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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un appartement aux environs de Tel-Aviv.
Tout est parfait et en ordre, de l'extérieur “un havre de paix” mais derrière les portes blindés........
Trois étages, trois familles de la bourgeoisie moyenne, décrits sur le tryptique freudien, le ça, le moi et le surmoi.

Au premier, Arnon et Ayelet, un jeune couple avec deux enfants de bas âge, dont l'aînée, Ofri, qu'ils laissent souvent aux bons soins de leur vieux voisins, Herman et Ruth. Un jour que Herman est seul à la maison, Arnon lui laisse Ofri,....Herman souffre de la maladie d'Alzheimer.....
Le narrateur, Arnon, se confiant à un ami écrivain, raconte l'histoire....et dés les premières phrases, on sent le roussi......Arnon vivant avec ses instincts et pulsions habite le ça : « “C'est la partie la plus obscure, la plus impénétrable de notre personnalité.....il tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se conformant au principe de plaisir » ( Freud )

Au deuxième étage, un autre couple, Hani et Assaf, et leur deux enfants, Hani appelée la veuve par ceux du premier, son mari étant constamment en voyage.
Hani aussi a un secret “inavouable”, et se confie par une lettre, à sa meilleure amie Neta, qui vit aux États-Unis.....Hani dont l'existence oscille entre fantasmes et vérité,
est le parfait habitant du Moi, qui s'efforce de concilier ses désirs avec le principe de réalité. “Le moi détrône le principe de plaisir, qui, dans le ça, domine de la façon la plus absolue. Il l'a remplacé par le principe de réalité plus propre à assurer sécurité et réussite.”( Freud )

Au troisième étage, Dvora, une juge à la retraite,se confit à son mari défunt par le biais d'une vieille messagerie qu'ils utilisaient de son vivant. Dvora cherche à expier les péchés de son passé, cherchant une nouvelle issue à sa vie. Dans le sens du censeur appelant à l'ordre, Dvora est l'habitant de son “altesse le Surmoi.”
“Le surmoi représente l'agent critique, l'intériorisation des interdits et les exigences parentales, sociales et culturelles. Il est en partie inconscient, et se forme durant l'enfance et l'adolescence.Une puissance interdictrice dont le Moi est obligé de tenir compte.”

Trois vies, trois confessions, trois voix intimes.
Eshkol Nevo, dont je suis une inconditionnelle nous revient avec un roman , construit sur la brillante idée du tryptique freudien, combinant intime et social. Il nous connecte à nouveau aux sentiments les plus intimes de ses personnages, à leurs relations complexes au sein d'une famille, d'une communauté, dans l'atmosphère d'un pays plein de peur. Nevo reprend ici la parabole de son magnifique livre “Le cours du jeu est bouleversé “ sur les objectifs que l'on s'impose et les hasards de la vie qui changent les donnes du départ. Cette Vie qui ne souffre aucune règle, aucune discipline et ses personnages touchants dans leurs forces et leur faiblesses, qui luttent pour ne pas se laisser engloutir par leur Surmoi. Mais ce livre vous pouvez le déguster aussi sans tenir compte de papa Freud. La troisième partie surtout et la fin sont simplement magistrales . Nevo Eshkol est un grand écrivain.
C'est son dernier livre, non encore traduit en français mais disponible en anglais et en italien.Si vous ne le connaissez pas encore,en attendant la parution de ce magnifique livre, je vous invite à le découvrir avec son livre bouleversant “Le cours du jeu est bouleversé “, vous ne le regretterez pas.

