Zarathoustra a vécu dix années seul, en ermite. Un jour, il décide de revenir parmi les hommes et de partager son enseignement. J'ai choisi de partir de l'un de ses discours, Des trois métamorphoses, où l'auteur explique "comment l'esprit se mue en chameau, le chameau en lion, et le lion, enfin, en enfant."
L'esprit est d'abord chargé de pesants fardeaux. Il est docile et a pour maître un grand dragon qu'il respecte et qui se nomme "Tu dois". Sur ses écailles brillent des valeurs millénaires. Tout pareil au chameau, qui une fois chargé de tous ses fardeaux se hâte vers le désert, de la même façon l'esprit chargé de tous ces devoirs transmis par la Culture millénaire se hâte vers son désert.
Dans un deuxième temps l'esprit se change en lion. Délaissant les "Tu dois" de son maître, il sait alors dire "Je veux". Il a la force du lion et peut conquérir sa liberté pour s'opposer au dragon, refuser les fardeaux, rejeter les vieilles valeurs.
Dans la troisième métamorphose l'esprit enfin devient enfant. "L'enfant est innocence et oubli, un recommencement..." Seulement alors, l'esprit est capable de création.
Ce que je retiens de cette parabole, et du reste du livre, c'est que la pensée de
Nietzsche est un mouvement perpétuel. Toutes les anciennes valeurs, la Religion, l'État, la Culture, la Morale, le Bien et le Mal,
L Histoire: tout cela est figé, vidé de sens. Et les asséner par la violence et le sang ne les rendra pas plus vrais. Pourquoi suivre tous ces beaux parleurs, tous ces "bouffons solennels" que la foule glorifie et prend pour de "grands hommes", pour les "maîtres du moment?"? Il faut les fuir car "c'est à l'écart de la place du marché et de la gloire que se passe tout ce qui est grand."
Seul l'esprit peut libérer l'homme, franchir par sa propre volonté le pont vers l'autre rive, le pont vers le surhumain.
Mais ce surpassement ne signifie pas la recherche d'un au-delà.
Nietzsche critique fortement l'idée chrétienne selon laquelle un monde meilleur nous attend après la mort. Croire que le monde terrestre n'est qu'une piètre réalité, croire que le corps est vil comparé à l'âme, c'est faire injure au vivant et à la terre. le surhumain de
Nietzsche n'est pas davantage un idéal, un but à atteindre. C'est un franchissement continuel, c'est la capacité à toujours se libérer pour aller toujours plus loin. C'est en quelque sorte l'esprit en marche, la philosophie et la réflexion comme moyens de liberté et de création.
« Vouloir libère », il ne s'agit pas de suivre un chemin tout tracé, il s'agit de trouver son propre chemin pensé et voulu par soi-même.