Quand on est mort, on n’éprouve ni approbation ni regret par rapport à ses agissements ou ses abstentions. On voit sa vie comme une œuvre d’art.
Il est dans la nature des fautes d'avoir des consequences
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Ce qui disparaît quand on meurt, c’est le temps. Étrangement, il faut du temps pour s’en apercevoir. La musique devient l’unique chose qui permet d’en avoir encore une vague notion : sans son déroulement, le mort ne comprendrait plus rien à ce qui s’écoule.
Maman, quel privilège d’être ton fils ! Une mère qui a le talent de faire sentir à son enfant combien elle l’aime, c’est la grâce absolue. Je reçois cette ivresse qui est moins universelle qu’on ne le pense. Je suis pâmé de plaisir.
Aime ton prochain comme toi-même, ne lui inflige pas ce que tu ne supporterais pas, s’il s’est mal conduit envers toi, n’exige pas sa punition, tourne la page avec générosité. Illustration : je me hais au point de m’infliger cette atrocité, ma punition est le prix à payer pour les erreurs que vous avez commises.
C’est fait. C’est un verbe performatif. Il suffit de le dire – comme il faut le dire, au sens absolu du verbe – et c’est accompli.
Éprouver de l’amitié pour soi-même, c’est ce qu’il faut. De l’amour, ce serait désagréable : l’amour entraîne des excès qu’il serait malsain de s’infliger. La haine, c’est pareil en plus injuste. Je suis mon ami, j’ai de l’affection pour l’homme que je suis.
Accepte, non que ce soit acceptable, mais parce que tu souffriras moins. Ne pas accepter, c’est bien quand c’est utile : ici cela ne servira à rien.
C’est une expérience commune : quand on gravit une montagne, on la regarde d’abord du bas, d’où elle ne paraît pas élevée. Il faut arriver au sommet pour se rendre compte de l’altitude. Le Golgotha n’est guère qu’un monticule, mais j’ai l’impression que je n’en finirai jamais de l’escalader.
Rien de plus extraordinaire pourtant que la vie commune. J’aime le quotidien. Sa répétition permet d’approfondir les éblouissements du jour et de la nuit : manger le pain sortant du four, marcher pieds nus sur la terre encore imprégnée de rosée, respirer à pleins poumons, se coucher le long de la femme aimée – comment peut-on vouloir autre chose ?
À mon époque, on apprécie les gens dodus. J’ai renoncé à ce canon, je suis maigre : on ne peut pas affirmer que l’on est venu pour les pauvres et avoir de l’embonpoint. Madeleine me trouve beau, elle est bien la seule.