“I tre piani dell'anima non esistono dentro di noi.
Esistono nello spazio tra noi e l'altro, nella distanza tra la nostra bocca e l'orecchio di chi ascolta la nostra storia.
E se non c'è nessuno ad ascoltare, allora non c'è nemmeno la storia"
( Les trois niveaux de l'âme n'existent pas en nous. Ils existent dans la distance avec l'autre, la distance entre notre bouche et l'oreille qui écoute notre histoire. Et s'il n'y a personne qui écoute , alors il n'y a pas d'histoire non plus ).
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Nous avons tous fait l'expérience un jour d'observer un immeuble, en début de soirée, alors que les lumières des différents appartements s'allument peu à peu, que les profils, les silhouettes se meuvent, se croisent, que les intérieurs se révèlent à nous, cocons chauds et confortables ou pièces vides et froides. Témoins de ces ombres chinoises entraperçues et fascinantes, nous essayons alors d'imaginer ces multiples vies, les odeurs qui émanent de chaque cube, les histoires de famille qui s'y trament, familles fonctionnelles ou dysfonctionnelles ainsi abritées et superposées, les bonheurs vécus qui irradient, débordant un peu du carré dans lequel on tente de les contraindre, les drames aussi, forcément, qui les font vibrer ces murs trop étroits. Ayant grandi dans une cité HLM qualifiée de « chaude » de la banlieue lyonnaise, petite fille, sans jeux vidéo ni téléphone, cette occupation me fascinait et m'absorbait des heures durant. C'était une porte formidable vers l'imaginaire. Je voyais, imaginais, devinais sans doute. Et surtout j'avais toujours l'impression que ces vies étaient plus intéressantes que ma propre vie. Soit plus heureuses, soit plus dramatiques. Est-ce sur la base de cette même fascination qu'Eshkol Nevo, psychologue de formation, a écrit ce livre « Trois étages » ?

Dans tous les cas le résumé de cette histoire ne pouvait que m'attirer et me faire écho : Un immeuble en Israël, de nos jours, non loin de Tel Aviv, où nous découvrons ce qui se cache derrière les portes de trois familles de bourgeoisie moyenne, chacune à un étage différent. Trois familles, trois étages. Trois voix, trois formes de confession différentes, trois façons de s'exprimer. Présentés sur le tryptique freudien : le ça, le moi et le surmoi. Brillant parallèle. L'idée m'a immédiatement plu et j'avoue avoir lu ce livre d'une traite, entre inquiétudes et franches rigolades, entre questionnements et réel intérêt, entre émotion et admiration.

Au 1er étage, le « ça » donc, la partie la plus obscure et impénétrable de notre personnalité, satisfaisant les besoins pulsionnels, primaires et instinctifs selon Freud. Incarné, pourrait-on dire, par Arnon, époux impulsif et amoureux, voisin explosif et père de famille possessif de deux petites filles dont la jolie Ofri avec laquelle il a une relation fusionnelle : « C'est comme ça. Tant que tu n'as pas une deuxième fille, tu ne comprends pas vraiment ta première. Grâce à Yaëli, nous avons compris à quel point Ofri était exceptionnelle. Son calme si rare. Son endurance. Toutes ses maîtresses ont toujours vanté sa précocité. Mais ce n'est qu'après avoir vécu tous les drames liés à Yaëli que nous avons compris ce qu'elles voulaient dire.». Arnon va se livrer, au bistrot du coin, à un copain apparemment un peu écrivain, espérant que ce dernier lui imagine un happy end car oui, vraiment, il s'est mis dans une sacrée situation. Je n'en dis pas plus, je n'ai pas pu lâcher le livre avant d'avoir terminé cette première partie.

Poursuivons la visite et montons à présent au 2ème étage où nous découvrons le « Moi » tiraillé entre la folie qui rôde et la conscience qui assagit, entre fantasme et réalité. le « Moi » qui essaie justement de concilier nos désirs avec le principe de réalité, incarné par Hani, une mère de famille, femme au foyer. Elle se livre via l'écriture, une lettre pour sa meilleure amie qui vit loin, trop loin, longue lettre où délires, fantasmes, amertumes, craintes, espoirs sont pèle mêle jetés, surtout sa peur de la folie qu'elle sent rôder à l'image de ces deux chouettes visitant tous les jours son balcon. Elle doit lui confier un « secret » également. Cette lettre est un appel à la mer, pour cette femme esseulée qui tente de se lier avec d'autres familles, en vain : « Il s'avère que de participer seule à des excursions de familles (et, de manière générale, à des activités sociales en banlieue) représente le vice extrême. Un crime contre la bourgeoisie. Un écueil propre à faire chavirer l'arche de Noé. Car, au total, que se passe-t-il ? – si l'on dissèque succinctement le phénomène. Les hommes te regardent différemment quand tu es seule (même une mère de deux enfants, en collants usés et avec le T-shirt de fin de classes militaires d'Assaf). Et les femmes, qui remarquent les regards affamés de leurs bonshommes sur ta silhouette, paniquent et te ciblent comme un danger potentiel. Elles te posent des questions sur ton mari, pour rappeler à qui de droit qu'une telle créature existe. « Quand sera-t-il de retour ? Ce n'est pas trop difficile pour les enfants qu'il soit absent aussi longtemps ? Toutes mes félicitations de participer quand même à nos randonnées, moi, je serais restée chez moi. » J'aime ce style mêlant à la fois cynisme et humour. Un style tranchant. Percutant.

