Roman très riche et intense. En 1945, des hussards français, l'esprit revanchard, stationnent en Allemagne en attendant d'en découdre avec ce qui reste des divisions de l'ennemi.
C'est un roman choral où l'on apprend beaucoup grâce au monologue intérieur de dix personnages perdus dans cette fin de guerre:
Sanders est le soldat viril, odieux et séducteur.
Saint-Anne, c'est lui
Le hussard bleu il symbolise la beauté, la jeunesse et ses grandes idées.
Forjac est le gradé cynique qui aime les hommes.
Los Anderos est le soldat communiste colérique.
Et une jeune et belle Allemande...
Les scènes d'héroïsme et celles de désoeuvrement où se commettent bien des turpitudes sont la toile de fond mais ce n'est pas qu'une chronique de guerre. D'ailleurs, on sait que beaucoup vont mourir dans les dernières embuscades de la guerre. Donc, pas trop d'intrigue de ce côté-là. Non, ce qui tient le lecteur en haleine, c'est cette belle Allemande "sauvée" par le goujat Sanders, son importance grandit peu à peu jusqu'à la surprise finale.
Du suspense auquel s'ajoute un style enlevé et une construction façon puzzle qui ne laissent pas de repos au lecteur.
Ce roman choral est un prétexte pour employer toutes les subtilités et les grossièretés de la langue selon le protagoniste. de l'argot au français littéraire, très proustien, le contraste est vraiment riche et croustillant.
De plus, la construction en chapitres "monologues" , qui ne suit pas toujours la chronologie, permet de confronter les opinions et surtout d'imaginer un récit possible et de bien cerner les personnages. Quelle réjouissance de combler les blancs et de construire sa propre histoire. Avis aux imaginatifs!
Ce roman est sous cette forme une réussite. L'usage du "je" emmène le lecteur au plus près de l'action et des états d'âme de chacun. Et certains ont des côtés obscurs qui ne nous sont pas dissimulés et détonent dans le cheminement vers la victoire: le racisme, Pétain et la Milice, les viols en pays conquis. C'est donc un livre qui dérange par ces aspects mais c'est une photographie de la fin de la guerre vraiment saisissante.
Cet effroyable second plan contraste avec de biens purs sentiments que le lecteur pourra découvrir grâce au hussard bleu Saint Anne.
Si bien que la fin m'a englouti dans un tourbillon dont je ne suis pas sorti indemne.
Lu trois fois, et ce n'est pas fini. Pour moi un chef d'oeuvre qui dérange.