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4,07

sur 1618 notes
« Ainsi parlait Zarathoustra » est une oeuvre unique, à la fois puissante et terriblement dérangeante.

Son charme principal réside dans son style, d'une richesse et d'une beauté exceptionnelles.

Imagination et figures poétiques viennent en effet rendre incroyablement attrayant un texte aux idées souvent difficiles à décrypter en raison de leur caractère métaphorique.

Sur le fond, les idées du philosophe vont effectivement à contre courant de tout ce qui a été établi précédemment.

Nietzsche peut seulement être attaché à une certaine idée du matérialisme et de l'épicurisme mais tout le reste et en particulier la religion chrétienne est rejeté en bloc.

Bien qu'il se défendit de tout antisémitisme, Nietzsche propage dans sa philosophie proclamant l'arrivée de Surhommes conquérants dominant par leur pureté les parasites comme les « hommes efféminés, fils d'esclaves et surtout les populations métissées » des idées suffisamment troubles pour donner prises aux thèses extrémistes que diffuseront les penseurs nazis du III iéme Reich.

Les passages sur les femmes sont également d'un très grand machisme.

Avec sa philosophie de l'homme fort, libre, viril et indépendant s'affranchissant égoïstement de toute éthique morale pour assouvir ses désirs profonds, Nietzsche crée donc une terrible et inarrêtable machine de guerre philosophique dans laquelle je ne peux me reconnaitre.

A lire donc pour le coté hors norme, même si on n'adhère pas (comme moi) au fond.
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Mon année 2024 sera philosophique, et en grande partie nietzschéenne.
Ainsi parlait Zarathoustra : c'est une relecture pour moi -Je l'avais lu déjà un peu plus de vingt ans déjà ( je ne rajeunis pas )-, un retour sur une oeuvre philosophique qui m'avait marquée à l'époque.
Cette oeuvre de Friedrich Nietzsche est assez particulière, je dirais même originale dans la forme, pour présenter la conception et les idées de l'auteur.
Divisée en quatre parties, écrites sur quelques années, on suit une espèce d'ermite vivant dans une caverne, un sage, presque un demi-dieu, en tout cas un personnage mythique qui descend parmi les hommes dans le but, dans un premier temps de diffuser ses idées afin de les libérer et d'ensuite dans un deuxième temps de trouver un surhomme qui fondera un nouveau monde meilleur que l'ancien.
Dans la première partie, on peut dire que la diffusion des discours de Zarathoustra n'est pas en réussite.
Il retourne donc dans sa caverne et médite.
La deuxième partie est plutôt une suite de mise en garde, par rapport à ce qui empêche l'homme ordinaire de s'élever (et tout y passe ou presque), peut-être la partie où l'on ressent le plus d'aigreur de la part de l'auteur.
Dans la troisième partie, Zarathoustra décide de reprendre son chemin et repart dans les contrées loin de ses îles bienheureuses à la recherche de compagnons éclairés d'où viendra le "surhomme". Bien évidemment, il ne les trouve pas et de désespoir retoune dans son pays.
Dans la quatrième partie, patient, il attend lorsqu'un cri de détresse retentit, il se précipite et trouve des hommes qui l'ont entendu et viennent à sa rencontre pour recevoir sa sagesse. Comme quoi, il valait mieux savoir attendre et récolter maintenant les fruits de ses discours qui ont fait leur propre petit chemin dans la tête de ses futurs apôtres.
En s'appuyant sur le personnage mythique de Zarathoustra (ou Zoroastre, prophète et fondateur du Zoroastrisme, ayant vécu entre 1500 av. J.C et 500 av. J.C.), Friedrich Nietzsche a développé ses idées et sa conception philosophique, complètement à contre-courant des enseignements de ce prêtre, qui défendait les prémices d'une religion monothéiste, fondée sur le dualisme moral du bien et du mal.
Dans ce roman, sous forme de paraboles, métaphores , assez poétiques parfois, c'est plutôt un appel de la part de l'auteur à se libérer du carcan de nos préjugés sociaux, religieux, politiques, de nos valeurs morales, de tout ce que l'on nous a inculqué, étant enfant, par-delà le bien et le mal.
Ayant défini ce qui nous entrave, c'est par notre volonté que l'on acquiert la liberté.
Une fois libres, nous nous retrouvons dans un état supérieur proche de l'innocence de l'enfance, avec l'expérience de nos années passées et la conscience de s'être délesté de toutes les choses qui nous maintenaient dans cet état inférieur et négatif. Ainsi, en tant que "surhommes", on s'octroie enfin le pouvoir de créer les nouveaux fondements d'un monde supposé meilleur.
Chaque chemin est individuel et il y a donc plusieurs façons d'accéder à cette conscience supérieure.
Ainsi parlait Zarathoustra est une oeuvre majeure ; de par son influence, elle a façonné notre monde moderne. On peut y adhérer ou pas, ce n'est pas là la question, on ne peut pas nier cette influence.