Enfin terminons cette expérience de voyeurisme au 3ème étage avec le « Surmoi », intériorisation des interdits et représentation des exigences parentales, sociales et culturelles, contrôle de soi, domination des pulsions. Incarné par Dvora, juge à la retraite. Sa confession, à son mari défunt, se fera par le biais d'une vieille messagerie qu'ils utilisaient dans le passé. de multiples messages touchants d'une durée de deux minutes. Dvora cherche à sortir de sa culpabilité vis-à-vis de son fils qui a coupé tout lien avec elle, et cherche un nouveau sens à sa vie.

Des liens existent entre les étages. Notamment Dvora qui, comprenant ce qui se passe aux étages inférieurs, aurait envie de secouer pulsions et ego : « Réveillez-vous, citoyens de Bourgeville. Laissez là vos parties de poker et votre inquiétude excessive pour vos enfants, et les infidélités minables que la vacuité de votre existence, et non le désir, favorise. Levez-vous de vos fauteuils télé trop confortables et plaquez vos conseillers en investissements qui vous suggèrent de prendre un crédit et d'acheter un autre appartement dans un immeuble comme celui-ci, dans une banlieue semblable à celle-ci. Réveillez-vous de votre manque de foi, de votre manque d'engagement et de votre indifférence. Réveillez-vous de votre trop-plein de vacances, de voitures, d'appareils électriques, de clubs d'activités pour vos chères têtes blondes. Non loin de vous, une chose très importante est en train de se produire. Et, vous, pendant ce temps, vous roupillez ».


Saluons la traduction de Jean-Luc Allouche qui a réussi le tour de force de bien rendre les styles très différents des protagonistes : les propos francs parfois vulgaires d'Arnon, l'écriture passionnée et flamboyante de Hani et enfin la voix posée et argumentative de Dvora ; Des styles bien en phase avec le tryptique freudien qu'ils sont censés représenter à chaque étage. Il utilise par moment des expressions bien à nous, étonnée par exemple de trouver celle-là (que j'aime beaucoup) : « Je lui ai dit que je voulais des réponses, pas des explications à la mords-moi-le-noeud, et que cette femme était la seule personne capable de me les donner ».

J'ai lu ce livre quasiment d'une traite. L'écriture est percutante, le sujet original, la construction brillante et intelligente. C'est mon premier livre d'Eshkol Nevo, et je sens que c'est le début d'une longue histoire de lectrice avec cet auteur.
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Psy et rage à tous les étages!

SOS parents en consultation live!

Sigmund Freud en version play mobil: l'HLM ( habitat pour locataires maboules ) du Ça, du Moi et du Surmoi ,  comme si vous y étiez!

Je ne fais aucune interprétation abusive: à plusieurs reprises, l'auteur lui-même nous met obligeamment cette grille de lecture en mains!

Puisqu'on en est aux confessions, j'avoue que le  livre d'Eshkol Nevo,  lu d'une traite,  m'a bien fait rire,  beaucoup plu et  aussi donné du grain à moudre!

Du grain:  ils en ont tous un,  dans cet immeuble de Tel Aviv!

