Je rêvais d'être intégrée, ne fût-ce que pour m'offrir le luxe de me désintégrer par la suite
Les corps ont trois possibilités de beauté: la force, la grâce et la plénitude.
Je n'éprouvais pas de frustration à fleurir dans les livres : j'attendais mon heure, je tissais mes pétales avec du Stendhal ou du Radiguet.
Elle inspirait ce qu'inspirent les appartements dont l'unique mobilier est une bibliothèque somptueusement remplie : la jalousie admirative pour qui ne s'embarrasse pas du superflu et regorge du nécessaire.
C’était ça l’université: croire que l’on allait s’ouvrir sur l’univers et ne rencontrer personne.
Jusqu'à ma rencontre avec Christa, l'un des bonheurs de ma vie d'adolescente avait consisté à lire : je me couchais sur mon lit avec un livre et je devenais le texte. Si le roman était de qualité, il me transformait en lui. S'il était médiocre, je n'en passais pas moins des heures merveilleuses, à me délecter de ce qui ne me plaisait pas en lui, à sourire des occasions manquées.
La lecture n'est pas un plaisir de substitution. Vue de l'extérieur, mon existence était squelettique ; vue de l'intérieur, elle inspirait ce qu'inspirent les appartements dont l'unique mobilier est la bibliothèque somptueusement remplie : la jalousie admirative pour qui ne s'embarrasse pas du superflu et regorge du nécessaire.
Déjà l'avantage était inversé. Je ne lui rendais plus service : je la suppliais.
Puisque l'armistice avait officiellement eu lieu, la fête improvisée se poursuivit sans encombre. Jamais épiphanie ne porta aussi mal son nom. Mes géniteurs et moi, nous étions la procession des trois crétins venus désigner celle qui se prétendait leur rédemptrice. J'étais effarée de constater à quel point les valeurs étaient inversées. Comme le rôle du Christ était joué par Antéchrista, j'étais forcément Balthazar, le Roi noir, puisque je m'appelais Blanche.
Tous embrassaient mal et pourtant, aucun n'embrassait mal à l'identique. Pour ma part, je ne savais pas qu'ils embrassaient mal; je croyais normal de sortir d'un baiser le nez aussi trempé qu'après la pluie ou la bouche sèche d'avoir été trop bue. Au pays du patin, les moeurs indigènes ne me choquaient jamais.
Et elle mit à plein tube un morceau qui était délicatement intitulé : So schrecklich. "On ne saurait mieux dire", pensai-je. Qu'était-il arrivé à la culture allemande, qui par excellence était celle des compositeurs de génie, pour qu'aujourd'hui la création musicale teutonne fût la plus moche du monde ?