Bon, une fois que j'ai écrit tout ça moi, c'est ce que j'en ai compris plus ou moins et je suis nul en philosophie (j'ai eu 6 au baccalauréat), je suis d'ailleurs plutôt poète (enfin, en toute humilité, je préfère composer des poèmes que donner mon avis ici).
Donc, voici un poème, extrait de mes Écueils de poésies", illustrant ce que m'a inspiré la philosophie de Friedrich Nietzsche - il y a plus de vingt ans déjà, comme indiqué au tout début - et en particulier, ce que m'a inspiré ce livre:

"L'HOMME LIBRE (à Nietzsche)

Ainsi parlait l'homme libre
Comme celui qu'on prend pour un fou
Chacune de ses paroles vibre
Du sentiment réel et doux

Ainsi voulait l'homme libre
Quelle puissance, quelle volonté !
Il aimait sa façon de vivre
Zarathoustra l'avait libéré

Ainsi vécut l'homme libre
Incompris de tous ces esclaves
Qui n'avaient jamais appris à vivre
Que dans les vertus, selon les tables

Que par des faiseurs de morale
Qui leur disaient comment vivre
Âmes perdues dans les dédales
Du labyrinthe de givre

Ainsi parlait l'homme libre"

Aussi, en conclusion, voilà une dernière citation:"les poètes sont des menteurs".
Ainsi parlait Zarathoustra.
À bon entendeur, je vous salue.
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Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche est une oeuvre philosophique audacieuse qui explore des thèmes tels que la volonté de puissance, l'éternel retour, et la recherche d'un surhomme. Cependant, malgré la profondeur de ses idées, la complexité de sa prose et l'influence qu'il a eue sur la pensée philosophique, je suis resté de marbre.

Nietzsche présente des concepts à l'époque nouveaux à travers le personnage de Zarathoustra, propageant des idées provocantes sur la morale, la religion et la nature humaine. L'oeuvre offre une vision poétique de la philosophie, utilisant des métaphores puissantes et des paraboles pour transmettre ses messages. Cependant, la densité de la prose et la nature abstraite des idées peuvent rendre la lecture ardue pour certains lecteurs.

La structure fragmentaire du livre, bien que délibérée pour encourager la réflexion, peut également sembler décousue et difficile à suivre. Les discours de Zarathoustra sont souvent ponctués de moments de génie philosophique, mais ces éclairs peuvent être entrecoupés de passages obscurs, contribuant à une expérience de lecture inégale.

Bien que Nietzsche cherche à briser les conventions philosophiques établies, son style provocateur peut parfois être perçu comme excessif. Certains lecteurs peuvent être repoussés par la rhétorique audacieuse et le ton parfois arrogant, ce qui peut obscurcir la réception des idées profondes que l'auteur cherche à transmettre.