Soit, au premier étage,  celui des forces instinctives,   le Ça, incarné , c'est le mot , par Arnon,  père de famille expansif, mari explosif , militaire offensif,  qui s'est choisi comme psy de fortune un copain de régiment un peu plus intellectuel que lui et vaguement écrivain-   serait-ce Eshkol Nevo soi-même, muet et ironiquement attentif?- à qui, entre deux bières et trois falafels, il déballe son histoire "hénaurme" sur un coin de table, au bistrot. 

Espérant le happy end romanesque que l'écrivain à l'ecoute ne saurait manquer de lui inventer...

Au second, celui du Moi , partagé , comme chacun sait, entre folie qui guette et conscience qui retient: Hani, une mère de famille , asservie à ses enfants, épouse volontairement  recluse et conséquemment  frustrée, écrit à Néta, son amie lointaine,   et lui  confie ses délires et ses raisons, comme on jette une bouteille à la mer.

Histoire d'empêcher les chouettes de repeupler son balcon.

Au troisième, tout en contrôle de soi et en domination de  l'instinct par un intellect éclairé, le Surmoi, assuré par Déborah , mère critique,  si peu mère qu'elle en a oublié les affres, elle-même juge à la retraite  et veuve inconsolée, semble-t-il, de son juge de mari, et qui préfère confier ses doutes et ses crises de conscience à  un médiateur sans délire interprétatif, puisqu'il s'agit...du répondeur de son défunt époux.

À qui on peut impunément claquer le beignet en appuyant sur la touche delete quand le surmoi enfin lâche prise et que s'ouvrent des portes nouvelles.

Voilà pour la maquette,  bien trouvée, cocasse, variée. Intelligente aussi.

Un régal de lecture pour les parents plus qu' imparfaits que nous sommes ...et une mise en garde plus que parfaite et  très. ..pédagogique pour ceux qui le sont pas encore, ou qui - mais quelle folie !- , voudraient l'être encore, après cela!

Un Nevo en très grande forme, en tous cas!
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Genre: Magistral

Quel brio, quelle intelligence, quelle finesse d'analyse.

Je lis Eshkol Nevo à rebours puisque Trois étages précède La Dernière Interview et Turbulences dans leurs publications en français.
C'est sans doute celui que je conseillerais pour aborder l'oeuvre récente de Nevo.
Trois étages pour trois histoires qui ont plusieurs dénominateurs communs :
-Les trois narrateurs (Arnon, Hani, Déborah) souffrent d'une abominables solitudes.
-Ils s'adressent à un interlocuteur que nous n'entendrons jamais :
Arnon s'épanche dans un bar, monologue furieux adressé à un pote écrivain (l'auteur évidemment) qu'il n'a pas vu depuis des lustres.
Hani écrit une lettre à une vielle amie ayant quitté Israël depuis longtemps.
Déborah laisse des messages sur un vieux répondeur où résonne la voix de son mari décédé .
-Ils incarnent chacun une instance freudienne, c'est ce qu'on découvre grâce à Déborah, l'ex-juge, qui achète les oeuvres complètes de l'inventeur de la psychanalyse.
-Ils sont profondément frustrés par la vie qu'ils mènent et qu'ils ont mené. Je veux dire frustrés à tout point de vue : sexuel, social, parental, professionnel.

Arnon, l'ex-militaire, confie régulièrement sa fille ainée à un couple de retraités qui résident sur le même palier. Il devient obsédé par l'idée que le papy Herman est un pédophile et qu'il a probablement abusé sexuellement de leur fille, dans le fameux verger qu'on retrouve souvent dans les autres romans de Nevo. Il incarne le Ça.
Hani a des enfants qui ne vont pas bien et elle-même est en train de perdre le pédales. Elle n'arrive pas à rendre responsable les absences fréquentes et longues de son mari. Jusqu'au jour où le frère de celui-ci sonne à sa porte et l'entraine dans une folle histoire. Elle incarne un Moi en pleine déliquescence.
Déborah est veuve mais la voix de son mari est toujours là pour dicter des injonctions rigides sur la façon de s'habiller, l'utilisation d'internet etc… Elle est brouillée avec son fils unique pour des raisons qu'on découvrira plus loin. Mais elle décide d'aller manifester. Elle va se retrouver un peu par hasard dans « la tente des psychologues » et entend les confessions spontanées de tous ceux qui sont en panne d'écoute (comme en France aujourd'hui). Comme celle qui éprouve une violente attirance sexuelle pour son frère ainé.
Mais Déborah est un Surmoi ambulant.
Ce récit-là est particulièrement savoureux. Nevo délaisse son ironie (qui est sa marque de fabrique et qui me fait souvent rire aux éclats) et devient extrêmement émouvant lorsqu'il part sur les traces de Déborah qui recouvre sa liberté.

