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Encore un manga qui a tout pour plaire...aux grands amateurs du genre. Et comme je ne suis qu'un explorateur très occasionnel en la matière, je suis quelque peu dubitatif.
Certes, le trait est précis, le graphisme est assez remarquable. Mais le défilé de pages entières avec pour seul texte des onomatopées, des bam des pfizz et des arghh..., non, vraiment, j'ai du mal à m'y faire. On me rétorquera qu'on n'est pas là pour lire du Proust, ou, pour rester dans le japonais, du Kawabata. Bien sûr. Mais j'ai au moins appris de mes quelques lectures, et de la culture nippone, que le manga aborde tous les sujets, et qu'il peut aussi véhiculer des émotions plus douces ou intellectuellement enrichissantes. Ce n'est pas le cas ici, dans cette histoire à tonalité fantastico-policière, sur fond assez violent.
Je ne suis pas sûr d'avoir vraiment pigé le scénario, mais disons qu'une équipe de policiers est confrontée à une série de suicides inexpliqués dans un périmètre resserré à un quartier d'immeubles collectifs. En bas, sur un banc de la dalle stationne un petit vieux aux airs de bonze, tout courbé, qui a l'air malin et pourrait bien être pour quelque chose dans ces drames, surtout lorsqu'il se coiffe d'une casquette ailée qui lui tient particulièrement à coeur…Mais une petite fille qui vient souvent, curieusement, le terrorise à chaque fois. Les flics sont témoins directs de phénomènes étranges, notamment des portes qui s'ouvrent dans le vide, les vitres des immeubles qui éclatent les unes derrière les autres, le gaz qui s'ouvre tout seul dans un logement pour provoquer une explosion…

Une enquête conduite dans une belle pagaille, un scénario à la fois imaginatif où le paranormal se déchaîne dans la confusion...ce qui ne m'a pas permis d'adhérer vraiment. A noter la fin semi-ouverte, même s'il s'agit d'un one shot.
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Suicides' accidents, morts suspectes... Depuis trois ans, les cadavres s'accumulent dans cette cité HLM et la police n'a absolument aucune piste... Dômu, rêves d'enfants débute comme une enquête policière mais le coupable est révélé au lecteur très rapidement. La partie va se jouer à un autre niveau, inaccessible au commun des mortels, celui des pouvoirs paranormaux.

Cela va m'être difficile de parler de cette bande-dessinée sans tomber dans les superlatifs. Dômu et Akira, du même auteur, sont pour moi les deux mangas les plus efficaces visuellement jamais dessinés. J'admire le sens du cadrage et le découpage d'Otomo, que ce soit dans les scènes d'action ou celles d'exposition, plus banales.

Katsuhiro Otomo fait également preuve d'un grand sens du timing dans l'écriture du scénario. Il installe méthodiquement ses personnages, met en scène des situations du quotidien et introduit le surnaturel par petites touches successives. L'intrigue monte progressivement en intensité jusqu'à de superbes scènes d'actions qui nous en mettent plein la vue. On ressent vraiment la puissance des forces en présence.
Malgré cette débauche pyrotechnique, les personnages restent humains et agissent de manière crédible jusqu'au bout.

Bref, j'avais prévenu que je serais dithyrambique et cela n'a pas loupé. Si vous recherchez une bonne bd fantastique, foncez. C'est un must have.
Lien : http://lenainloki2.canalblog..
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Même en étant habituée au savoir faire et à la poésie des mangakas, là, je reste époustouflée. Superbes contre-plongées, maestria de la mise en page, et un scénario qui donne, délicieusement, le frisson, qu'ajouter de plus ?
Katsuhiro Otomo, un très grand artiste.
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L'intrigue promettait le meilleur. Crimes, paranormal, frayeur et sociopathologie constituent le terreau fertile de ce Dômu, souvent considéré comme une étape nécessaire de la réalisation d'Akira, le chef d'oeuvre de Katsuhiro Otomo. le vieillard psychokinésique Cho San va-t-il réussir à désarçonner totalement la brigade qui enquête sur la série de meurtres paranormaux commis dans sa cité japonaise ?


