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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Hommage à la Catalogne », paru en 1938, retrace l'engagement de George Orwell pendant une partie de la guerre d'Espagne, entre décembre 1936 et l'automne 1937 au sein du POUM, le parti ouvrier d'unification marxiste.

Si le contenu diffère, ce livre essentiel dans l'oeuvre de l'auteur de 1984 rappelle « Dans la dèche à la Londres et à Paris » paru quelques années plus tôt, où Orwell revenait sur ses pérégrinations au coeur de la pauvreté des deux capitales encore marquées par la crise de 1929. le texte mêle en effet un reportage au plus près du quotidien, des réflexions sur le vif explicitant la signification de la lutte protéiforme que se livrent les différents protagonistes, ainsi qu'une analyse plus approfondie, proposée en annexe dans la traduction française, dans laquelle l'auteur nous propose un examen éclairant d'une guerre méconnue qui annonçait le conflit mondial à venir.

Les premiers mois passés par Orwell sur le front d'Aragon, dans la région de Saragosse, évoquent « une drôle de guerre » entre les milices du POUM et les troupes fascistes. Au coeur d'un conflit atone, où chacun tient sa position sans difficulté et où les blessures les plus fréquentes proviennent d'une maladresse ou d'une arme obsolète, les combats se font rares.

L'auteur découvre la camaraderie joyeuse et désordonnée des milices espagnoles, et entrevoit la possibilité d'un avènement du socialisme, dans cette « armée » où les grades ont été supprimés, où les soldes sont les mêmes pour tous, et où le mot « camarade » n'est pas une mascarade, mais témoigne de la fraternité sincère qui unit les miliciens révolutionnaires. Bref, Orwell découvre que la réalisation de l'utopie socialiste, abolissant les privilèges bourgeois et établissant une égalité objective entre les hommes, est possible, même si la suite des évènements le fera déchanter.

Et pourtant. le récit nous narre surtout le quotidien épouvantable d'une milice peu armée et mal formée, dont le ravitaillement laisse à désirer. L'immersion dans les « tranchées » tenues par les révolutionnaires, raconte la misère absolue des miliciens qui doivent affronter la rigueur de l'hiver, l'inconfort, l'odeur de latrines qui flotte dans l'air, la saleté omniprésente et les poux. On est loin de la guerre épique dans laquelle l'auteur s'imaginait s'être engagé. La souffrance endurée par les miliciens tient moins aux quelques escarmouches avec les fascistes, qu'aux conditions extrêmement difficiles d'un quotidien où même les cigarettes viennent à manquer. En l'absence d'une artillerie décente, de mitrailleuses, de fusils convenables, de soldats bien formés, toute tentative de percer les lignes ennemis s'apparente à du suicide.

Le soldat Orwell est tout à la fois courageux et peu désireux de tuer son prochain. Il participe vaillamment à quelques tentatives d'avancée en territoire ennemi, essuie le feu adverse, riposte, lance quelques grenades improbables, et combat même au corps à corps. Avec une forme de candeur et de noblesse qui n'appartiennent qu'à lui, l'auteur avoue ne pas savoir s'il a tué ou non un fasciste lors de ces quelques moments de combats intenses qui viennent briser la monotonie de la vie dans les tranchées.

Après plusieurs mois éprouvants passés au front, Orwell peut enfin regagner Barcelone en mai 1937 où l'attend son épouse pour profiter d'un repos bien mérité. Las, c'est alors que se déclenche une « guerre » de barricades au coeur de la ville mettant au prise les anarchistes, le gouvernement, le POUM et les communistes qui tirent les ficelles depuis Moscou. Ce conflit fratricide tourne à l'épuration lorsque les membres du POUM sont accusés d'être à l'origine des troubles et de jouer le rôle de cinquième colonne trotskiste. Il s'agit, comme le montre très bien l'auteur, d'une basse manoeuvre de Moscou qui joue sa partition en éliminant un mouvement authentiquement révolutionnaire, qui dessert la realpolitik soviétique.

