La grande question qui sous-tend tout questionnement philosophique s’appliquait au mystère de ma conception et de ma naissance. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? « Cela aurait été si facile de ne jamais naître. P 40
Ils me détestaient d’être née; par ma naissance, j’avais causé la mort de notre mère; ils voyaient toutefois que je n’étais qu’une petite fille; je n’étais pas une ennemie digne d’eux. P 33
J’étais déjà sur mes pieds, pressée de fuir cet endroit abominable ; car le restaurant était climatisé et il y faisait désagréablement froid ; c’était une température pour hommes en costume, pas pour filles en robe de soie décolletée ; j’avais grelotté pendant presque tout le repas. Vernor me prit la main et m’entraîna, en disant au maître d’hôtel avec une politesse glacée : « Très bien. Nous partons, et vous n’avez pas à craindre que nous revenions. »
Car telle est la façon de faire de la philosophie : réduire l'existence à de pitoyables lambeaux, ou l'enfler jusqu'à lui donner des proportions gigantesques et étouffantes. Dans l'un et l'autre cas, l'existence devient méconnaissable.
Si souvent à Syracuse, le ciel était couvert, menaçant, comme lourd de secrets, de passions tues. Les nuages n'avaient jamais les deux dimensions des paysages peints, ils étaient amoncelés, massifs, boursouflés, tumescents, grêlés, troués, crevassés et bouillonnants, rarement blancs, rarement d'une seule couleur, mais d'une infinie variété de gris, gris foncé, gris pastel, gris meurtri, gris fer, gris violet, traversés d'une lumière solaire à l'avance mystérieuse et à la disparition brutale. La pluie tombait, ou venait de tomber, et tout était glissant, mouillé, brillant, lavé; maussade, renfrogné; ou étincelant d'optimisme, d'espoir.
Étudier la philosophie, c'est étudier l'esprit humain. Bien que les philosophes prétendent étudier la "réalité", le "monde", l'"univers", "Dieu". Et pourtant, étudier l'esprit humain de près, sonder son propre esprit, ses propres motivations, c'est être totalement dérouté.
Je n'avais jamais compris que l'alcoolisme est un état d'âme : une cachette , un refuge sous des branches de conifères alourdies de neige . On se coule à l'intérieur , et personne ne peut vous suivre ;
« Je n’aurais pas isolé la négritude de ses autres qualités. Certes, c’était un fait de son être. La première chose qui frappait l’œil, mais ce n’était pas un fait définissant ni définitif. » (p. 173)
« Mes sœurs Kappa me fascinaient comme des rapaces géants au plumage bariolé fascinent un petit oiseau chanteur caché dans les buissons. Ou qui essaie de se cacher dans les buissons. » (p. 84)
Montrer à la mouche par où sortir de la bouteille fut l'espoir qui anima Ludwig Wittgenstein toute sa vie, mais la vérité est que les êtres humains ne veulent pas sortir de la bouteille; nous sommes captivés, fascinés, par l'intérieur de la bouteille; ses parois de verre nous caressent et nous consolent; ses parois de verre sont les limites de nos expériences et de nos aspirations; la bouteille est notre peau, notre âme; nous sommes habitués aux déformations visuelles du verre; nous ne souhaiterions pas voir nettement, sans la barrière du verre; nous serions incapables de respirer un air plus pur; nous serions incapables de survivre à l'extérieur de la bouteille.