Bien que certaines images soient puissantes et que le mystère suinte puissamment par endroits, je n'ai pas réussi à me passionner pour cette enquête en deux temps -d'abord complexe et embrouillée, se perdant dans des conversations et des fausses pistes stériles, ensuite purement dynamique et muette, ce qui aurait peut-être mieux convenu à une séquence d'action cinématographique qu'à un manga papier.


L'exploitation mystérieuse de l'idée s'efface derrière les exigences apparemment plus séductrices de l'action. Dômu ne se distingue alors plus vraiment de la majorité des autres mangas.
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Une cité d'apparence normale et pourtant : une vague de meurtres et suicides endeuille ces immeubles. Les agents policiers qui enquetent se trouvent eux aussi victimes. Un nouveau comminsaire et le jeune inspecteur Takamaya vont prendre la relève.
Je me rappelle vaguement avoir feuilleté les tomes d'Akira, beaucoup plus jeune, mais il me reste rien sinon de vagues souvenirs de planches. C'était comme si je découvre Otomo donc. J'étais un peu expectative, ayant du mal à comprendre au début, les personnages se mélangeant. Mais bientôt, Otomo met discrètement en avant un petit vieux puis une petite fille. Et on avance lentement vers une opposition des forces du bien et du mal.
Rêves d'enfants parce que même un vieillard peut avoir une esprit et des caprices d'enfant. L'opposition de ce vieil homme avec cette petite fille pleine de maturité et pourtant qui retrouve son âme d'enfant en présence de sa mère est remarquablement bien fait. le grand duel entre eux est bien mené même s'il dureplus qu'il ne faudrait.
Un manga qui mêle polar et fantastique qui m'a beaucoup plu. J'attends beaucoup d'Akira, s'il est meilleur que Domu, rêves d'enfants.
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Sur le plan de la technique, il n'y a rien à dire que d'applaudir des deux mains sur la virtuosité de l'auteur qui maîtrise totalement l'espace et réussit à insuffler une certaine atmosphère à son récit. C'est véritablement beau et cela donne de l'effet à la lecture.

Il a certainement innové à une époque où tout cela n'existait pas c'est-à-dire à l'aube des années 80. Il y a quelque chose de véritablement dynamique qui me plaît bien dans son dessin.

Au niveau de l'histoire, je serai plus mesuré voire timoré. En effet, je n'ai pas très bien compris pourquoi il y avait ce combat entre ces deux personnages mystérieux que tout semble opposer et lequel des deux était le bon ou le méchant. C'est quand même grave d'avoir une telle incompréhension de l'histoire.

Après, on peut toujours faire semblant pour établir l'image de celui qui a bien compris et qui est intelligent. Cela ne sera pas mon cas en raison de la sincérité de mes sentiments face à l'abstraction pure. Je suis véritablement resté sur cette lecture où je n'ai pas trouvé de réponses à toutes mes questions légitimes.

En ce qui me concerne, un maître du scénario doit fournir tous les éléments à ses lecteurs. Lorsqu'il y a incompréhension, c'est soit fait exprès pour souligner le flou ou l'imagination laissée à notre portée ce que je déplore, soit il y a un problème quelque part dans la construction même d'un scénario …

Maintenant, on ne peut donner moins de 3 étoiles objectivement à cette oeuvre qui aurait marqué toute une génération de lecteurs. C'est ce que je fais quelques fois sur certaines lectures qui ne m'ont pas franchement emballé mais dont on ne peut que reconnaître les qualités intrinsèques. le coeur n'y est pas mais la raison oui.
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Peu avant Akira, Katsuhiro Otomo avait déjà livré une oeuvre à la fois tremplin d'entraînement, brouillon à son grand oeuvre et travail complet déjà pleinement riche de son style graphique et de ses thèmes (dont la destruction des structures familiales et sociales comme les bâtiments en eux-même).

