1926. Dans un éblouissant été de la côte basque où le soleil abolit toutes les zones d'ombre, Yves, vétéran de la première guerre mondiale, et Denise, jeune mère de famille bourgeoise, riche, gâtée, tombent amoureux. Aveuglés par la lumière radieuse et le sable dans leurs yeux, espièglement lancé par Francette, la petite fille de Denise, ils ne perçoivent aucunement les fossés qui les séparent. de retour à Paris en octobre, les choses se gâtent. Denise attend d'Yves ce qu'il ne peut lui donner, un Amour passionnel type Roméo et Juliette. Yves, souffrant des troubles post-traumatiques de la guerre, attend de Denise ce qu'elle ne peut lui donner : du silence, une main fraîche sur son front fiévreux, de la patience, du repos...Denise vit sa passion à fond, suspendue à la sonnerie du téléphone comme on peut l'être aujourd'hui à son portable, elle attend des signes, des rendez-vous...Et la fête, car nous sommes dans les années folles. Yves, grand bourgeois ruiné par la guerre, ne peut pas suivre. Il est fatigué, il doit travailler, il est dépressif, même. Denise pressent qu'elle ne lui suffit pas, elle qui rêve de façon enfantine à un amour total. Ils ne se comprennent pas.
Irène Némirovski, vingt-trois ans à l'écriture de ce texte très beau et très cruel, fait preuve d'une maturité exceptionnelle. Elle analyse la passion amoureuse comme une pensée profondément égoïste, très loin de l'amour, et la détresse de ses personnages qui en devinent l'existence mais n'ont aucune ressource pour y parvenir. Ce thème est rebattu, maintes fois traité, mais il nous étonne encore ici, avec cet art de la description de paysages qui s'insinue dans le caractère des personnages, créant un monde tangible devant nous, un monde que nous reconnaissons : les amours de vacances au soleil, la rentrée, la grisaille parisienne, la vie médiocre. Tout cela n'a pas pris une ride...Où sont maintenant les livres magnifiques qu'Irène aurait pu écrire dans sa maturité ? Ah l'impardonnable crime et tous ces vides laissés.