En dépit de ces critiques, "Ainsi parlait Zarathoustra" reste une oeuvre qui a profondément influencé la philosophie moderne. Les idées révolutionnaires de Nietzsche continuent de susciter des débats et de stimuler la réflexion intellectuelle. Cependant, je n'ai pour ma part pas trouvé mon compte, peut-être n'étais-je alors pas suffisamment mature.
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Depuis 10 ans Zarathoustra médite seul en montagne, en compagnie de son serpent et de son aigle. Il descend maintenant, âgé de trente ans (comme Jésus dans les Évangiles), auprès des hommes, à la ville, et y prêche la vérité conquise à la foule qui ne le comprend pas…
Ainsi parlait Zarathoustra remet l'homme en question et en cause comme peu d'oeuvres auparavant. Totalement en rupture avec la pensée de son temps, tout en étant sa manifestation exemplaire, ce livre ne pouvait que s'exprimer sous la forme incantatoire et poétique qui est la sienne, forme qui elle-même n'est qu'un moyen.
La grande signification du Zarathoustra c'est d'être justement parvenu jusqu'à un stade où aucune idéologie, aucun système, ni aucune civilisation ne peuvent plus se refermer sur le livre et le récupérer.
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Je pense que c'est le premier livre philosophique "pur et dur" que je lis. Zaratoustra rencontre toutes sortes de personnages et sait trouver les mots à leur dire pour se découvrir, refaire un monde nouveau. En parcourant ce texte, j'ai essayé de faire un rapprochement avec le poème symphonique de Richard Strauss, mais c'est difficile.
Lecture intéressante, bien sûr, mais à siroter goutte à goutte afin de vraiment apprécier et s'imprégner de tout ce que l'auteur cherche à nous enseigner.
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Oeuvre philosophique complexe, Ainsi parlait Zarathoustra a un air de Nouveau Testament. Et c'est le but, puisque le philosophe a présenté son oeuvre comme un 5e évangile.

Zarathoustra a une révélation : Dieu est mort; est venu le temps du Surhomme. Il part en quête de ce dernier et, tel un prophète, diffuse ses idées.

La compréhension de ce texte n'est pas évidente : ses références bibliques, son aspect parodique et ses longueurs sont propices à perdre le lecteur; malgré tout j'ai apprécié cette lecture (du moins ce que j'ai pu en comprendre) et le cheminement qu'elle nous propose.

Succession de discours, Ainsi parlait Zarathoustra ressemble à un long monologue au cours duquel le lecteur trouvera autant de pensées à réprouver qu'idées satisfaisantes. En effet, nombreuses sont les phrases sur lesquelles je me suis arrêtée pour y penser plus avant, et certaines citations m'ont profondément marquées. Les passages se suivent sans toutefois se ressembler, menant son héros vers bien des chemins et faisant de ce texte une lecture déroutante à plus d'un titre. Ne me jugeant pas apte à m'étaler davantage sur cet ouvrage, je m'arrêterai sur ces lignes.

Si la motivation de vous lancer vous habite, n'hésitez pas à tenter l'aventure : c'est une expérience intéressante que de tenter de saisir l'ampleur de ce qu'à voulu nous confier le philosophe.
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Nietzsche ewt un auteur sui me faisait un peu peur :Serais je au niveau pour saisir les nuances de sa pensee ? le recit me sera t il accessible facilement ? Et la,surprise,voici un livre finalement assez simple,divise en petits chapitres brefs qui décortiquent les pensees de Zarathoudtra en les clarifiant.La richesse du texte m'a passionné et me donne envie de pousser plus loin la decouverte de l'oeuvre de l'auteur.
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“De tout ce qui est écrit, je n'aime que ce qu'une personne a écrit avec son sang", a déclaré Zarathoustra à une foule de citoyens perplexes qui se sont rassemblés pour voir un danseur de corde se produire. Au lieu de cela, ils reçoivent un discours sur les conséquences éthiques de la mort de Dieu, du fondateur de l'ancienne religion perse du zoroastrisme.

