Appréciant les ambiances inquiétantes et sombres à l'aura gothique, la couverture et le résumé ont tout de suite titillé ma curiosité. Côté gothique, je dois dire que j'ai été servie que ce soit avec le cadre, un manoir isolé dans les Carpates, l'ambiance ou les événements. D'ailleurs, autant vous prévenir tout de suite, ce roman ne conviendra pas vraiment aux âmes sensibles,
Marie-Léa Pacchieri n'hésitant pas à dépeindre quelques scènes sanguinolentes et diablement visuelles. Je n'en dirai pas plus si ce n'est qu'il n'est jamais très avisé d'attaquer des vampires quand on est humains et absolument pas préparés. J'ajouterai également que question douleur et perte de fluides, les accouchements humains ne sont rien en comparaison de ceux des vampires ! Mais pas besoin d'être une femme vampire pour souffrir de la violence du monde de la nuit, comme le découvrira rapidement Solenn.
Cette humaine domestiquée, puisqu'il n'y a pas d'autre mot pour la décrire, a vécu 15 ans isolée dans un couvent, servant de garde-manger à son amie et bourreau, Génesys, une vampire au sang-pur. Un isolement qui prend fin pour un autre, Solenn devant accompagner Génesys dans sa famille où elle a enfin été rappelée. Mais rien ne préparait la jeune humaine à vivre recluse dans ce manoir lugubre et hostile, empli de vampires qui n'ont absolument aucune considération pour les humains… Une dure réalité qui s'imposera à elle dans sa chair, car si son amie et maîtresse avait promis de la protéger, la vérité sera tout autre. Solenn va ainsi devoir apprendre à évoluer en milieu hostile, quand Génesys va devoir lutter pour asseoir sa position et étendre sa sphère d'influence autour d'un père froid et implacable.
La relation asymétrique entre ces deux jeunes filles, bien qu'intéressante et plus complexe qu'il n'y paraît, ne peut pas être qualifiée d'amitié. J'ai plutôt eu le sentiment de suivre une relation de dépendance, chacune d'entre elles permettant à l'autre de rester en vie et de conserver une part d'humanité dans un univers qui aurait tôt fait de vous en priver. Solenn nous donne parfois le sentiment d'être un animal domestique, et Génesys un prédateur qui a développé une étrange affection pour sa proie. Une relation qui fait écho à la toxicité de certaines relations humaines bien qu'ici, cela prenne une tout autre ampleur. Solenn est, en effet, tombée en pleine guerre entre vampires ! Un combat qui n'est pas le sien, mais qui menace de le devenir à l'aune de certains événements dévastateurs. À cet égard, il y a une scène que j'ai trouvée particulièrement difficile…
Ce roman étant très court, les protagonistes ne sont pas développés outre mesure, ce qui ne permet de s'attacher ni à l'une ni à l'autre des deux héroïnes et encore moins aux personnages secondaires. Il faut bien reconnaître qu'à part la mère de Génesys, qui semble être la seule à avoir un peu de raison dans sa déraison, ils sont tous antipathiques, voire exécrables. Je n'ai pas trouvé cela gênant puisque l'on sent que l'objectif n'est pas ici de se fondre dans les personnages, mais plutôt de saisir le caractère âpre, voire cruel, sombre et lugubre du cadre dans lequel l'autrice nous plonge avec force. L'ambiance de ce huis clos est comme viciée, mais elle est aussi saisissante, nous donnant envie d'en découvrir toutes les aspérités !
J'ai ainsi apprécié de saisir par-ci, par-là, des éléments afin de mieux appréhender ce monde dans lequel les sentiments sont absents et la vulnérabilité, une condamnation à mort. Solenn va réaliser dans la douleur l'intensité de la violence inhérente à la nature vampirique, mais aussi le lien fort existant entre un nouveau-né et son parrain ou sa marraine, la pression autour des enfants de sang-pur, les enjeux d'une guerre qui la dépasse… À ce stade, il est difficile pour le lecteur de savoir laquelle, entre les deux factions de vampires qui s'opposent, est la plus monstrueuse, mais l'autrice nous donne assez d'éléments pour nous pousser à nous interroger. J'ai, ainsi, eu l'impression que les dires du père de Génesys n'étaient peut-être pas l'exact reflet de la réalité. Je suis, en outre, curieuse d'en apprendre plus sur un personnage qui fait tardivement son apparition, et la manière dont son contact avec l'une des héroïnes pourrait changer le cours des événements, du moins, je l'espère.
Vous aurez saisi que j'ai passé un bon moment avec ce roman dont la lecture est d'une grande fluidité. Pour autant, je regrette le découpage, ce premier tome étant pour moi bien plus une introduction posant le décor et les enjeux qu'un tome à part entière. Si, évidemment, un auteur reste libre de découper ses romans comme il le souhaite, en tant que lectrice, je reconnais ne pas avoir compris ce choix qui, à mon sens, dessert l'ensemble. Où on aurait pu avoir un très bon début de premier tome, on a un tome sympathique mais qui manque d'envergure. Néanmoins, le fait que le roman soit court pourrait plaire à des lecteurs qui aimeraient lire un roman à l'ambiance sombre et avec des vampires sans devoir se lancer dans un pavé.
En conclusion,
le règne du sang, tome 1-1 : Les disparues des Carpates plaira aux amateurs d'histoires de vampires dans lesquelles ces créatures de la nuit ne sont nullement présentées sous un jour glamour, mais plutôt dans toute leur sournoiserie et leur bestialité. Une bestialité qui se cache sous une apparente couche de civilité. Très visuelle, cette intrigue nous plonge également dans une étrange relation entre deux jeunes femmes, l'une née pour servir, l'autre pour asservir, dont les chemins de vie semblent très différents, à moins que les caprices d'un monstre, dans tous les sens du terme, ne redistribuent les cartes du jeu. Entre violence, quête de pouvoir, trahison et brutalité d'un monde sans concession, un premier tome prenant qui laisse entrevoir une guerre grandiose et dévastatrice.
Je remercie Babelio et les Editions des Tourments de m'avoir envoyé
le règne du sang, tome 1-1 : Les disparues des Carpates de
Marie-Léa Pacchieri en échange de mon avis.
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