Incapable de lire le latin oublié depuis longtemps, c'est dans la traduction en prose de George Lafaye que je découvre l'ouvrage, dont il est dit qu'elle suit très fidèlement l'original en vers. de fait, d'un point de vue strictement formel, je trouve le texte très beau, la lecture fluide et acoustiquement très agréable; certains passages sont de petits bijoux, gracieux et émouvants comme par exemple l'histoire de Narcisse et Echo dont je gage que la traduction restitue une bonne part de la poésie d'origine. Et je pourrais en citer bien d'autres. Bien sûr- ça paraîtra un truisme aux coeurs littéraires- il est naïf et in fine artificiel de tenter de séparer la lettre et le contenu, le corps et l'esprit.
Pourtant, c'est bien à propos du fond que mon jugement vient gâter ce que la forme m'inspire.
Ces histoires mythologiques, dont il ne me viendrait pas à l'esprit de nier ou même balancer l'influence qu'elles ont eue sur la conscience et la littérature occidentales, jusqu'à aujourd'hui -cf les super-héros de l'actuelle sous-culture cinématographique américaine- n'ont principalement qu'un soubassement thématique, le sexe, sous toutes ses formes. Même les manifestations de violence sont liées à des comportements sexuels, qu'ils s'y apparentent comme substituts ou qu'ils en soient les instruments de réalisation. Ce constat ne vise pas négativement le projet de variations poétiques sur le sexe mais la relative pauvreté des variations in fine, le schéma étant presque toujours le même: a est sexuellement attiré(e) par b et utilise un artifice pour niquer b, nique quasi-systématiquement à 10 puissance -6 près; puis a ou b est puni(e) et métamorphosé(e), métamorphose prétexte à une explication poétique et foireuse de l'origine de tel objet, lieu, être....Paramètres: a, b, la métamorphose. Les variations sur a et b permettent de décliner quelques déviations sexuelles de l'époque sur le thème "scandal in the family" mais, vu de notre époque, tout cela reste relativement anodin. Si encore une fois j'en ai apprécié l'évocation textuelle, mon intérêt s'est rapidement tassé au fil des livres. A partir du VIII ème pourtant, un regain s'est manifesté, du fait peut-être de quelques nouveautés sémantiques ou bien parce que, l'habitude aidant, la réelle lassitude provoquée par la jonglerie avec les noms propres et les liens généalogiques, s'était estompée. Là, j'ai aimé le bel exercice rhétorique du jugement des armes entre Ajax et Ulysse (LXIII) puis trouvé très indigestes le délire verbeux de Pythagore et la légitimation courtisane des origines divines
De César et Octave. Je comprends toutefois qu'en de certaines circonstances il faille faire ce qu'il faut pour survivre.
Oeuvre poétique donc; habile pompe d'
Homère,
Virgile et d'autres; cela en valait-il la peine?
Pour les premiers de la classe ou ceux qui rêvent de l'être y compris matheux, pour ceux qui fréquentent les salons et aimeraient y briller, moyennant une très bonne mémoire ou d'exceller aux anti-sèche, pour les spécialistes de littérature qui trouveront matière à exégèse et études, c'est une mine d'or.
Pour les autres (auxquels j'appartiens depuis que j'ai quitté l'école) il est, de mon point de vue, largement suffisant de se limiter à une édition abrégée qui proscrive le Livre XV; mais alors que je recommande instamment au titre de la première partie de ma critique. Dans cette optique, voir si l'ouvrage ne s'achèterait pas par petits morceaux sur un site de vente en ligne, à 0,49€ le Livre.
Non, j'rigole....