Ne présumons pas que parce que, contrairement à ses livres précédents, ceci est écrit sous forme narrative, il sera plus facile à comprendre. Nietzsche est redoutablement impénétrable : « Je marche parmi les hommes comme parmi des fragments d'avenir » ou "La sagesse se lasse". Qu'est-ce que tout cela signifie? Incidemment, si l'on espère tomber sur la scène où le fou du marché crie "Dieu est mort et nous l'avons tué", c'est raté...C'est le Gai Savoir qu'il faut lire...

Tout – ou peut-être seulement beaucoup – nous semble familier dans Zarathustra, il est le précurseur dont se réclament (ou pas ) nombreux gourous modernes qu'ils soient classiquement formés – psychologues, psychanalystes... ou qu'ils surgissent des profondeurs des méditations de toutes écoles et dont – dans tous les cas – les dissertations décousues ont inspiré et inspirent encore des génération de rebelles. Reste cependant à démêler les complexités d'un texte philosophique dense. Sans la musique apocalyptique du poème symphonique de Richard Strauss, ma compréhension du texte serait restée au niveau de compréhension qu'un berger ne parlant que son sarde natal et n'ayant jamais fait d'études aurait pout Stephen Hawking lui expliquant en anglais la constitution des trous noirs.

Je parle d'expérience, j'ai (dans une partie simultanée) rencontré sur l'échiquier Boris Spassky, au neuvième coup j'étais mat, il m'a alors regardé comme Stephen Hawking aurait regardé le berger Sarde...
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On doit pouvoir mesurer la sagesse générale d'un individu à la façon dont il comprend Ainsi parlait Zarathoustra, dont il le reçoit non avec évidence (car le livre est en quelque chose surhumain) mais avec acuité, dont l'oeuvre confirme ce qu'il pense et ce qu'il est, dont l'auteur porte un éclairage sur ses lumières déjà acquises comme un surprojecteur sur des clartés en soi incertaines. Car il faut le reconnaître, on ne peut vraiment entendre – « entendre » au sens profond d'« intégrer » – ce texte avec une simple théorie, à la façon d'un étudiant systématique ou d'un professeur distancié qui ne se charge que d'inscrire ce livre dans l'histoire de la pensée occidentale, même si la lecture préalable d'autres Nietzsche permet d'en intellectualiser l'esprit et le style, ainsi qu'on trace en cohérence des taxonomies de concepts pro hominem. Beaucoup ont appris patiemment Zarathoustra, aidé de fiches de lecture et de renseignements contextuels, comme on fait en prétendant bien savoir plutôt que mal connaître, en multipliant les références, avec citations pour futures notes de bas de page, y compris en s'adossant à des penseurs aux idées contraires. On se contente alors de « concevoir » la verve hautaine et méprisante de Nietzsche, on anticipe l'orgueil et la jouissance, on augure la figure de l'antéchrist avec prédilection pour les renversement et dépassement des valeurs humaines, et l'on fait grande provision d'un lexique inutile, comme si ce philosophe se résumait à une terminologie qu'il avait toujours détestée – « volonté de puissance », « éternel retour », « littérature dionysiaque », que sais-je encore, moi qui ne me préoccupe pas tant de mots que je me passionne pour des réflexions ? fatras d'idées valorisantes à dessein de « briller » en une société prétendue de connoisseurs, un fatras presque faux, généralement surinterprété comme pérorent l'universitarien qui toujours cite beaucoup et comprend peu – ; on a ainsi gravé dans l'esprit du récipiendaire un rapport au texte, un rapport à la lecture, controuvé, travesti, inessentiel et presque périphérique, comme si un livre, particulièrement un ouvrage de philosophie, se relatait à distance à la façon d'un répertoire à destination d'une révision pour concours. le Français en vient à lire en désapprenant la lecture, c'est-à-dire avec la pensée de constituer une science toute faite plutôt que de l'éprouver et de se l'approprier, plutôt qu'elle résonne dans le vécu.
