L'auteure met en lumière une page sombre de l'histoire américaine et peu connue, qui couvre le début du XXème siècle, avant la deuxième guerre mondiale. Des mariages arrangées étaient organisées entre des japonaises et des américains, ces derniers se faisant passés pour de riches hommes, bien installés, envoyant des portraits les mettant en valeur et suscitant beaucoup d'espoir auprès des Japonaises.
Un piège bien "puant", elles s'en rendront vite compte.
Elles deviendront femmes des champs, femmes de ménages et plus si affinités, femmes d'autres hommes et nourriront chacune le rêve de quitter ce pays pour un autre ou rentrer chez elle.
Parce-que, comme l'évoque très bien l'auteure, quitter son pays natal, est toujours une déchirure, une souffrance, et parfois, comme ce fût le cas pour ces Japonaises, dramatique. Elles sont devenues des esclaves : Ils importent ces filles du Japon pour avoir la main-d'oeuvre gratuite.
Les Japonais cohabitent difficilement avec les Américains, qui (certains) font preuve de racisme à leur égard.
"Nous nous faisions tout petit - Si tu restes à ta place ils te laisseront tranquille - et faisions de notre mieux pour ne pas les offenser. Pourtant, ils nous donnaient du fil à retordre. [...] Leurs enfants nous jetaient des pierres. Leurs serveurs s'occupaient toujours de nous en dernier. Les ouvreuses nous faisaient monter en haut, au deuxième balcon, où elles nous donnaient les plus mauvaises places de la salle. "Le paradis des nègres", comme elles appelaient cela. Leurs coiffeurs refusaient de nous couper les cheveux. "Trop durs pour nos ciseaux". Leurs femmes nous demandaient de nous éloigner d'elles dans l'omnibus lorsque nous étions trop près."
L'apprentissage de la langue est compliquée pour elle étant donné leurs conditions de vie.
Le choix narratif est troublant, l'auteure rassemble dans un "nous" toutes les voix de ces japonaises exilées, (y compris la sienne, ou celle d'une femme de sa famille) et raconte d'une seule voix, sans effets de langage leurs destins, leurs multiples grossesses, la mortalité infantile élevée, les abus sexuels, le désespoir de certaines...Certains destins furent plus enviables que d'autres, si peu.
Le procédé est intéressant mais il est devenu pour moi, au fil de ma lecture, lassant; à chaque chapitre, les destins de chacun (femmes, maris, enfants) sont listés, celà manque de surprise, et ne m'a pas permis d'accrocher autant à la lecture que je l'aurais souhaité.
Elle emploie le "nous" des Japonaises, mais pas seulement, dans le dernier chapitre, le "nous" est réservé aux Américains, qui se pose la cruelle question : Où sont passés les Japonais ? Que leur est-il arrivé ? Sont-il partis de leur plein gré ?
Parce qu'il est aussi question dans ce roman, des camps d'internement des Japonais, alors que le Japon entre en guerre en 1941. S'installent alors suspicions, délations, couvre-feux dans les quartiers japonais. L'atmosphère est pesante et brillamment rendue par l'auteure.
In fine, un roman dense, sobre, tragique qui traite d'un sombre pan de l'histoire américaine.
Poignant, mais pas assez accrocheur, à mon goût, j'ai peut-être manqué de concentration, déstabilisée par l'effet de répétition peut-être.
Mais lisez-le, si ce n'est pas déjà fait, pour vous faire votre propre idée, et parce que le sujet mérite que ce livre soit lu de nous tous !
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