Le cadrage est alerte, la violence et la stupéfaction vont crescendo dans des scènes toujours plus choc jusqu'à un final anthologique où l'auteur joue sur le contrepoint de tout ce qui a pu précéder en choisissant un cadre intimiste. Une poignée de personnage dont 3 principaux mais placés sur un échiquier (les dalles bétonnées du sol y renvoient constamment, dalles qu'Otomo envoie évidemment valser joyeusement) dans un jeu de massacre qui met le lecteur échec et mat où le mangaka se permet au passage une petite critique (la vieillesse, les HLM et la banlieue) à travers une enquête socio-policière où chacun des personnages dispose de traits psychologiques assez soignés. A le relire comme ça, cette intégrale des "rêves d'enfants" (le titre est tout à fait exact) n'a pas pris une ride et annonce l'oeuvre-monstre qu'est Akira tout en s'en distinguant avec une certaine élégance.
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C'est un manga en noir et blanc à ligne claire qui retrace des évènements survenus dans d'immenses barres d'immeubles. Une vague de suicide sans précédent submerge ces habitations de masse, sans que l'on comprenne pourquoi. La police enquête et pense à plusieurs hypothèses, même surnaturelles. le sujet de l'autolyse a beaucoup d'importance au Japon, mais dans ce cas il est provoqué. Nous assistons à une opposition enfants/vieillard, qui illustre l'avènement d'une nouvelle génération qui s'oppose à la tradition. Les super-pouvoirs s'invitent dans le style unique de Katsuhiro OTOMO.
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Parfois dans les rayons de ma médiathèque, je trouve des OVNIS comme les trois volumes de Dômu — Rêves d'enfants écrits et dessinés par Katsuhiro Ôtomo. Créé avant son oeuvre plus célèbre, Akira, ce manga commence comme une enquête policière avant de basculer dans le fantastique, avec quelques cases qui tiennent plus de l'horreur. le tout dans un Japon loin des clichés traditionnels de l'archipel. L'action se passe entièrement dans un ensemble de barres d'immeuble HLM déshumanisantes au possible comme on en trouve partout dans le monde depuis la fin des années 60.
Dans cet ensemble impersonnel, et, disons-le franchement propice à la déprime, depuis quelque temps les morts mystérieuses se succèdent : suicides, accidents… La police enquête, mais ne comprend pas les causes de ces morts. D'autant que certaines, comme le premier suicide montré, semblent tout bonnement impossibles. En réalité, elles sont toutes dues à un vieil homme solitaire et sénile qui utilise ses dons psychiques pour éliminer les voisins qui l'importunent ou dont il convoite les biens. Il faudra l'arrivée d'une petite fille aux pouvoirs similaires pour arrêter définitivement le massacre.
Ne cherchez pas dans Dômu — Rêves d'enfants d'explications sur l'origine de ces pouvoirs ni sur les raisons profondes poussant le vieil homme et l'enfant à agir. Ce qui intéresse plus Katsuhiro Ôtomo dans les 240 pages de ce manga, c'est de mettre en scène une série de personnages très ordinaires aux prises avec des événements dépassant leurs compréhensions. Comment leurs failles et leurs secrets vont les mener à leur perte ou leur salut.


Graphiquement, le style du dessin est incroyable par sa richesse et par son réalisme. Certaines planches se laissent admirer durant de longues minutes à la recherche du moindre détail, même si elles ne montrent rien de plus impressionnant qu'un immeuble en contre-plongée. L'utilisation du contrejour renforce également l'impression de vide et de froideur propre à cette cité. Si Dômu – Rêves d'enfants a des thématiques communes avec Akira, et notamment les pouvoirs psychiques, il en est aussi très différent avec sa façon d'être profondément ancré dans le quotidien. Créé entre 1980 et 1981, Dômu — rêves d'enfant n'a pas pris une ride et se lit toujours avec avidité.
Lien : https://www.outrelivres.fr/d..
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Akira, la BD et le film, a acquis et conservé une telle aura qu'il est parfois difficile de concevoir que son génial auteur, Ôtomo Katsuhiro, a pu faire d'autres choses très intéressantes avant comme après. En l'espèce, c'est l'avant qui va nous intéresser aujourd'hui – et même l'immédiatement avant, puisque, dans la bibliographie de l'auteur, Dômu précède de très peu Akira… et en contient déjà un certain nombre d'éléments : gamins bizarres aux pouvoirs psychiques et notamment télékinésiques incontrôlables, goût prononcé pour la destruction urbaine, subits et douloureux éclats de gore…



