Après l'immense coup de coeur que fut pour moi « La Papeterie Tsabuki »…quelle ne fut ma joie d'en voir la suite (même si ce roman peut se lire aisément séparément)…Inutile de préciser que je me suis précipiter dessus [reportant légèrement une autre très grande envie : le dernier texte d'Erri de Luca, « Impossible »]
Doublement joyeuse d'avoir retrouvé Hatoko… et de plus, au détour d'une petite rue, à la fin de flâneries dans les recoins de la ville de Meudon. J'ai ainsi fait connaissance avec une nouvelle librairie sympathique et bien achalandée, « le Méandre » !... Méandre bienvenu en cet après-midi de marche au hasard !.. …
Immense plaisir de retrouver notre sympathique écrivain public, pleine d'empathie pour la plupart de ses clients… même dans les demandes les plus tordues de « courriers » comme cette « Lettre de répudiation » d'une épouse qui ne supporte plus son époux au bout de 30 ans de vie partagée…puis Zut… c'est le mari qui vient solliciter l'aide de notre « scribe »… que de vies, de moments d'existence délicats…qu'elle doit régler, formuler au mieux, comme l'excellente médiatrice qu'elle sait être…Des croisements de vies, de destins singuliers, de moments de crise ou de joie, de reconnaissance à exprimer « noir sur blanc »…, avec la difficulté de choisir les mots justes.
Cette fois, pour m'imprégner au maximum du décor, j'ai été chercher les noms propres de lieux inconnus : sont apparues , en surimpression, les images des temples, jardins, lieux , décrits… le plaisir de la lecture en est enrichi, "colorisé"… Comme ce somptueux « Myôhon-ji »…décrit ci -dessous
« A l'époque, j'enviais les arbres dont le feuillage poussait en toute liberté. Là-bas, je pouvais respirer un air neuf, jusqu'au plus profond de mes poumons.
Dans l'enceinte du temple il y avait plein de chats errants à qui j'allais me confier. Les arbres aussi prêtaient l'oreille à mes monologues. (...)
Au bout d'un moment, la brise chassait les scories qui m'encombraient le coeur et je reprenais le chemin de la maison d'un pas plus léger.
pour moi, le Myôhon-ji, c'était un lieu unique où j'avais rendez-vous avec moi-même. (p. 108)”
En sus du quotidien d'écrivain public qu'est celui de notre narratrice… on la retrouve jeune mariée, et chargé d'âme, puisque son époux avait déjà une petite fille de six ans… Notre jeune mariée s'adapte à sa nouvelle vie, prend très au sérieux son nouveau rôle de « maman », cette toute nouvelle existence lui faisant revivre son enfance, avec une grand-mère aimée, mais parfois très dure… nous l'accompagnons dans son quotidien au sein de sa boutique- papeterie et bureau d'écrivain public, tout en assistant à ses questionnements sur sa nouvelle vie, sa recherche d'un art de vivre et de gâter cette petite fille, sachant que chaque instant sont des trésors immédiats à vivre le plus intensément possible…
Comme ce moment unique de partage, de complicité entre l'enfant et l'adulte, lorsque notre écrivain public donne la première leçon de calligraphie à "sa" petite fille, très réactive et demandeuse, en la matière !!
Un roman bienveillant , joyeux, qui est comme un joli cadeau pour débuter cette nouvelle rentrée avec entrain et nouvelles bonnes résolutions… Je ne peux m'empêcher de remarquer que la phrase que je vais citer ci-dessous, je ne l'aurais peut-être pas relevée auparavant, avant cette fragilisation généralisée de notre quotidien, avec nos proches et dans nos occupations … c'est dire combien (on) , (je) ressens cet « ici et maintenant »… dans les gestes et rituels les plus simples du quotidien :
« Mais un plat n'a pas le même goût selon qu'on le mange tout seul, en silence, ou avec des êtres chers, en bavardant gaiement. Bien manger à table avec ceux qu'on aime: rien ne surpasse un tel moment de bonheur et de luxe. (p. 16) .
Un roman-lumière en cette rentrée, qui fait un bien fou… Les pages de ce roman nous offrent en cadeau des illustrations et calligraphies de ces lettres intimes, imaginées, formulées par notre brillante et chaleureuse écrivain public,qui accueille chaque client avec thé, petits gâteaux… Art de vivre et art d'accueillir ! de quoi tous rêver à ce genre de lieu, hors du temps et du seul tiroir-caisse !!
Très belle rentrée à tous et toutes !
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Comme je suis heureuse de te retrouver, Hatoko!
Permets-moi de t'écrire cette missive. Un petit clin d'oeil au métier d'écrivain public, que tu continues d'exercer. Les requêtes de tes clients sont cette fois encore, singulières, souvent émouvantes. Et tes lettres toujours délicates, inspirées.
Je tiens d'abord à te féliciter: tu viens de te marier avec Mitsurô, et tu découvres petit à petit la joie de former une famille, avec sa fillette de six ans, Haru, si attachante. L'angoisse aussi de ne pas savoir t'y prendre avec un enfant.
