voit d'abord comme de simples gloutons mais l'auteure réussit progressivement à les colorer d'humanité et de sensibilité. C'est chez ce couple, d'abord employée comme simple bonne ce qui lui permet d' observer à loisir le peu d'inspiration de la cuisinière que la cheffe comprendra à quelle point elle se sent forte, précise et créative en cuisinant.
La cheffe (toujours appelée ainsi par l'auteure même quand elle est enfant) est une personne plutôt austère limite taiseuse, qui fuit les compliments et vit son art dans un souci de perfection, presque comme une ascèse, ne cherchant jamais à flatter la gourmandise et détestant que l'on perçoive ses plats comme des occasions de délectation sensuelle. Son assistant, le narrateur, lui voue un amour inconditionnel. Il adore à la fois la cuisinière exceptionnellement douée mais aussi la femme au caractère droit et sincère, exigeante mais jamais mesquine. Partie de rien, la cheffe devient bientôt la patronne d'un restaurant renommé et récompensé, distinction qui loin de la réjouir lui fait honte, car si elle a plu, c'est qu'elle a cherché à plaire et donc démérité (hé oui, la cheffe est une puriste).
Mais cette cuisinière dévouée et admirable qui a circonscrit sa vie privée au strict minimum ne peut cependant rien refuser à sa fille, présentée par le narrateur comme un personnage perfide et ingrat. Pourra-t-elle alors s'en tenir à la même honnêteté qui inspire sa cuisine et lui donne tout son sens ?
Ce roman, structuré par un beau portrait de femme, éblouit par sa finesse, sa maîtrise narrative et la palette des qualités humaines qu'il magnifie avec sincérité.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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Lu en deux fois, coupé avec d'autres romans. Parce que c'est long, ça tourne en rond, pas de chapitre, des répétitions, la Cheffe non attachante. le narrateur, éperdu d'amour pour sa patronne cuisinière, va la sublimer, l'encenser. Des paragraphes de plats, mais j'aurai aimé des descriptions de cuisine à m'en faire saliver. Autant lire une biographie de quelqu'un de connu. Les dernières pages nous montrent une histoire bien ficelée, mais un gros effort à faire avant d'y arriver. Style prétentieux. Je n'ai pas trouvé la force de ‘Trois femmes puissantes' du même auteur. Je regrette de n'avoir pas compté le nombre de fois où j'ai eu à déglutir le mot La Cheffe, la Cheffe, la Cheffe, la Cheffe, etc.
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critiques presse (5)
LePoint
26 décembre 2016
La discrète Marie NDiaye, auteur couronnée du prestigieux prix Goncourt en 2009, met les secrets de famille à table.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesEchos
31 octobre 2016
Un des livres parmi les plus élégants de cette rentrée.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Lexpress
24 octobre 2016
Marie Ndiaye livre l'un des sommets de son oeuvre.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaLibreBelgique
18 octobre 2016
Nouveau et splendide roman de l’écrivaine. Le portrait d’une femme humble et puissante, une mystique des fourneaux, une artiste.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
17 octobre 2016
Il suffirait de dire que l'on salive en le lisant pour suggérer tout l'extraordinaire du nouveau livre de Marie NDiaye. Ce serait insuffisant. Voilà un roman comme on n'en écrit plus.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
J’ai souvent pensé que mes sentiments pour la Cheffe m’avaient empêché de devenir un grand cuisinier, néanmoins je n’en éprouve pas de regret.
Je profite chaque jour de ce que mon amour a fait de moi et, si je peux vivre en bonne intelligence avec moi-même, c’est grâce à la façon dont mon amour exclusif, absolu, impérissable a transmué le garçon que j’étais avant, banalement désireux de réussir, commun, pragmatique, en jeune homme capable d’éblouissement et de renoncement.
Comment pourrais-je déplorer d’être devenu bien supérieur moralement et spirituellement à celui que j’aurais été si cet amour ne m’avait pas surpris ?
Je ne peux pas le déplorer […]
Je ne peux pas déplorer l’élargissement de mon courage, l’épanouissement de mon cœur étriqué, personne ne déplorerait cela, homme ou femme, personne.