Orwell sera gravement blessé lors de son retour au front, soigné dans des conditions rocambolesques, démobilisé, et rentrera tant bien que mal en Angleterre, quittant une guerre étrange qui lui laissera un goût amer et lui ôtera ses dernières illusions relatives à la manipulation médiatique du conflit espagnol.

La sincérité du récit en forme de reportage qui constitue la trame narrative, les réflexions « à chaud » de l'auteur, autant d'incises qui préfigurent les liens hypertexte que l'on trouve sur la toile, ainsi que l'exposé plus approfondi proposé en annexe, font d'« Hommage à la Catalogne » un livre essentiel. Dans une langue ciselée et parfois poétique, l'ouvrage fournit tout à la fois une description d'une honnêteté stupéfiante de l'expérience de l'auteur sur le front, ainsi que des clés d'analyse indispensables pour saisir la complexité d'une guerre civile manipulée par des puissances étrangères.

Aussi paradoxal que celui puisse paraître de prime abord, le parti communiste soviétique a en réalité sciemment contribué à l'échec du mouvement révolutionnaire espagnol, et à la disparition du POUM, qui, avec les anarchistes était à la pointe du combat. Pour nous permettre de comprendre le rôle anti-révolutionnaire joué par les Russes, Orwell rappelle qu'en 1936, l'Union Soviétique était alliée à la France, « un pays capitaliste et impérialiste » qui voyait d'un mauvais oeil le succès éventuel de la révolution espagnole et l'instauration d'un régime authentiquement socialiste. Les communistes soviétiques ont ainsi joué un double jeu trouble, en livrant des armes au gouvernement anti-franquiste, tout en faisant disparaitre les franges les plus radicales tels que le POUM ou les anarchistes. La longue annexe consacrée au mouvement des barricades de mai 1937 à Barcelone explicite avec force détails, le rôle décisif joué par l'intelligentsia soviétique.

« Au cas où je ne vous l'aurais pas déjà dit précédemment au cours de ce livre, je vais vous dire à présent ceci : méfiez-vous de ma partialité, des erreurs sur les faits que j'ai pu commettre, et de la déformation qu'entraîne forcément le fait de n'avoir vu qu'un coin des évènements. Et méfiez-vous exactement des mêmes choses en lisant n'importe quel autre livre sur la guerre d'Espagne ».

Cette phrase rappelle à quel point Orwell était à la recherche de la Vérité, et se méfiait des potentielles erreurs d'appréciation de sa propre interprétation. L'auteur de 1984, le roman qui annonce la mort de la Vérité (le fameux « 2+2=5 »), était tout le contraire d'un subjectiviste. Sa participation à la guerre d'Espagne lui a ouvert les yeux sur les possibilités infinies de manipulations qu'offrait un conflit aussi complexe. « Hommage à la Catalogne » est sa manière aussi magistrale que touchante de rendre justice à ses valeureux compagnons d'armes en rétablissant enfin une Vérité trop souvent dévoyée par les médias inféodés de l'époque.
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S'il y a un livre à lire sur la guerre d'Espagne, c'est bien celui-là. Il a la force du témoignage et il emporte l'adhésion par l'intensité des convictions . Bien sûr; cette histoire est ancienne au regard des jeunes générations mais les idées , surtout les idées généreuses, perdurent et je ne saurais trop encourager les esprits curieux à se plonger dans cet "hommage" qui est toujours actuel .
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Un livre mythique d'un auteur mythique, offrant une plongée dans le mythe des brigades internationales… Ca fait beaucoup de mythes d'un coup tout ça. Plus prosaïquement, on découvre à quel point l'espoir faisait vivre les républicains espagnols… Et à quel point ils étaient divisés et mal commandés.