En l'occurrence, une clé de lecture considérera qu'Ainsi parlait Zarathoustra est une sorte de contre-Bible, empruntant ses emphases et son péremptoire au registre christique, en en détournant le sens originel, le traversant et supplantant avec l'intention d'une sur-Bible, raison pourquoi Nietzsche admet que l'oeuvre représente (je cite Ecce homo de mémoire) « le plus grand cadeau qu'on ait fait à l'humanité ». Il s'agit de remplacer les maladives faussetés d'un Nouveau Testament d'amour pleutre et de passivités tristes qui en font un culte pour la mort, par de gais enseignement du brave mépris et des actes hardis fondant une doctrine de vitalité contre la mort. Zarathoustra écrase Jésus, proclamant la mort de Dieu, ordonnant l'indépendance et l'accès à la création, réfutant les disciples et les vieilles valeurs, à la fois négateur et démiurge, dur, indocile, juste, libre. Il fallut l'innocent orgueil d'un hors-norme, d'un hors-hommes, avec le complet débarras du péché d'orgueil, pour oser une entreprise de si authentique démesure, spontanée, assumée sans outrance, sans même la pensée d'excès, consistant à se représenter en prophète, puisque Nietzsche est Zarathoustra, puisque l'auteur remet au monde sa sagesse sublimée sans les vicissitudes inutiles des apprentissages d'enfance – « inutiles » dans une perspective de transmission quintessenciée. Et cette autre Bible, plus morale et vraie, où l'homme de l'ancienne Bible est un être qu'il faut « surmonter », où l'homme normal est resté trop en-dessous de sa valeur et doit par nature être pionnier de l'existence, cherche un destinataire apte à l'entendre, se heurte aux préjugés des foules, aux conforts des routines, aux rituels peu exigeants qui rassurent, et il manque de disciples : Ainsi parlait Zarathoustra est un livre forgé de solitude qui se destine à des temps à venir, ouvrage pour une postérité de postérités, sans espérance ni déception, simplement né d'une résolution au devoir, une nécessité, un destin. Oui, tout ceci est exact, voici une herméneutique, même une exégèse, vraiment juste, cependant ce demeure théorie et synthèse, c'est mauvaise distance, recul qui enregistre et n'éprouve rien, compendium de l'oeuvre sans le commencement d'une critique, sans même le début d'une lecture, « digest » sans digestion, sans consommation pour soi, sans apport nutritif personnel, presque comme un tableau des valeurs nutritionnelles – en somme, typiquement de la lecture à la française.
La vérité : je suis un des rares au siècle à avoir si bien compris Ainsi parlait Zarathoustra, sans tentation de verbiages et d'analyses intellectuelles ; je l'ai même tant compris, avec une si nette philologie, que je comprends aussi ses défauts, ses faiblesses nées de sa volonté et de sa grandeur ; et je suis comme fier et étonné d'avoir fait ainsi plus que traverser cette oeuvre, c'est-à-dire non de m'en être imprégné et empli – je n'y ai rien appris cette fois, je savais déjà son contenu non par coeur mais par expérience –, mais de l'avoir à mon âge, du commencement à la fin, en esprit confirmée et réfutée – de l'avoir comprise en même temps que de la lire sans que rien ne m'en soit étranger. Sans pourtant qu'une simplification me tienne lieu, je crois, de vantardise ou de consolation, je dis avec sincérité que rien n'est compliqué dans cette oeuvre, qu'il n'y faut que la vertu d'un vrai lecteur c'est-à-dire la patience de l'examen, qu'un livre exige en principe un travail qui démontre le respect même qu'un esthète accorde à un artiste, et que c'est le retour à soi des enseignements qu'il contient, sans cesse convertis en exemples personnels ou en contradictions, qui confère à cet essai sa vivante dialectique au-delà de quelque « péremptoire mystique ». Je n'ai pas juste « consulté » ce Nietzsche, je l'ai vécu, sa matière m'était