[…]

Oh je parle de mes collègues d’alors, quand je travaillais pour la Cheffe et que, tout juste embauché comme commis, j’ai rejoint une équipe composée de garçons qui la côtoyaient depuis longtemps, aux opinions et sentiments desquels je me suis conformé, dans mon ignorance, avant de réaliser que je pensais bien différemment d’eux au sujet de la Cheffe, j’étais amoureux d’elle et je tachais de la comprendre avec toute la subtilité dont j’étais capable, j’étais mal dégrossi, j’étais très jeune, ma volonté de perspicacité se dérobait parfois et je ne voyais plus rien mais j’ai tenu bon, je me suis surpassé grâce à l’amour, j’ai appris à connaître la Cheffe mieux que personne, je n’en doute pas un instant, qui l’a aimé autant que moi ?

[…]

Je crois pouvoir avancer que je suis, d’une certaine façon, parvenu à mes fins, la Cheffe accueillit mon amour, l’accepta et le rendit quand elle put le transformer en quelque chose qui était plus grand que nous, quand elle sentit, en somme, que l’esprit de l’amour l’avait envahie.
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Elle voulait qu’on l’aime, et plus que tout qu’on aime ses parents.
Là elle aurait donné le meilleur d’elle-même, voire plus, le meilleur de quelqu’un en elle qui ne s’était encore jamais manifesté, dont elle devait ignorer l’existence secrète et larvée jusqu’à ce qu’elle découvre la cuisine.

[…]

Elle s’attacherait, ensuite, à ne rien présenter d’admirable dans la forme, rien qui puisse pousser à s’extasier mais, au contraire, des agencements de plats ou d’assiettes d’une beauté si délicate, si sobre, si rigoureuse qu’elle ne frappait le regard que si celui-ci était ouvert et préparé à un tel ravissement.

[…]

Quand je crus pouvoir penser que nous étions amis, il m’arriva, devant l’affolante obstination de la Cheffe à venir à bout d’une recette qu’elle avait imaginée et qui ne la satisfaisait pas, de suggérer qu’il valait peut-être mieux renoncer que d’essayer de mater des éléments aussi rétifs (car je pensais que le refus d’obéissance des ingrédients contenait la réponse à la question sur le bien-fondé d’une recette) mais la Cheffe n’en tint jamais compte, elle m’écoutait sans rien dire, déterminée à poursuivre, à recommencer indéfiniment s’il le fallait, jusqu’à avoir raison devant elle-même.

[…]

La Cheffe avait la plus grande indulgence pour la gourmandise excessive comme pour toutes sortes de faiblesses ou travers, elle ne les condamnait jamais et refuser d’écouter ou morigénait, selon leur âge, ceux qui le faisaient mais, à côté de cela, elle affichait une pieuse et naïve déférence non pour ceux qui mangeaient très peu mais pour ceux qui prodigieusement restaient maigres, elle avait aussi ses propres idoles douteuses.

[…]

Il m’arrive d’oublier, quand je m’adresse à vous, quand je pense à la Cheffe, que le hasard de sa naissance a voulu que ses dispositions trouvent la cuisine comme terrain d’épreuves, c’est que je la tiens, quoi qu’elle en eût, pour une artiste qui, en d’autres circonstances, aurait donné sa mesure dans la peinture ou l’écriture, je ne sais quoi encore, mais la Cheffe n’aimait pas que je considère les choses ainsi, elle ne pensais pas avoir une complexion particulière, un talent qui lui serait propre, seulement la chance d’être organisée, travailleuse, intuitive et d’héberger en soi, sans garantie que ce fût pour toujours, le petit génie de son métier — C’est exactement ce dont je vous parle à propos de l’art, lui rétorquais-je, alors la Cheffe fronçait les sourcils, elle se méfiait des grands mots, tout ce cinéma comme elle disait.