Cependant, Dômu demeure une oeuvre à part entière, ce n'est certainement pas un vulgaire « brouillon » ; et c'est une BD qui, en son temps, a fait beaucoup parler d'elle et a remporté un très légitime succès aussi bien critique (avec une rare récompense pour la meilleure BD de science-fiction) que commercial – au Japon, mais aussi à l'étranger (en version anglaise, ce fut une des meilleures ventes de Dark Horse). de fait, ce manga n'annonce pas une « révolution Akira », mais constitue en fait une révolution en lui-même – qu'Akira prolongera avec une démesure qui lui sera propre, mais, déjà, avant cela, on perçoit bien, au Japon d'abord puis ailleurs également, que Dômu est une oeuvre exceptionnelle et d'une originalité marquée, qui ne ressemble alors à aucune autre.



Il y a par ailleurs une différence de ton entre les deux BD, si elles sont toutes deux de science-fiction, et, si Akira mettra l'accent sur la science-fiction et le contexte apocalyptique ou post-apocalyptique, Dômu s'en tient à un cadre bien plus réduit, et ses codes sont plutôt ceux du policier, du thriller et de l'horreur – à vrai dire, au cours de cette relecture, c'est plus particulièrement ce dernier aspect qui m'a frappé, car l'ambiance de Dômu me semble annoncer, pour le coup, quelques traits classiques de la J-Horror qui commençait alors tout juste à se développer et connaîtrait son apogée une petite vingtaine d'années plus tard (ce cadre urbain, notamment, m'a rappelé l'excellent Dark Water de Nakata Hideo, et peut-être aussi le Kairo de Kurosawa Kiyoshi, entres autres j'imagine).



L'histoire est assez minimaliste – clairement, ce n'est pas l'atout majeur de cette BD, même si elle ne manque pas non plus d'intérêt en tant que telle. le cadre de l'action est peu ou prou unique – un quartier résidentiel très récent, avec des barres d'immeubles démesurées ; pas forcément des HLM pour autant, la population est relativement diversifiée, mais ce cadre urbain inexorable marque de son empreinte le quotidien de ses habitants, qui, au fond, n'ont guère l'occasion ou le besoin d'en sortir ; prétexte idéal pour une certaine critique sociale, on s'en doute, d'autant que c'est bien dans la manière de l'auteur.



Seulement voilà : cet îlot de béton est affecté par une série de morts suspectes – des suicides, en apparence, mais que l'on ne s'explique pas bien, et on s'explique encore moins leur nombre, qui dépasse largement le stade de « l'anomalie statistique ». Suffisamment pour que la police enquête… mais elle ne sait guère où chercher, et fait chou blanc. Un enquêteur comprend pourtant une chose essentielle – qui vient contredire la thèse des suicides : dans chaque cas, un objet très personnel a disparu…



Le lecteur ne patine pas autant que la police (pas vraiment de spoiler, donc…). En accompagnant les inspecteurs, il découvre la faune bigarrée du quartier, avec ses personnages gentiment ou moins gentiment excentriques – la mère traumatisée par la mort de son bébé, Yo-chan le colosse simplet qui colle un peu trop aux enfants, un spécimen d'alcoolique violent parmi tant d'autres… et Chô-san, un petit vieux qui vit tout seul (et c'est un nouveau point de critique sociale), sénile à l'évidence, le sourire aux lèvres en permanence. Or l'innocent vieillard a des pouvoirs psychiques – nous ne saurons pas d'où ils viennent, la BD ne s'embarrasse pas de ce genre d'explications. Ce qui importe, c'est qu'il use de ces pouvoirs pour manoeuvrer ses voisins et les pousser à la mort, puis leur voler un objet anodin mais qui enrichit sa collection de babioles – sans doute ne se rend-il pas bien compte de ce que ses méfaits impliquent, pour lui ce ne sont probablement que des blagues agréablement puériles… Car Chô-san est bien retombé en enfance, littéralement ; mais il est un enfant puissant, et donc dangereux – extrêmement dangereux…



