Nous ne sommes pas des sujets parlés, nous parlons pour nous-mêmes
« Ce livre n'est pas celui que je « devais » écrire, c'est en avançant sur un autre projet qu'il a émergé. Ce manifeste aurait pu s'appeler « Être Noir·es de/en France », mais ce titre obscur n'aurait pas beaucoup renseigné sur la tentative de proposition d'horizon politique que contiennent ces pages. »
Dans son introduction,
Fania Noël-Thomassaint parle de ce qu'elle aurait « aimé dire à beaucoup d'occasions », d'horizon politique, du sentiment « de vider l'océan avec une petite cuillère (qui a un trou) », des structures d'exploitation « économique, sociale et politique », du racisme, du patriarcat, du capitalisme. Elle interroge l'unité de ces trois dimensions et ses limites (je préfère pour ma part parler d'imbrication)…
« Il ne s'agit pas d'un livre de recettes magiques pour faire communauté où tout·es les Noir·es vivant en France se retrouveraient joyeusement dans un cadre douillet et sécurisant. Il s'agit de penser la création d'une communauté faisant partie d'un projet politique, et comme tout projet politique il s'agit de définir avec qui, comment et pour quoi. ». L'autrice discute de « libération noire et panafricaine », d'intégration des dimensions individuelles (« de classe, de genre, d'orientation sexuelle et de statut administratif »), d'urgence…
« Ce manifeste se base sur les affirmations suivantes :
attendu que la négrophobie existe et est structurelle et globale,
attendu que la négrophobie est liée à l'existence du capitalisme,
attendu que la négrophobie est un produit des histoires esclavagistes de la traite arabe en Afrique et de la traite occidentale transatlantique,
le capitalisme ne nous sauvera pas du racisme, la construction de notre organisation politique pour un changement radical de système est la seule voie de libération. »
Fania Noël-Thomassaint interroge « Comment être noir·e et sortir du singulier ? », la négrophobie, les effets des politiques néolibérales, l'universalisme « républicain et assimilationniste », le malaise et l'inconfort…
« Il peut être tentant de considérer qu'être Noir·e est en soi un positionnement politique, à la lumière de notre histoire, mais ce serait tomber dans le piège de l'essentialisation. Être Noir·e ne suffit pas pour construire un projet politique, il nous faut donc penser ce Nous, et savoir ce que nous voulons en faire. Définir notre objectif, et surtout créer les moyens de l'atteindre. Et pour atteindre cet objectif, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une définition de ce que nous sommes politiquement et des moyens devant être mis en oeuvre. Ce manifeste est un plaidoyer pour la construction d'une utopie afro-révolutionnaire guidée parce que nous pouvons changer, modifier et renverser politiquement ensemble, qui pourra éclairer notre chemin, et nous donner le courage de le parcourir. »
Je m'attarde sur le premier chapitre, Negus fragilium. S'organiser à l'ère de l'hégémonie néolibérale. Et je choisis subjectivement des éléments dans les autres textes.
Les discours sur le recul de l'Etat passant sous silence la puissance « qu'il peut déléguer ou privatiser tout en conservant le pouvoir », la nécessaire autonomie politique et la construction des rapports de force, « la question noire, la conscience du rôle central de l'Etat dans les crimes contre l'humanité qu'ont été l'esclavage et la colonisation… », l'actualisation de ce rôle dans les territoires et contre certaines populations, la division raciale du travail, la négrophobie, « La négrophobie n'est pas une « diversion » du capitalisme », les revendications et les tensions entre elles, le sacrifice des questions considérées comme minoritaires…
L'autrice insiste sur l'autonomie politique, « le chemin le plus sûr pour arriver à des unions justes et équilibrées », l'organisation comme outil et non comme fin, la souplesse et l'ouverture « vis à vis des désaccords, la contradiction et les critiques », les alliances sur des objectifs de luttes concrètes, « Nous devons apprendre à travailler ensemble, à partager le savoir avec tou·tes, à se mobiliser sur des temps longs, à ne pas se laisser emporter de polémiques en polémiques, à imaginer et construire la société que nous voulons, à nous défendre et surtout à vaincre »
Les autres chapitres
Interlude. Discours de clôture prononcé lors de la conférence « condition noire, la nécessité de la violence »
Le titre de cette note est empruntée à ce discours
Negus bancalus. En finir avec la stratégie P.A.P.RE. Pour une politique du plancher collant
Fania Noël-Thomassaint discute, entre autres, de la reconnaissance des privilèges, des conditions pour être un·e allié·e, des politiques de représentation, de l'individualisation « une des pierres angulaires du néolibéralisme », de la focale mise sur les effets de l'oppression, « se focaliser sur les victimes de la non reconnaissance éclipse souvent les raisons de cette non-reconnaissance », du féminisme noir, d'espérance, « aspirons à beaucoup plus qu'à être représentée·es ou avoir un siège à table : indépendance, autonomie et libération »…
Negus amor. S'aimer personnellement, s'aimer politiquement
L'autrice aborde, entre autres, la blanchité et l'imaginaire, l'historicité propre de la blanchité, l'imbrication de dominations…
Interlude. Vous saoulez tout le monde avec votre « black love »
Negus futurum. L'horizon politique. S'ancrer dans le panafricanisme afro-révolutionnaire
« Nous devons construire à partir des conditions matérielles présentes, demander la justice, l'égalité et la redistribution, là où il est le évident pour chacun·e comme le travail. le travail qu'il soit salarié ou non, au sein de l'entreprise ou de la sphère domestique. Se mobiliser sur cette question qui concerne tout le monde, mais qui revêt des spécificités pour chacun·es… »
Onze questions que vous n'avez jamais osé poser à une militante afroféministe
Au delà de certaines discussions nécessaires. Un horizon, des horizons de justice, de liberté et de beauté…
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