Neuhaus Nele, - "Tiefe Wunden" - List Taschenbuch / Ullstein Verlag, en 2009 (ISBN 978-3548287430) - Publié en français sous le titre
Flétrissure (trad. de
Jacqueline Chambon,
Actes Sud, 2011 – ISBN 978-2-7427-9908-4)
Précision : je n'ai lu que la version originale en allemand.
Autant préciser dans un premier temps que c'est un roman policier relativement médiocre : l'auteur conçoit une intrigue principale complexe, trouvant ses racines dans le passé nazi et la débâcle de 1945, sur laquelle elle rajoute une intrigue secondaire d'aujourd'hui un peu tirée par les cheveux, et trouve le moyen de rajouter encore de multiples évènements connexes, dont les traditionnels et rebattus avatars frappant l'enquêteur (jusqu'à une histoire grotesque de quasi-viol dudit inspecteur par une des protagonistes vers la fin du récit) ainsi que de multiples détails sans intérêt sur la vie privée des autres enquêteurs. A vouloir trop en faire, elle en arrive à un texte lourd, qui n'avance pas, dénué de la dynamique qui doit emporter le lecteur d'un bon roman policier.
L'intérêt de l'ouvrage – à mes yeux – réside dans les thèmes principaux ici abordés : une série de meurtres de personnes très âgés (au-delà de quatre-vingt ans) fait remonter en surface leur passé nazi qu'elles et ils avaient soigneusement dissimulé en abusant de l'identité d'une famille noble qu'elles avaient massacrée au cours de la déroute de mai 1945, aux confins de ce qui était alors la Prusse orientale, la Masurie, aujourd'hui polonaise, agissements qui ne purent venir au jour qu'après la chute du mur de Berlin puisque le principal témoin restait coincé en RDA-DDR. Ces thèmes prennent un intérêt particulier car il s'agit ici d'un roman à fort tirage, destiné au grand public, d'un auteur à succès, abordant ces thématiques sensibles pour les Allemands que sont le passé nazi, son vécu dans la génération d'après-guerre, son héritage dans la génération des petits-enfants, la perte des territoires immenses de la Prusse orientale, la coupure du mur de Berlin, l'abus d'identité commis par des dignitaires nazis pour se réinsérer après-guerre en Allemagne de l'Ouest, dans ce qui était la RFA-BRD.
Le coeur de sa démarche aurait pu se trouver dans les deux pages 235-236 (dans le chapitre "Samstag, 5. Mai 2007"), lorsque l'un des principaux protagonistes, dans la soixantaine, explique à quel point son absence d'identité fiable, ses soupçons sur la falsification de son passé par sa mère, ont ravagé toute son existence.
Malheureusement, l'auteur noie ces lignes directrices du récit dans un flot d'autres intrigues de faible intérêt, et détruit ainsi elle-même la force de son propos. Dommage.
Quelques détails sans rapport avec le fond : en page 242, l'auteur se livre à la figure imposée de l'enquêtrice qui se choisit une musique de fond : elle énumère alors une file de succès commerciaux anglo-américains comme s'il s'agissait de grands chefs d'oeuvre et d'un choix original, alors que ça va de Robbie William aux Beatles, en passant par des Abba, U2 et même
Madonna, toute cette production commerciale assénée dorénavant à l'échelon du monde entier, si bien qu'on trouve les mêmes listes dans la plupart des romans policiers, que l'auteur soit Français, Allemand ou autre... Navrant.
Une caractéristique bien germanique tout de même : tout au long de l'enquête, l'auteur tient à nous révéler ce que mangent les deux héros enquêteurs, et c'est consternant pour un bon français franchouillard (kebab, pizzas, surgelés etc), à l'exception des vins, qui sont bien entendu de grands crus français, mais mentionnés la plupart du temps sans aucune intelligence et hors de propos.
Une lecture tout à fait possible pour un germaniste pas trop débutant, car ce roman est écrit dans un niveau de langue banal et courant.