La police ne peut rien faire contre pareil phénomène, elle est totalement désarmée ; elle ne peut même pas le concevoir ! Pour arrêter le malicieux Chô-san, il faudra un autre enfant – un « véritable » enfant cette fois : la petite E-chan, qui vient tout juste d'emménager dans le quartier avec sa mère. E-chan aussi a des pouvoirs singuliers – et nous ne saurons pas davantage d'où ils viennent. Mais la petite fille a bien plus de sens moral que Chô-san – et à vrai dire un oeil assez sévère, quand elle ne joue pas gentiment avec ses copains (dont Yo-chan, finalement inoffensif), comme la petite fille qu'elle est malgré tout. Elle entreprend donc de lutter contre le vieillard retombé en enfance – de l'empêcher de faire davantage de mal. Mais le déchaînement de leurs pouvoirs réciproques entraînera une frénésie de destruction urbaine totalement incontrôlable… le combat des dieux multiplie les victimes chez les humains – d'autant que ces dieux sont des enfants qui ne pèsent pas toujours très bien les conséquences de leurs actes, et, parfois, les mieux intentionnés peuvent s'avérer aussi redoutables que ceux, égoïstes, qu'ils visent à empêcher...



J'ai lu à plusieurs reprises – notamment dans le Chrysanthème et le sabre, de Ruth Benedict, ouvrage à manipuler avec beaucoup de précautions, même s'il me semble que j'ai retrouvé ce genre de développements ailleurs (méfiance quand même, je vais peut-être rapporter des bêtises…) – que, dans la société japonaise traditionnelle, mais cela aurait laissé encore des traces aujourd'hui, on passe beaucoup de choses aux enfants, et notamment aux petits garçons, parce que l'on voit dans leur « innocence » quelque chose qui relève de la divinité, de la propre nature des kami ; l'école primaire commence à passer gentiment la bride, mais, avant le collège et surtout la frénésie aliénante des concours d'entrée dans les lycées puis les universités, l'enfant japonais bénéficierait ainsi d'une très grande liberté, qui aurait pour partie son explication dans ce ressenti spirituel, pour ne pas dire religieux. Mais ceci serait également vrai, à l'autre bout de la vie, après l'oppression de la vie active, pour les personnes âgées (traditionnellement, hein – là pour le coup c'est très probablement beaucoup moins vrai aujourd'hui, dans ce Japon vieillissant où le sort du troisième âge est tout sauf enviable, et est même parfois carrément tragique…) : l'idée de « retomber en enfance » serait prise au pied de la lettre, et la sénilité justifierait en définitive une nouvelle et ultime phase de liberté, et de bienveillance de la part des proches, le vieillard ayant en définitive retrouvé, même dans la folie, la nature des kami, celle qui était la sienne du temps des culottes courtes. Je ne sais pas le crédit qu'il faut accorder à ces développements, mais, en tout cas, ils me paraissent très éclairants au regard de ce qui se produit dans Dômu, et peut-être y a-t-il bien ici une clef d'interprétation ?



Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à ce niveau que brille véritablement Dômu. le vrai point fort de la BD se situe dans son caractère cinématographique, qui se perçoit à deux niveaux : la narration et le dessin.