propre, et je devine les torts de Nietzsche, je l'ai réfuté d'avoir admis qu'il pouvait y avoir des disciples après avoir renoncé à chercher des individus au sein des foules (lui-même n'avait jamais disposé de disciple), je le blâme encore de la tournure poétique qu'il donne à son oeuvre parce qu'il surestime le poète en lui et conçoit le lyrisme à l'image des ampoules fastidieuses des siècles passées – c'est notamment la prédominance emphatique répétitive qui atténue l'efficacité de Ainsi parlait Zarathoustra et qui rebute le lecteur : le « marteau » disparaît où apparaissent l'émoi atermoyé, les figures imposées, les allégories de style, tout cet apparat de spiritualité chargé de donner à l'oeuvre une hauteur reconnaissable d'interprétations démultipliées. L'« éternel retour » surtout, sur quoi les commentateurs se sont tant appesantis justement parce qu'ils ont la manie de s'emparer des paradoxes en cuistres argutieux, est une de ces intuitions sans étayage, uniquement mystique, qu'on ne retrouve nulle part ailleurs chez Nietzsche et qu'il ne faut pas admettre plus qu'une tendresse veule de l'auteur, qu'un épanchement pleutre et contradictoire surgi en Zarathoustra à l'heure de son flagrant abandon de faiblesse et de sa plus grande lassitude : avec les récurrences d'allégories et de lamentations, c'est ce qui nuit à l'unité ferme de la puissance du philosophe et qui entre en contradiction avec l'esprit de rationalité qu'il promeut dans toute son oeuvre – même s'ils ne démentira point cette « vision » dans sa synthèse Ecce homo. Peut-être – j'y songe sérieusement – récrirai-je ce livre en n'en gardant que les extraits éloquents, que les directions les plus fermes et inédites, que les synthèses les plus fortes – alors ce livre de 350 pages en comptera-t-il moins de 50 peut-être, et ce sera véritablement un guide clair et frappant plutôt que le délaiement élégant qu'il figure délibérément par souci de postérité et de patrimoine. Je distingue en ce Nietzsche ce que je n'ignorais pas, que j'estime personnellement un superflu, de ce que je me représente comme des excès de littérarité mystique, empruntée de manière à signifier la profondeur, pour la symboliser, pour étendre la portée et le lectorat de l'oeuvre grâce à la dimension céleste qui, ostensiblement éthérée, ne se soucie pas, sauf en « style » voire en « beauté », de la densité de l'écrit : ce sont ces facticités-là que je réprouve.
Et néanmoins, comme je suis satisfait ! Je continuerai Nietzsche, m'abstenant de ses manies, de ses biais, quoique d'un élan moins assidu sans doute, ne disposant pas des mêmes libertés : on ne dépasse un homme qu'après l'avoir entièrement compris et circonscrit. Une joie épanouie m'a saisi à la relecture de Ainsi parlait Zarathoustra : c'est que j'en ai écrit des pages entières sans le recopier, que j'en savais et prévoyais les termes de vérité. Ainsi ai-je tant connu Nietzsche : ses reculs avec ses défauts ; j'échappe à la position de disciple, de séide, d'émule ; Nietzsche m'est une borne chère : je l'ai passée ; presque tout son mystère m'est arrière ; je lui suis reconnaissant, mais aussi, je le sais, il voudrait malgré cela que je poursuivisse mon chemin. J'y vais, j'avance un pas avec son bagage et sa route : n'importe si je ne foule que quelques enjambées de plus ; c'est ma façon à moi de surmonter l'homme que je suis ainsi que tout l'homme resté au village dans son salon soporifique et aux lumières bleues. Nietzsche confirme chaque homme supérieur, il est l'essor et la visée, la science élémentaire en la fondation de sa méthode ; tout philosophe réel le considère comme un socle, mais il faut encore développer ce période, ce calvaire et cette passion, son extase ; sa « petite mort », ne doit pas être le dernier mot, l'ultime souffle exhalé : il faut, à partir de là, bâtir plus loin, plus loin…
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