Le Goûter du lion

La vie est semblable à une bougie. Elle ne peut allumer ou souffler sa flamme elle-même. Et une fois la flamme allumée, il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre qu’elle se consume et disparaisse, en laissant la nature suivre son cours.

Vivre, c’est être la lumière de quelqu’un d’autre.

Madame Shizuku Umino, 
Nous aimerions vous apporter quelques informations supplémentaires, susceptibles de vous aider à préparer votre venue parmi nous. 
Tout d’abord, je tenais à vous remercier d’avoir pris la peine de nous appeler l’autre jour. Je regrette de n’avoir pu vous parler, j’étais malheureusement retenue ailleurs, et je vous prie de m’en excuser. 
J’espère que tout se passe au mieux pour vous depuis. 
Nous serons là pour vous accueillir lors de votre arrivée, qui aura donc lieu le 25 décembre (le jour de Noël !). 
Les produits et les objets essentiels au quotidien (linge de lit, couverts, brosse à dents, etc.) seront mis à votre disposition, toutefois, nous vous recommandons d’apporter vos vêtements (y compris les sous-vêtements), même si vous avez toujours la possibilité de faire quelques achats sur place si nécessaire. 
Cependant, comme nous sommes installés loin des grandes villes, nous ne pouvons garantir que vous serez en mesure d’obtenir immédiatement tout ce que vous souhaitez. Nous comptons sur votre compréhension à cet égard. 
Bien qu’elle soit aujourd’hui accessible par la route, je vous recommande chaudement de rejoindre notre île par bateau. Vous pourrez ainsi profiter d’une vue exceptionnelle et découvrir et savourer le paisible paysage de la mer intérieure de Seto. 
Enfin, sachez que nous ferons tout notre possible pour rendre les jours à venir inoubliables. 
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon voyage. Nous nous réjouissons tous de faire votre connaissance bientôt. 
Madonna,  
directrice de la Maison du Lion

(Incipit)

… le bonheur, c’était d’avoir la certitude qu’il allait toujours y avoir un lendemain.

J'ai ouvert les yeux. Cette douce euphorie a persisté pendant de longues minutes après mon réveil. C'était à se demander si cette scène n'avait pas vraiment eu lieu. Mais elle n'appartenait pas au monde réel. Je faisais souvent ce genre de rêves depuis quelque temps. Ce devait être un désir inconscient. Se réveiller et comprendre que ce n'était qu'un rêve était toujours un moment un peu douloureux.
J'ai tendu la main vers mon téléphone et j'ai glissé les écouteurs dans mes oreilles. Seul le son du violoncelle avait le pouvoir de calmer ce sentiment délicat à dompter.
Tandis que je m'abandonnais entièrement aux tonalités profondes et entremêlées de l'instrument, la brise marine me susurrait que je n'avais pas à m'en faire, que tout allait bien se passer. Juste un peu plus. Si je pouvais tenir en équilibre sur cette falaise juste un peu plus longtemps, je pourrais rejoindre le monde de l'autre côté. Je ne pouvais ni hâter cet instant, ni le regarder. Tout ce que je pouvais faire, c'était d'attendre sagement qu'il arrive.

Vivre c'est être la lumière de quelqu'un d'autre.

Le plus important, c’est de vivre l’instant présent. De le ressentir à travers son corps. Voir, toucher, sentir, goûter, avec ses yeux, ses mains, sa langue, et en être émue…

Avant de faire la connaissance de Momo, j’avais les yeux rivés sur la mort, alors même que j’étais encore en vie. Je croyais que c’était cela, accepter de mourir. Mais elle m’a fait comprendre qu’accepter la mort, c’était aussi accepter son désir de vivre le plus longtemps possible. Cela a été une véritable révélation pour moi.

Il y a toujours une pensée qui me vient à l’esprit, quand je cuisine ici. Ah, on me laisse encore vivre ! Naître et mourir ne sont pas des choses que l’on peut décider par soi-même. Nous devons donc vivre jusqu’à notre mort.

La vie et la mort, en un sens, sont les deux faces d’une même pièce.