La narration est bien plus complexe – mais à bon droit – que ce que l'histoire laisserait supposer de prime abord. C'est comme si Ôtomo se promenait dans le quartier avec une caméra et un micro, captant çà et là des bribes de conversation, sans suivi, ou des images saisissantes, même si ancrées dans le quotidien d'un complexe résidentiel qui se voudrait au fond très banal. Pourtant, y bruissent les rumeurs – et les commérages. le rapport entretenu par l'auteur avec son environnement produit un effet remarquable, notamment dans la première partie de la BD, comme une visite guidée et en même temps aléatoire du quartier, où l'on attrape au vol, et sans toujours bien s'en rendre compte, les éléments clefs de l'histoire. Les scènes impliquant directement la police – conférences de presse, réunions stratégiques, échanges privés – n'en produisent que davantage un fort contraste, qui, d'une certaine manière, appuie encore plus sur l'impuissance des représentants de la loi dans cette affaire qui les dépasse de la première à la dernière page. C'est très malin, très bien fait, et sans doute était-ce alors passablement original, si, depuis, on a pu connaître d'autres oeuvres procédant de la sorte, éventuellement avec un égal brio.



Mais le point fort, celui qui saute à la gueule, c'est le dessin – qui est absolument parfait. le style d'Ôtomo est reconnaissable entre mille, et qui a lu Akira ne sera pas le moins du monde dépaysé dans Dômu. Mais, à vrai dire, j'ai l'impression que cette BD incomparablement plus courte fait preuve d'une bien plus grande application, tout du long, avec une égale attention pour chaque séquence. Les personnages sont très bien caractérisés, tous aisément identifiables, et leurs émotions sont merveilleusement rendues – avec une mention spéciale pour E-chan, dont la colère comme les pleurs sont incroyablement authentiques ; mais, à vrai dire, le désespoir ultime du pathétique Chô-san n'en est pas moins poignant.



Et le décor, c'est encore autre chose – et de quoi se prendre de sacrées baffes. Ôtomo aime à mettre en scène des cadres urbains qu'il rend avec un souci du détail proprement maniaque. Dômu abonde en planches splendides qui en font l'éclatante démonstration, et nombre d'entre elles mériteraient qu'on s'y attarde pendant des heures. Mais Ôtomo, c'est notoire, aime aussi casser ses jouets : comme Akira bientôt, Steamboy plus tard, et peut-être d'autres oeuvres encore, Dômu accorde une place conséquente à des fantasmes de destruction urbaine qui sont proprement bluffants.



Le résultat est de toute beauté – jusque dans l'horreur, parce que cela fournit alors un cadre de choix pour quelques éclats de gore bien sentis, pas le moins du monde du gore rigolard, mais du gore qui fait vraiment mal (avec notamment un des plus beaux écrasements de tête de toute l'histoire du gore).



Mais il faut ajouter à tout cela un sens du cadrage proprement cinématographique, et qui était sans doute alors d'une audace folle, même si c'est devenu plus commun aujourd'hui. Ôtomo aime les angles de vue incongrus mais jamais gratuits, et sa BD a quelque chose de la transposition sur papier de quelque film à l'esthétique très léchée, sans doute conçu par un réalisateur tout dédié à la composition des images, avec un goût prononcé pour la perspective et les figures géométriques – en Occident, mettons un Kubrick, au Japon peut-être un Kobayashi ou un Oshima ? Mais je dois dire que, là encore, Dômu m'a paru anticiper sur un certain nombre de films de J-Horror – et je cite à nouveau Dark Water et probablement Kairo.


Quoi qu'il en soit, les mots me manquent pour exprimer la force de la composition des planches, et l'incroyable souci du détail dont elles font toujours preuve. Un exemple valant sans doute mieux qu'un long discours, voyez par exemple cette page, vers la fin de la BD (mais elle ne spoile rien), qui m'avait sidéré à ma première lecture il y a une quinzaine d'années de cela, et continue de le faire aujourd'hui avec toujours autant de force… Oui, une de ces planches que je peux fixer pendant des plombes.

Dômu, non, n'est certainement pas un « brouillon » d'Akira – même si les liens entre les deux BD ne manquent pas. Non, c'est une oeuvre à part entière – et même, disons-le, un chef-d'oeuvre à part entière.



Magnifique relecture d'une BD parfaitement splendide.
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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