Les histoires sont de même nature que les fleuves ou les êtres humains: pour en connaître l'origine, il faut prendre le temps d'en remonter le cours. Les impatients, ceux qui ne font pas ce voyage vers l'amont, ne comprendront jamais, jamais, la nature jumelle des récits et de l'eau qui coule.
Rien ne procure plus de paix que la lecture d'une carte. A suivre son tracé, le monde paraît si simple, si ferme, si certain... Qui pourrait imaginer l'envers de cette carte, ses coulisses, ses entrailles, les efforts qu'il a fallu déployer pour aboutir à ce simple trait, les interrogations, les enquêtes, les déductions, les recoupements...?
La Connaissance n'a de cesse que le monde entier bénéficie de ses lumières. La Connaissance est la générosité même, tandis que le Secret est avaricieux et jaloux. Il garde pour lui, il engrange, il thésaurise.
Si Louvain était un port au milieu des terres, ses bateaux étaient bien les livres, des bateaux aux équipages invisibles dont seul apparaissait le capitaine, l'auteur.
Au fond, j'avais atteint une autre sorte de port, un lieu d'où ne partaient pas des bateaux, mais des livres. Et, à bien y réfléchir, les bateaux et les livres se ressemblent en ceci qu'ils servent les Découvertes.
Pourquoi les mots que la musique accompagne se gravent-ils plus profondément dans la mémoire que les mots nus, les mots seuls ? Les notes ont-elles de crochets qui se cramponnent aux régions de la tête où s'entreposent les souvenirs ?
Les bateaux ne partent pas que des ports, Jérôme, ils s'en vont poussés par un rêve.
Écrire est une navigation sur la terre ferme. La page blanche est une voile qu'on hisse. Les mots, un sillage qui s'efface.
J'ai une question à poser au dominicain que vous êtes. Les dominicains ne se prétendent-ils pas l'ordre de la Chrétienté le plus préoccupé de logique et de connaissance? Depuis deux millénaires, les Grecs ont deviné, puis démontré que la Terre était ronde. Pourquoi le christianisme a-t-il voulu croire, pourquoi nous a-t-il tous contraints de croire qu'elle était plate? Pourquoi cette haine du savoir chez les prêtres?
Pourquoi les mots que la musique accompagne se gravent-ils plus profondément dans la mémoire que les mots nus, les mots seuls ? Les notes ont-elles des crochets qui se cramponnent aux régions de la tête où s'entreposent les souvenirs ?
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