Ces histoires se déroulent dans le tumulte de grandes manifestations à une époque qui préfigure les évènements actuels parce qu'ils entraînent inexorablement l'état hébreux vers le sort que l'on connait.

Dans ce roman Nevo m'évoque énormément Zweig, c'est assez flagrant dans le dernier récit. Avec humour, il se met en scène pour entrelacer les fils de ses récits et nous donner à penser sur ses thèmes de prédilection : l'amour, la famille, la transmission, l'intégriste et surtout surtout la quête identitaire. Oui, c'est cela au fond: Nevo nous parle d'identités floues, rigidifiées, fracassées, multiples et éclatées. Et si ce thème est d'une acuité vive en Israël, il est, bien entendu, universel !
Magistral.
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«  Comment peut - on partager l'existence de quelqu'un pendant vingt- cinq- ans et ignorer la nature de son travail ? »
«  Une mère qui renonce à son fils——-existe- t- il péché plus grave dans la nation des mères juives ? »
Deux extraits de ce petit livre si brillant qui décortique avec bonheur et pénètre l'intimité d'un immeuble où rien n'a l'air de se passer , tout est calme, tranquille…et pourtant !

Connaît - on son entourage ?

Trois longues nouvelles rattachées aux théories psychanalytiques de Freud , situées aux trois niveaux freudiens de l'âme : le Ça, le Moi, et le Surmoi.

Je remercie chaleureusement l'amie de Babelio qui m'a fait acheter cet ouvrage attachant , une construction romanesque superbe tissée de tranches de vies où les habitants de l'immeuble sont à un moment de basculement , trois états freudiens au ton de la confidence intime , conversation entre le protagoniste et l'un de ses proches …

Ces trois récits dont j'ai préféré le troisième, le plus intéressant , riche de révélations, de solitude, de secrets révélés , de blessures profondes , de fantasmes, de rêves non aboutis , de vérités , de douleurs , d'amour parental , de rigidité .

La psychologie de tous les personnages , complexes ,souvent aux prises avec des failles et des manquements béants est analysée avec finesse , profondeur, légère ironie , on ne s'ennuie absolument pas.

S'ajoutent les thèmes universels du couple aux prises avec le temps, la fidélité ,la culpabilité , l'emprise conjugale, le soupçon , la colère , les remords, les épreuves, les limites de l'amour parental et surtout le pardon .

Des récits passionnants qui se complètent harmonieusement sans fausse note .
Ils donnent un éclairage assez alarmant des échecs , du désenchantement la société israélienne.

Le style fluide , prenant accompagne cette comédie douce -amère , ces révélations , ces tranches de vie aux intimités dévoilées qui révèlent peu à peu la conscience, les tourments, les turpitudes de ceux qui n'ont pas l'esprit si tranquille à travers les petits détails de la vie quotidienne.

Seule restriction ,la première nouvelle qui laisse le lecteur sur sa faim , sûrement à dessein !
Bravo à l'auteur que je ne connaissais pas ! .

«  Et si tu partageais l'un des secrets avec moi? .
Impossible que tu n'en aies pas. Chaque femme cache le sien » …
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Ca aurait pu faire une comédie. Romantique ou satirique. le huis-clos d'un immeuble, quelques personnages reliés par cette adresse commune, les quiproquos ou révélations qu'aurait permis cette proximité faite de distance polie qui organise les rapports de bon voisinage. Trois étages est beaucoup moins convenu que cela.

