Nous avions laissé
Binti à son retour sur Terre, dans sa retraite désertique peu après l'accueil froid que lui avait réservé les gens de son village. Qui était cette fille qui revenait après avoir abandonné les siens pendant plus d'un an ? Avec ses cheveux de méduse, son corps à peine recouvert d'un otjize qui n'était même plus semblable au leur ? Comment l'accepter de nouveau alors qu'elle revendiquait une place qui n'était pas la sienne, indépendante et forte ? le conflit familial était intense et il a de nouveau éclaté lorsqu'elle a appris sa nature de descendante des Enyi Zinariya, ce peuple sauvage du désert que les Himba ont toujours en partie méprisé. Himba ? Enyi ? Méduse ? Ses ascendances se disputent en elle et alors qu'elle se débat encore avec les visions que lui envoient le zinariya, voilà qu'une guerre, commencée il y a des siècles, s'ouvre de nouveau entre Khoush et Méduse, les Himba essuyant les dégâts. Maîtresse harmonisatrice,
Binti sait qu'elle ne peut pas se venger des Khoush qui viennent d'assassiner sa famille et de détruire sa maison, la Racine. Elle doit harmoniser, leurs relations, découvrir l'himba profond et tenter de rétablir la paix.
On pourrait croire, de prime abord, qu'il s'agit d'une histoire de guerre, de combat, de rage et de sang. Mais ce serait se tromper. le récit que nous livre
Nnedi Okorafor tente, en empruntant le chemin de la fiction, de nous montrer l'absurdité parfois, de l'inimité et de la haine, alors que des peuples se détestent pour des choses produites il y a des siècles sans que plus personne ne se souvienne vraiment du pourquoi. Elle revendique également, un lien, entre le moderne et l'ancien, le scientifique et le magique, l'extraterrestre et le traditionnel, et l'idée qu'une harmonie peut être atteinte si aucun des deux mondes ne se trouvent lésés.
Mais
Binti c'est aussi et avant tout l'histoire de …
Binti. Cette fille qui est déjà beaucoup et qui continue d'être. A la croisée des chemins, des identités, des frontières, à la recherche d'un lieu où l'on acceptera toujours quelqu'un comme elle. A ses côtés se tient toujours Okwu, l'ambassadeur Méduse avec lequel elle entretient une relation étrange, si ce n'est amoureuse au moins profonde et sincère ; mais aussi Mwinyi, un maître harmonisateur du peuple Enyi Zinariya qui l'accompagne dans le désert et au delà, découvrant lui aussi des chemins différents sur lesquels avancer pieds nus. Ils n'ont pas véritablement d'ennemis, seulement des peuples effrayés les uns par les autres, se méprisant pour se donner de la grandeur, se haïssant sur des idées depuis longtemps éculées, et cherchant des vengeances puériles. Il y a beaucoup de vérités, d'expériences, à retirer de ce récit.
Binti est un personnage remarquable dans le sens où il est tout le monde et personne à la fois. Je la vois comme une identité plurielle qui s'est construite aussi bien dans son sang que dans ses rencontres. J'aime l'idée que l'on puisse changer, évoluer, et que ce changement se reflète directement dans notre peau mais aussi dans notre caractère. Et puis c'est une héroïne imparfaite qui a aussi ses préjugés issus de sa propre histoire et qui jamais ne les renie. Je suis Himba dit -elle plusieurs fois alors que son ADN renferme désormais des identités multiples. Elle avance, pas après pas à la découverte de soi même mais aussi des autres. Un chemin intérieur qui se reflète dans son edan cette petite sphère dorée qui l'accompagne partout et qui s'était brisée dans le premier volume, morcelée comme chaque part d'elle même. A la fin de celui-ci elle en fait autre chose, quelque chose de nouveau, de beau, de libre, d'hasardeux, comme elle. Une quête identitaire qui passe par tous ses reflets : le racisme, la tradition, l'émancipation, l'acceptation de soi et des autres, l'héritage, etc.
Enfin, l'univers créé par l'autrice m'a également beaucoup…touchée ? J'ai l'impression de lire la symbiose parfaite entre les êtres et la technologie, la faune, la flore et le moderne. L'Université d'Oomza est en sens particulièrement remarquable avec des êtres humanoïdes et d'autres non, ces vaisseaux vivants qui seront d'un immense secours à
Binti, ou encore son président arachnide qui s'évapore et se matérialise sans crier gare. Cette pluralité m'a aussi fait penser à Libration de
Becky Chambers et la curieuse humanité qui émerge de tous ces « monstres » à bord du vaisseau.
En résumé
Ce second volume et cette troisième novella concluent à merveille le cycle de
Binti initié par
Nnedi Okorafor. On retrouve avec beaucoup de tendresse cette héroïne aux identités multiples dans un parcours difficile fait de guerre et de paix. La question de l'identité, du racisme, de la haine et de l'acceptation de soi sont des thèmes centraux de ces récits alors que l'on suit les combats intérieurs de
Binti. Un roman tout ce qu'il y a de contemporain et d'actuel dans un écrin galactique fascinant où la science autant que la tradition se mêlent aux créatures extraterrestres, fantastiques ou rêvées qui vivent en nous…et ailleurs.
Lien :
https://lesdreamdreamdunebou..