Épris d'idéalisme, ils venaient des quatre coins du monde combattre le fascisme, et faire triompher la liberté… Mais les combats qu'Orwell eut l'occasion de voire de plus près furent ceux qui opposèrent communistes et anarchistes à Barcelone, en mai 1937. Ils venaient venger les fusillés de Badajoz… Mais ce furent les balles des leurs qui tuèrent leurs deux grands leaders, Andreu Nin et Durruti. La France et l'Angleterre refusaient de vendre des armes… Mais c'étaient les communistes qui refusaient d'approvisionner en munitions les brigades anarchistes.

A la vérité, ce qu'on réalise en lisant les lignes d'Orwell, c'est que chacun poursuivait un but différent. Les uns étaient là pour faire triompher l'anarchie. D'autres le soviétisme. D'autres le trotskisme. D'autres encore le marxisme non partisan. Mais au fond, personne n'était là pour la deuxième république espagnol, un régime totalement à bout de souffle, trahi par ses alliés extérieurs, incapable de rétablir l'ordre sur un territoire sur lequel il n'avait en fait qu'un très vague contrôle, et totalement dépourvu d'autorité face aux milices politiques dont dépendait sa survie.

Si on y ajoute un manque total d'organisation et un commandement militaire visiblement à la ramasse et planifiant ses offensives à la Nivelle – vague après vague d'hommes faces aux mitrailleuses et aux barbelés – on a du mal à voir comment les républicains auraient pu gagner la guerre, même sans la Légion Condor et la supériorité d'équipement en face... Et plus grave encore, on réalise qu'une victoire républicaine n'aurait pas ramenée la paix, chaque faction républicaine jouant un jeu de dupe, et aucune n'ayant d'avantage net sur une autre.