[…]
La Cheffe me dit : Si on me récompense, c’est que j’ai démérité.
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p. 17

Vous avez raison, je n’ai pas appris grand-chose à l’école. Il suffisait que j’entre dans la classe pour sentir une anxiété sans motif contracter ma vessie et aussi, plus ennuyeux, chasser de ma mémoire ce que j’y avais fait entrer la veille, à la maison, pendant des heures appliquées, pleines ‘inquiétude et de désir anxieux de bien faire, d’être irréprochable, et voilà qu’en quelques secondes disparaissait le produit précieux de mes efforts pour apprendre et retenir, voilà la seule odeur de la salle, sueur, cuir, poussière, craie, transformait mon cerveau en ballon d’hélium tout prêt à s’envoler hors de mon crâne dès qu’un mouvement de ma part l’y autoriserait, ce mouvement je le connaissais bien – c’était celui qui faisait se recroqueviller ma toute petite personne tremblante et privée de souffle quand le professeur cherchait du regard qui interroger, j’avais l’air d’un coupable, d’un fainéant pas même capable d’assumer crânement sa paresse et son ennui, alors que j’avais envie de crier: je sais tout parfaitement, je peux répondre à vos questions ! (…)
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C’est un matin d’automne, alors que nous travaillions au service du déjeuner, que le téléphone sonna dans la salle.
Contrairement à son habitude, la Cheffe alla décrocher.
Je compris, lorsqu’elle revint, qu’un grand malheur lui était arrivé.
Elle nous regarda avec son curieux sourire qui tordait délicatement ses lèvres mais ses yeux étaient distraits et un pli de contrariété creusait son front, elle voulait sourire cependant et nous voir heureux, elle porta une main légère à sa tempe, rougit un peu, elle détourna son regard et nous dit que le Guide venait d’attribuer une étoile à la Bonne Heure en cette matinée de 1992.
Puis elle fondit en larmes […] Personne n’a su qu’elle était ravagée de honte. 
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Elle avait réalise un mets rigoureusement juste,
harmonieux et équilibré dans son austérité, un mets qui, selon l'expression que la Cheffe aimerait plus tard emprunter au vêtement,
tombait à la perfection.
p98
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Vidéo de Marie NDiaye
Le réel, dans l'oeuvre de Marie NDiaye, est bien souvent teinté d'étrangeté. le fantastique y affleure dans des univers réalistes, parfois triviaux ; comme si ces effets de dissonance, en s'immisçant dans le quotidien, offraient une meilleure compréhension du monde et le rendaient plus intelligible. Explorant des lieux de marginalité, ses romans arpentent des territoires ambivalents, en tension, où les personnages pourtant ancrés dans l'ordinaire vacillent parfois vers la folie. Évoluant dans une atmosphère cruelle, sur le seuil d'univers heurtés où l'équivoque s'impose, ils ne cessent de questionner leur appartenance, se confrontent à la métamorphose, à l'étrangeté du lien familial et aux déplacements incessants. Dans ce grand entretien, l'autrice évoquera l'évolution de son écriture tout au long de son parcours d'écrivaine majeure de la littérature contemporaine, qui a également investi le théâtre comme lieu d'exploration de la cruauté et de l'ambivalence humaines.
Marie NDiaye est l'autrice d'une oeuvre prolifique depuis la parution, en 1985, de son premier roman à l'âge de dix-sept ans (Quant au riche avenir, Minuit). Elle a obtenu le prix Fémina en 2001 pour Rosie Carpe, et le prix Goncourt en 2009 pour Trois femmes puissantes. En 2012, elle se voit décerner le Grand Prix du théâtre de l'Académie française, après avoir écrit de nombreuses pièces de théâtre dont Papa doit manger, qui est entrée au répertoire de la Comédie-Française en 2003.
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