Une petite ville tranquille du centre de l'Allemagne abrite la plus grande collection d'archives au monde et concerne les victimes et les survivants du régime nazi : l'International Tracing Service (ITS) fondé par les alliés en 1948 et rebaptisé par la suite Arolsen Archives, International Center on Nazi Persecution.
C'est ici que travaille depuis plusieurs années notre personnage principal, Irène, française, expatriée en Allemagne, divorcée d'un allemand et maman de Hanno, 20 ans aujourd'hui. Nous sommes en 2016, Irène se voit confier une nouvelle mission, assez originale : retrouver les descendants des propriétaires des objets trouvés dans les camps de concentration et stockés au Centre.
« le premier jour, c'est l'odeur qui l'a saisie. Ce mélange de moisi, de vieux papier, d'encre de photocopieuse et de café froid. »
Irène va se transformer en Columbo des archives et surtout, se prendre au jeu. Un Pierrot de tissu, un mouchoir brodé et un médaillon. Ces objets sans aucune valeur marchande possèdent une histoire qu'Irène va tenter de reconstituer. Les enquêtes d'Irène vont la mener dans différents pays, en France, en Pologne, elle fera des rencontres qui vont bouleverser sa vie, la mettre face à son humanité, à son existence aussi. En filigrane on en apprend un peu plus ici et là sur la vie d'Irène.
Son travail pour rendre son identité à une victime peut sembler dérisoire, une goutte d'eau dans l'océan, mais pourtant, Irène va y mettre toute son énergie et y apporter un grand engagement. La guerre brise les filiations et les familles. Or, la vie des personnes disparues est plus importante que leur mort. A travers ces objets, la mémoire persiste. Certaines familles n'ont plus que cela pour se souvenir de leurs proches.
Les personnages sont forts, touchants, émouvants, et restent gravés dans l'esprit du lecteur. A leurs côtés, nous sommes au plus près de l'Histoire. Sur la scène de crime la plus terrible du monde. Wita m'a bouleversée. Elle s'est attachée à un petit gamin juif, au point de le suivre jusqu'à la mort, pour ne pas le laisser mourir tout seul. Gaëlle nous livre également les récits poignants des gardiennes des camps, les sélections, les camions de la mort. Lors de cette lecture, les larmes n'étaient jamais bien loin.
« le tatouage sur son bras, les questions ravalées par lâcheté. le souvenir attise son remords et réveille la saveur pleine de l'été, d'une rencontre qui allait compter.
– Oui. Mais quelquefois, en cherchant les morts, on trouve des vivants. »
La plume de Gaëlle est absolument magique. Fluide, délicate, riche, minutieuse. J'admire le travail de recherches qui est considérable. Partant d'un lieu réel, Gaëlle tisse son intrigue, mêlant histoires et enquête, toujours dans le respect. Elle nous propose un roman lumineux malgré toute cette noirceur, permettant de faire vivre la Mémoire, ce qui est primordial, je trouve. J'étais avide de découvrir les secrets cachés dans ces objets du quotidien. Ces objet qui sont devenus, bien malgré eux, porteurs de l'Histoire.
Il existe de nombreux ouvrages sur cette période terrifiante. «
le bureau d'éclaircissement des destins » nous plonge dans l'après, nous révèle ce que deviennent les survivants, que ce soit les déportés ou les gardiens des camps. Il met le doigt sur les stigmates, les souvenirs, de ces vies détruites à jamais. Cela offre un autre point de vue au lecteur. Intéressant et instructif. J'ai lu énormément de livres sur le sujet. Celui-ci apporte quelque chose de nouveau.
Un mot de la couverture, superbe, et du titre, original.
« Elle parcourt ces noms de femmes condamnées à la chambre à gaz qu'elles étaient folles, hystériques, infirmes ou malades. Elles viennent de toute l'Europe, s'appellent Hélène, Hedwig, Charlotte, Magda et Tatiana. Les plus jeunes ont moins de vingt ans, les plus âgées à peine soixante. Démolies en quelques mois, quelques années pour les plus endurantes. »
Un roman poignant, bouleversant, émouvant, passionnant. Un roman nous permettant de partir sur les traces de la guerre et de découvrir son impact à l'époque actuelle. Un lien permettant à la Mémoire de ne pas s'effacer. Un roman sur la filiation, que j'ai vécu comme un passage de flambeau et dont je me souviendrai longtemps.
Et un roman qui résonne à nos oreilles par rapport aux tristes évènements que nous connaissons avec la guerre en Ukraine. La citation ci-dessous est encore tellement d'actualité, malheureusement…..Ne passez pas à côté de ce livre.
« le jamais plus de Treblinka est un mantra que des sourds psalmodient pour des aveugles. A quoi bon s'échiner à rendre un nom à une victime, quand partout les hommes continuent à brutaliser, exploiter, détruire tout ce qu'ils touchent ? »
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