Oeuvre cassant in fine plus de mythes qu'il n'en construit, ‘Hommage à la Catalogne' n'en reste pas moins un chant à la liberté, et à une cause qui fut trahie, dévoyée, corrompue, mais pour laquelle moururent des milliers d'hommes.
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Formidable témoignage historique de Georges Orwell pour celles et ceux qui cherchent à élargir leur connaissance de la guerre d'Espagne.
Georges Orwell arrive à Barcelone en 1936 afin de couvrir les évènements qui s'y déroulent. Imprégné de son idéal révolutionnaire, il intègre les forces du POUM (Parti Ouvrier d'Unification Marxiste) afin de combattre le fascisme qui gangrène l'Europe.
C'est dans un style particulièrement précis, minutieux, journalistique, qu'il va restituer les combats du front qui se situent principalement en Catalogne L'atmosphère y est très bien rendue : la camaraderie, les modes d'expression qui se modifient, le désir d'une société plus égalitaire, le sommeil, la faim. J'ai rit, par moment, lorsqu'il fait part, en citoyen anglais, de sa stupéfaction devant les attitudes typiquement latines de ses camarades.
Cette précision caractérisera son écriture lorsqu'il reviendra à Barcelone et qu'il participera aux évènements de mai 1937. Il décrira les combats de rue avec réalisme et un besoin impérieux d'authenticité : cela se ressent. le lecteur éprouvera cette tension, ce climat de méfiance et participera aux affrontements tant l'écriture se veut au plus près de la réalité.
Ce conflit, miné par les divisions politiques, sera pour Georges Orwell, l'heure de la confrontation de son idéal avec le réel et il pourra s'approprier la citation de Paolo Coelho « L'ennemi n'est pas celui qui te fait face, l'épée à la main. C'est celui qui est à côté de toi le poignard dans le dos ».
Fort heureusement, au début du livre figure la liste et la signification de tous les sigles des protagonistes. J'avoue m'y être souvent reportée. J'ai aussi visionné un documentaire d'Arte afin de ne pas m'égarer et de mieux cerner les enjeux de cette guerre.
Pour faire suite à mes échanges avec notre ami de Babelio « Sethbos », J'envisage, par la suite, de lire « La Guerre d'Espagne » d'Antony Beevor et malheureusement, j'ai voulu regardé « Land and Freedom » mais il n'y a pas de version française ni sous titrée en français. Sniff !!!!
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Le grand mérite de ce livre est, à mon sens, double.
En premier lieu, il offre un témoignage direct et frais (écrit moins d'un an après les faits qu'il rapporte et donc avant la fin de cette terrible guerre civile) d'un combattant, infiniment plus objectif et passionnant que ceux des observateurs dont on voit bien, dans la dernière partie du livre, qu'ils étaient grossièrement manipulés, certains de bonne foi d'autres de leur plein gré.
Sa description du front de l'Aragon devant la ville de Huesca, sur lequel il ne se passe pas grand-chose avant qu'il ne soit grièvement blessé, il le précise lui-même, vaut par la force de son vécu d'une guerre de tranchée (l'impréparation, la jeunesse des brigadistes et leurs illusions, le manque d'armes, de nourriture, de couvertures, le froid, la faim, les rats, les poux) mais ne doit pas laisser croire que cette guerre ne fut que de position. Quelques semaines après sa blessure, le front d'Aragon deviendra lui-aussi très meurtrier lors de l'attaque de Huesca. Il n'oublie pas de décrire l'effroyable misère des paysans aragonais ainsi que leurs outils antédiluviens car, s'il a pris les armes et accepté de mettre sa vie en danger, c'est d'abord en raison de sa conscience sociale. C'est un homme de gauche sincère et courageux qui est venu pour affronter le fascisme. Il ne sait pas encore que c'est le stalinisme qui, pour reprendre une expression qui fit florès dans les années trente, sera tout proche de lui planter un couteau dans le dos.
En second lieu, il démythifie la guerre d'Espagne, et cela dès 1937. Commençons par préciser, puisque c'est lui qui le dit, et contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, qu'Orwell ne s'est pas engagé dans les Brigades internationales mais dans celles du P.O.U.M. C'était un parti communiste antistalinien prônant une révolution prolétarienne mondiale de type anarcho-syndicaliste. le terme d'anarcho-syndicaliste, qui qualifie aussi le syndicat C.N.T, désigne des organisations dont le but était d'instaurer en Espagne un communisme libertaire, aux antipodes du centralisme (auquel il m'est impossible d'accoler l'adjectif démocratique dont la doctrine léniniste l'avait pourtant affublé) de l'URSS de 1936 qui, il faut l'avoir en mémoire comme l'indique Orwell, était la seule à fournir des armes à la République. Il n'était pas venu pour la République mais pour la Révolution.