Toi si solitaire jusque là, te voilà accueillie chaleureusement par ta belle-famille, et tes amis t'entourent également. Tu apprends l'art de la calligraphie à Haru.Tu ouvres ton coeur, tu sais, un peu comme les bourgeons de pétasites, tu t'épanouis, tu fleuris. Et tu comprends mieux l'intransigeance de l'Aînée, qui voulait en fait te protéger et t'aider à savoir affronter la vie.
Tu m'as encore régalée de tes saveurs de mets japonais raffinés, des senteurs de l'olivier, du thé fraîchement cueilli, des mandarines.
Et surtout, Hatoko, tu m'as transmis tes émotions, ton émerveillement quotidien devant les petites choses qui font vibrer nos coeurs, ces toutes petites choses pourtant indispensables et nimbées de beauté , comme un prunier en fleur ou un chant d'oiseau au printemps.
Tu brilles, tu irradies.
Tu fais étinceler ma vie de lectrice aussi.
Merci.
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Et comme les livres d’Ogawa sont aussi gourmands, ils évoquent les arômes et les subtilités de la cuisine maison, à la fois simple et rassurante.
Lire la critique sur le site : LActualite
...on dit que si on se coupe les ongles après les avoir trempés dans l’eau des sept herbes sauvages, on passera toute l’année en bonne santé.
— C’est vrai ?
— Oui.
Pour tout avouer, l’an passé, je ne l’ai pas fait car cela me semblait inutile. Et je n’ai pas tardé à attraper un rhume. Je sais bien qu’il n’y a pas de lien direct. C’est une superstition, rien de plus. Mais se plier à cette tradition permet, par la force de l’esprit, de se convaincre qu’on ne s’enrhumera pas, et peut-être qu’alors le corps bloque les microbes.
Pendant que les haricots azuki cuisaient dans une marmite en terre, j’ai blanchi l’armoise sur l’autre feu. L’eau se teintait d’un vert profond à vue d’œil. Un parfum frais enflait, comme un concentré de printemps. J’avais l’impression d’être en forêt.
A l'époque, j'enviais les arbres dont le feuillage poussait en toute liberté. Là-bas, je pouvais respirer un air neuf, jusqu'au plus profond de mes poumons.
Dans l'enceinte du temple il y avait plein de chats errants à qui j'allais me confier. Les arbres aussi prêtaient l'oreille à mes monologues. (...)
Au bout d'un moment, la brise chassait les scories qui m'encombraient le coeur et je reprenais le chemin de la maison d'un pas plus léger.
pour moi, Le Myôhon-ji, c'était un lieu unique où j'avais rendez-vous avec moi-même. (p. 108)
Il a extrait de son sac une espèce d’appareil, en a essuyé la poussière avec sa manche de kimono et l’a posé sur mon bureau : c’était une machine à écrire.
— Mais, qu’est-ce que… ? C’est une Olivetti, n’est-ce pas ?
— Tu en sais, des choses.
— Et une Lettera 22, en plus !
Je n’aurais jamais imaginé voir surgir de son sac en papier une telle trouvaille. Olivetti est le plus grand fabricant italien d’articles de bureau, une maison ancienne appréciée des connaisseurs. La machine à écrire Lettera 22 a été son produit phare.
— Elle est vraiment belle, tout en courbes, ai-je dit dans un soupir en effleurant les touches du doigt.
C’était la première fois que j’en voyais une en vrai. L’ancêtre de la machine à traitement de texte, puis de l’ordinateur.
— Elle te plaît ?
J’ai vivement hoché la tête en réponse à la question du Baron, qui m’a lancé d’une voix bourrue :
— Prends-la.
Après l'avoir raccompagné, je suis restée sur le pas de la porte, rêveuse.
Un papillon dansait dans les flaques de soleil. Il virevoltait de-ci de-là, comme fou de joie de pouvoir voler. Loin de se douter qu'il était observé, il évoluait, oublieux de tout, et il était beau.
Il exprimait de tout son être le bonheur d'être en vie.
Le papillon, Takahiko et QP étaient pareils. Ils vivaient, de toutes leurs forces.
Une belle soirée de partage autour des coups de coeur de nos libraires !
Ci-dessous les romans présentés :
- La nuit des pères, Gaëlle Josse, Notablia
- Les enfants endormis, Anthony Passeron, Globe
- Chien 51, Laurent Gaudé, Actes Sud
- L'odyssée de Sven, Nathaniel Ian Miller, Buchet Chastel
- Qui sait, Pauline Delabroy-Allard, Gallimard
- Biche, Mona Messine, Livres Agités
- La mémoire de l'eau, Miranda Cowley Heller, Les Presses de la Cité
- Chouette, Claire Oshetsky, Phébus
- le goûter du lion, Ogawa Ito, Picquier
- Que reviennent ceux qui sont loin, Pierre Adrian, Gallimard
- La femme du deuxième étage, Jurica Pavicic, Agullo
- Un profond sommeil, Tiffany Quay Tyson, Sonatine
- On était des loups, Sandrine Collette, JC Lattès
- Hors la loi, Anna North, Stock
- Frankenstein et Cléopâtre, Coco Mellors, éditions Anne Carrière
- Les marins ne savent pas nager, Dominique Scali, La Peuplade
- L'été où tout a fondu, Tiffany McDaniel, Gallmeister
- Fantaisies guérillères, Guillaume Lebrun, Christian Bourgois
- Trois soeurs, Laura Poggioli, L'Iconoclaste
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