En trois parties distinctes, le lecteur reçoit les confidences de trois des habitants d'un même immeuble de Tel Aviv. La première est adressée à un ancien camarade devenu écrivain connu par un père de famille inquiet et virulent. La deuxième à une vieille amie d'adolescence sous forme de lettre, par une mère de famille un peu dépassée. Et la troisième, ce sont les retranscriptions des enregistrements audio qu'une juge à la retraite a laissés sur la cassette d'un vieux répondeur à l'intention de son époux. Malgré le fait incontestable que ce dernier soit défunt.

Il n'y a pas beaucoup de relations entre ces trois parties, ces trois étages de l'immeuble et du roman. A peine une mention ici ou là qui ancre les histoires dans un même endroit. J'ai l'impression, que c'est plutôt un échantillon de vies qui nous est donné qu'une théorie du lien. Un carottage à trois endroits qui exhume la richesse des émotions, mouvements d'âme, interrogations et doutes de trois personnages sans rien d'apparemment extraordinaire. Mais sous leurs aspects policés de bons voisins, Arnon, Hani et Déborah ont des vies intérieures d'une intensité folle. La manière dont leurs gestes mesurés et discrets les traduisent est illisible pour n'importe qui d'extérieur, seul le lecteur qui aura eu accès aux confidences de chacun en comprendra sinon la portée ou moins l'intention.

Deborah, en commandant et lisant les oeuvres complètes de Freud pose la stratification de trois instances comme trois étages et donne une piste supplémentaire d'interprétation : la colère pulsionnelle et instinctive d'Arnon, les dangers névrotiques de devoir composer avec le réel et ses fantasmes pour Hani, et enfin le redoutable Surmoi dont les exigences peuvent détruire toute vie. Mais ce serait réducteur de ne prendre que ce fil. On ne verrait pas alors la peinture chamarrée de tous les caractères, les descriptions des mouvements sociaux dans Tel-Aviv, les petites mesquineries, les contre champs, le mystère qui plane, toujours entier, sur bien des motivations de personnages secondaires. La place qui est laissée à l'imaginaire, la fantaisie, une certaine forme d'irrationnel jamais bien loin de la folie. Bref, nous manquerait tout ce qui fait le sel de ce très joli roman.
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C'est le cinquième roman traduit en français et le quatrième que je lis. Tout cela pour dire que Eshkol Nevo fait partie des écrivains qui me sont chers. Ce roman qui raconte les tourments intérieurs de trois personnages habitant le même immeuble à Tel-Aviv, est une fois de plus une belle réussite.
Eshkol Nevo se glisse avec aisance dans la peau de chaque personnage (féminin ou masculin) et tisse trois histoires distinctes basées sur les topiques de Freud. On y découvre à travers les confidences des protagonistes, un aperçu de la crise identitaire de la société israélienne.
Comme d'habitude avec Eshkol Nevo, la psychologie des personnages est bien travaillée, les récits sont menés avec brio, sans oublier l'ironie qui fournit le piquant nécessaire à la lecture.
Une oeuvre intelligente et captivante que j'ai dévoré de la première à la dernière page.

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En Israël de nos jours dans un immeuble de la "middle class" non loin de Tel Aviv, l'auteur à travers trois longues nouvelles liées va se pencher sur le quotidien de trois familles, leur vie, leurs failles .
Au premier étage, un jeune couple avec deux enfants en bas âge. En face d'eux, un couple de personnes âgées qui fait office de baby sitter. Dès la première ligne, le doute plane et l'incident sous-jacent. le père se confie à un ami écrivain .
Au deuxième étage, là aussi un couple avec deux enfants , mais la mère est femme au foyer, son mari amené à très souvent s'absenter. Elle aussi, elle s'absente , mais dans sa tête et décide d'écrire à son amie partie aux USA pour lui narrer ses aventures.
Enfin au troisième , une juge veuve a une histoire à raconter à son mari décédé .Elle décide de le faire via le répondeur téléphonique. la aussi l'enfant va jouer un rôle primordial.