Laissons le parler : « Ce qui avait eu lieu en Espagne, en réalité, ce n'était pas simplement une guerre civile, mais le commencement d'une révolution. C'est ce fait-là que la presse antifasciste à l'étranger avait pris tout spécialement à tâche de camoufler. Elle avait rétréci l'événement aux limites d'une lutte « fascisme contre démocratie » et en avait dissimulé, autant que possible, l'aspect révolutionnaire. En Angleterre, où la presse est plus centralisée et le public plus facilement abusé que partout ailleurs, deux versions seulement de la guerre d'Espagne avaient pu être publiées : la version de la droite selon laquelle il s'agissait de patriotes chrétiens luttant contre des bolcheviks dégoûtants de sang ; et la version de gauche selon laquelle il s'agissait de républicains bien élevés réprimant une rébellion militaire. La vérité a été soigneusement dissimulée ». Sa version de l'élimination sanglante par les communistes et leurs alliés soviétiques des milices et organisations anarchistes à Barcelone en mai 1937 a, depuis, été largement validée par les historiens. le rôle de la presse, docile diffuseuse de la propagande des staliniens, est bien mis en lumière, ce qui ne signifie pas en valeur. Si le Daily Worker (le journal du PC anglais) a droit à une page entière* sur sa collaboration aux mensonges répandus par les staliniens sur le compte du P.O.U.M (en substance, le parti était non seulement trotskyste mais surtout allié des fascistes italiens et allemands, donc de Franco), justifiant ainsi l'élimination physique de milliers de ses membres, la presse « mainstream » n'est pas plus épargnée.
« Certains des journaux étrangers antifascistes s'abaissèrent même jusqu'au mensonge pitoyable de prétendre qu'on n'attaquait les églises que lorsqu'elles servaient de forteresses aux fascistes. En réalité les églises furent saccagées partout, comme de juste, parce qu'on avait bien compris que l'Eglise espagnole était partie intégrante dans la combine capitaliste. En l'espace de six mois en Espagne, je n'ai vu que deux églises intactes, et jusqu'aux environs de juillet 1937 aucune église, à l'exception de deux ou trois temples protestants de Madrid, ne reçut l'autorisation de rouvrir et de célébrer les offices ».
On ne peut qu'apprécier la clairvoyance et l'honnêteté intellectuelle d'un homme libre et sincère qui va, à plusieurs reprises, jusqu'à écrire à ses lecteurs « méfiez-vous de ma partialité, des erreurs sur les faits que j'ai pu commettre, et de la déformation qu'entraîne forcément le fait de n'avoir vu qu'un coin des événements. Et méfiez-vous exactement des mêmes choses en lisant n'importe quel autre livre sur la guerre d'Espagne ».
J'ai la conviction que les événements de mai 1937 à Barcelone, relatés avec beaucoup d'émotion et d'amertume (il y a perdu des amis et a failli lui-aussi y laisser la vie, non pas à cause de l'ennemi ce qui faisait partie des risques de la guerre mais par ceux de son camp dont il pensait être le camarade à défaut d'être l'ami) ont fortement contribué à sa vision développée dans 1984. Quand certains intellectuels, comme Czeslaw Milosz, ayant eu à pâtir du régime stalinien saluèrent «l'étonnante intuition orwellienne des mécanismes politiques et psychologiques du totalitarisme quand bien même Orwell ne l'a pas connu », ils oubliaient qu'il les avait fréquentés d'un peu trop près à Barcelone.
* p 274 dans la version 10/18, les noms des rédacteurs sont cités et les extraits les plus incisifs de leurs articles également. Je plains sincèrement leurs actuels descendants s'ils le laissent aller à lire ces très vilaines pages ou si on vient à les leur rappeler.
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La Catalogne libre
Témoignage de son engagement aux côtés des Républicains espagnols,Orwell nous livre ici un récit édifiant sur les oppositions qui les déchirent. Trahisons,désillusions, plongée dans le totalitarisme stalinien.Si tout le XXe siècle est dans la Guerre d'Espagne, toute celle-ci est dans ce superbe Hommage à la Catalogne.

04/05/2014
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Grand espoir de barrer la route au fascisme, la guerre d'Espagne a suscité bien des passions, mobilisé bien des hommes et des femmes. Dont Orwell, combattant sur le front aragonais (où il fut blessé.) Il a également assisté au changement d'atmosphère à Barcelone. Alors que les classes sociales semblaient avoir disparues, ainsi que la dichotomie riches/pauvres, son retour du front lui fit cruellement sentir que ce n'était que temporaire...
Il fut finalement obligé de fuir avec sa femme pour éviter la prison après la mise dans l'illégalité du POUM, parti dont il était un des membres.
C'est presque un journal que nous avons entre les mains (mais sous la forme d'un texte continu.) Ce sont ses pensées, ses ressentis. Et cela est prosaïque, honnête, comme pris sur le vif. Pas d'actions éclatantes, mais de l'attente, des poux, le manque de presque tout. Pas de politique sur le front, mais il en va autrement à Barcelone, notamment lors des journées de combats de rue en mai 1937. Les 2 appendices développent et expliquent assez clairement l'embrouillamini politique que fut cette guerre, les partis en présence, les tactiques, les ordres... Ce morcellement, l'ingérence d'autres pays (notamment l'URSS) expliquent probablement en partie la victoire finale de Franco et du fascisme.
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Ce témoignage, tel un carnet de guerre amène le lecteur à une réflexion sur l'engagement des intellectuels, journalistes, artistes, l'auteur montrant que seule la présence sur le terrain du conflit et de l'action a le droit de citer. Ce réquisitoire contre les célébrités de salon restant dans leur zone de confort est vraiment jouissif, de nos jours, les plateaux télé en sont remplis.
Paradoxalement, Orwell relativise, la portée positive de l'engagement, quand celui défend non une mauvaise cause, mais une cause perdue. Pourquoi ce défaitisme ? Simplement parce qu'il a vécu la guerre civile espagnole dans sa chair et de ses yeux. Moments terribles, où l'enthousiasme des premiers jours, laisse vite place au désespoir, quand il s'aperçoit des divisions du camp républicain. Lui qui a choisi les couleurs rouges du POUM, parti d'extrême gauche proche des anarchistes, ne comprend pas l'ostracisme des communistes et socialistes envers eux. Mais les masques vont vite tomber, laissant à Orwell un goût amer vis à vis des acteurs en présence, le confortant dans son rejet des communistes staliniens, pourtant camarades de combat du début. Cette expérience ancrera à jamais sa croyance dans l'humanisme du socialisme démocratique, et dans sa lutte contre tous les totalitarismes de gauche ou de droite.
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A la différence de ses ouvrages les plus connus (1984 et La ferme aux animaux), Orwell raconte une histoire vécue, la sienne, son expérience dans les rangs des milices du POUM en 1936 peu de temps après le début de la guerre civile espagnole.
Pas d'abstraction mais une volonté de nous transmettre les évènements dans le moindre détail, avec une précision rigoureuse, le plus d'honnêteté possible. (L'ouvrage sera publié 2 ans plus tard alors que la guerre d'Espagne ne prendra fin qu'en 1939)
Un tableau sans concession de celui qui dès le début du conflit s'engagea aux côtés des milices et qui combattit sur le front de Huesca. Il analyse les comportements des factions politiques dans la complexité de la situation et dépeint les communistes comme une organisation réactionnaire au service du stalinisme avec un gouvernement officiel de gauche prêt à toutes les compromissions afin de ménager les russes principaux pourvoyeurs d'armes de la cause républicaine. Pour cela ils n'hésitent pas à sacrifier une grande partie de leurs soutiens chez les anarchistes et l'extrême gauche au profit des communistes orthodoxes.
Orwell met en garde le lecteur contre toute vision partielle sur une situation et précise à plusieurs reprises que même son point de vue ne peut être généralisé à l'ensemble du conflit dans l'ensemble du territoire espagnol. Il reste néanmoins un témoin clé de ce qui s'est passé durant cette période en Catalogne et son texte a le mérite de s'appuyer sur des articles de journaux en Espagne et ailleurs à l'étranger, de façon à contrecarrer la vision qui préexiste encore aujourd'hui et manigancée par les adeptes des procès de Moscou.
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Tout le monde connaît Orwell, auteur de monuments littéraires tels que 1984 ou La ferme des animaux. Mais l'on connaît moins cet Hommage à la Catalogne.
Ce livre est une plongée dans la guerre civile espagnole, tantôt absurde, tantôt héroïque. Un moment charnière de l'histoire ibérique où viennent s'entre-choquer haines et passions idéologiques, et où les appels à la liberté finissent par s'évanouir derrière l'irrésistible tentation totalitariste. Ainsi, ce texte parfois naïf et enflammé, débouche sur une note profondément sombre, et qui inspirera tout le reste de l'oeuvre d'Orwell : derrière la façade séduisante d'un projet utopique, se cache trop souvent une réalité contre-utopique prête à engloutir ce qu'il reste d'humanité.
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