Il y a bien sûr le lieu comme point commun aux trois histoires, les protagonistes étant amenés à se croiser. Il y a aussi le parallèle avec la théorie freudienne des trois étages , le ça , le surmoi et le moi , qui ne m'est connu que de nom, je n 'avais qu'à écouter à l'école :)!. cependant, pour les niais dans mon style, l'auteur fait un petit couplet "Freud pour les nuls", apportant un éclairage qui m'a semblé suffisant.
De toutes les façons, même si l'on ne pipe rien à la psychologie, on ,'est nullement gêné.
Car il y a bien plus.
Trois histoires fortes qui par la plume de l'auteur monte en puissance au fil des pages , interdisant au lecteur de lâcher le livre avant le dénouement.
trois histoires construites sous forme de dialogue entre un personnage de l'histoire et un intervenant extérieur .
Trois histoires magnifiquement construites .
Même si le chemin tracé par l'auteur est semé d'indices indéniables , sa façon de nous amener où il veut est remarquable .La mise en place minutieuse de la "scène finale " de chaque histoire est autant diabolique que remarquable.
A travers ces histoires, on plonge dans la société israélienne, ses doutes , ses failles , ses peurs.
On notera également le poids des progénitures dans la construction de chaque couple , le destin d'un couple tributaire de ses enfants et de la gestion des soucis engendrés.
Enfin comment ne pas noter l'impressionnante adaptation de l'écrivain au sexe de ses personnages , tout en finesse et maitrise !
J'ai un faible pour la première histoire , sans doute parce qu'elle constitue mon premier contact avec cet écrivain, mais aussi parce qu'elle concerne un homme qui va tomber tomber dans un piège tellement gros que le pathétique qui l'entoure est détonnant. Et pourtant, en fouillant bien , on va tous en trouver un gars comme ça.
Une très belle découverte, dûe à Bookycooky que je remercie ici !
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Un roman très agréable à lire, composé de trois chapitres, trois nouvelles, trois étages.
Chaque étage du même immeuble compose un chapitre et on se doute bien qu'un des personnages de l'un des étages va être en lien avec un des personnages de l'autre étage et ainsi de suite, et en effet, sur ce principe de construction, pas de surprise.
Alors où est la surprise de ce roman ?
Il me semble que c'est… à chaque chapitre-étage, l'auteur met un narrateur qui raconte, ou écrit, à un de ses proches (ami, frère, amie)… sans que le lecteur ne soit assuré de la réalité de la destination. Ce besoin de se raconter. Alors, l'un raconte à son frère, réel ou imaginaire, franchement, on peut se poser la question, l'autre écrit à son amie qu'elle n'a pas vue depuis vingt ans, donc cette lettre on imagine va se perdre, et enfin, la dernière enregistre sur un répondeur des messages à son mari qui est mort. Donc là on a bien compris, aucun de ces messages un peu testamentaires ne parviendra ou ne sera parvenu à son destinataire.
Pourquoi ? Parce que ces trois personnages ont loupé le vivant. Et ils se retrouvent gros jean comme devant, moins vivants que les morts dont ils nous parlent.
Et là le message de l'auteur est implacable. Et urgent.
Les histoires s'imbriquent les unes dans les autres habilement, les personnages sont tous sympathiques, oui, tous, ils passent vite, parfois, mais je les tous aimés, car tous compréhensibles dans leur histoire, et ce roman est du coup aussi une belle leçon de tolérance, de bienveillance, de fraternité, mais sans sucre. Au contraire, plutôt brut de coffre.
La construction du roman est intéressante, les personnages sont tous, aimables, les problématiques abordées, sensibles, humaines et toujours avec un petit sourire en coin.
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Il ne s'agit pas là d'un roman mais de 3 longues nouvelles. Les différents personnages habitent le même immeuble (c'est le liant de l'histoire) mais vont peu interagir et se croiser dans le récit. Chaque histoire est une confession menée brillamment (j'ai un faible pour le récit de Mme la juge) avec à chaque fois un crescendo qui donne envie de découvrir la suite. La Première partie met en scène un militaire, la seconde une mère de famille au conjoint très absent et la dernière une juge à la retraite qui vient de perdre son mari. Chaque récit apporte son lot de révélations, on ne s'ennuie jamais et la psychologie des personnages est finement dessinée. C'est aussi un portrait de la société israélienne. Une belle découverte !
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