~Une balade poétique aussi inspirante qu'horrifante~
Ma dernière lecture à ce jour, par véritable intérêt je le précise, s'est portée sur l'ouvrage tout récemment publié par Lucas Mommer,
du thé pour les vautours. Il me manquera sans doute des mots pour qualifier ce recueil de nouvelles tout à fait inattendu, mais en tant que fervente lectrice et amatrice d'histoires en tout genre, je me devais de vous livrer un avis.
Si je me devais de réagir à chaud après en avoir lu la toute dernière ligne, il ne me viendrait aucun adjectif suffisamment à la hauteur pour qualifier mon ressenti. A vrai dire, je ne suis pas sûre de savoir par où commencer en émettant ma critique, mais je puis vous assurer que j'ai pris beaucoup de plaisir à me délecter de ces pages les unes après les autres, à voyager à travers ces six histoires recellant de plus d'étrangetés que ce à quoi je m'attendais. Nous voilà face à une plume habile et puissante pour nous décrire à merveille autant d'horreur que de beauté et de romantisme dont on ne peut aisément se lasser. Lucas force le respect par sa manière d'écrire et sa façon de nous plonger dans des univers fantastiques.
N'étant que peu habituée à lire des recueils de nouvelles, leur préférant généralement de plus longues sagas, je ne suis en rien déçue par le contenu qui m'a été proposé. Tentant moi-même d'écrire divers poèmes et récits, c'est avec beaucoup d'engouement que j'ai pu me pencher sur des lignes satisfaisantes à lire, un vocabulaire richement utilisé formant des phrases savament construites qui en valent le détour. Cela faisait assurément longtemps que je n'avais pas lu une oeuvre récente aussi bien exécutée au niveau de la forme. Nombreuses ont été les fois où je me suis apensentie sur la qualité des phrases et le choix judicieux des mots que Lucas nous propose. Cette manière de rédiger m'inspire une élégance littéraire certaine en parfaite harmonie avec une succession de récits tous emprunts d'une touche mystérieusement horrifique. le recueil tout entier nous fait naviguer d'une histoire à une autre en nous gardant suffisamment en haleine pour passer à la suivante. Les mots en viennent même à nous faire douter de notre compréhension initiale, nous perdant parmi pléthore de métaphores exquises amenant le lecteur à se questionner tout en l'émerveillait aussi violemment que le dégoûtant. Un équilibre entre la lourdeur et la légèreté fait progresser le récit vers un effroi qui touche les apparences les plus trompeuses. Si l'épouvante décrite et les bizarreries que recèlent les nouvelles ne sauraient véritablement me faire peur, c'est l'étrangeté des faits qui a attisé ma curiosité sans répit. Cette manière de conclure chaque histoire me laisse un sentiment en demi-teinte, loin d'être négatif je vous assure. A vrai dire, je crois à la fois adorer et détester les récits dont la fin demeure peu ou partiellement résolue. Celles rédigées par Lucas nous laissent croire en apparence que l'histoire se clôture, mais tant de questionnements persistent encore après s'en être délecté jusqu'à la dernière ligne. La frustration est effroyable, bien qu'il s'agit d'une qualité du récit que je désigne ici. Notre auteur ne cesse de jouer avec l'esprit de son lecteur sans lui donner entière satisfaction l'attirant sans cesse vers des réflexions éparses. N'est-ce pas ainsi la meilleure manière de retenir son lecteur jusqu'à la toute fin ?
Vous l'aurez compris, même si l'idée de ne pas connaître parfaitement tous les mystères que recellent ces histoires me chiffonne, je me délecte de ces doutes qui persistent, me laissant aller à ma propre compréhension, et qui stimulent mon imagination.
En me penchant davantage sur le contenu, je peux aisément dégager trois nouvelles sur les six qui me tiennent plus à coeur : le château des embruns, Un art étrange et In Facto Venenum. Je ne parlerai volontairement pas du synopsis des histoires pour aussi permettre la lecture à ceux qui n'ont pas encore eu l'honneur de découvrir ce recueil. Quoi qu'il en soit, je tenais à préciser que les titres de chaque nouvelle ne laissent pas trop de doute quand à la thématique centrale de l'histoire, hormis la dernière qui donne son nom au recueil. Je souhaite également saluer le choix des brèves citations d'auteur, placée avant chaque histoire. En effet, celles-ci prennent totalement sens à la fin du récit et je vous recommande de les relire à nouveau à la fin au cas-où elles vous auraient échappé.
Le château des embruns nous laisse sur une histoire tout de même plutôt résolue, mais cette entrée en matière frappe déjà fort avec ses descriptions qui frôlent le dégoût tout en nous jetant au visage un bel exemple de l'avidité dont l'humain peut faire preuve. Elle est au niveau de la forme, la rédaction qui force le plus au respect de ce jeune auteur.
L'Hamadryade reste à mes yeux l'histoire la plus sereine du recueil : elle tranche par son calme par rapports au cinq autres. Si l'issue de l'histoire m'a semblé évidente (puisqu'elle ne semble pas construite pour vraiment laisser du suspens), j'en admire la délicatesse des mots et la force tranquille qui s'en dégage. L'inspiration mythologique ne saurait davantage aussi élégamment se trahir.
Un art étrange pourrait être mon récit favori, mais je suis incapable de me décider. Même s'il s'agit sans doute d'un récit court et rempli d'une atmosphère plus que lourde et sadique par rapport à la précédente, j'y ai grandement apprécié la narration glaçante et réaliste. Les détails ne sont pas laissés au hasard et nous plonge dans une terreur stimulante. L'idée de subtilement la lier à la première histoire m'a aussi convaincue.
Assiégés m'a laissé un sentiment indescriptible. Je ne saurais affirmer avoir aimé ou non l'histoire. Il est certain que je ne m'attendais pas à ce dénouement. L'histoire m'a semblé plus difficilement contextualisée en s'attardant plutôt sur des actions précises des personnages, n'aidant pas forcément à ressentir la tension générale du récit.
In Fato Venenum avec Un art étrange compte parmi celles que je préfère. Je n'oserai spoiler de trop son contenu, mais chacune des lignes tendent à nous mener vers une piste étonnante et incompréhensible, mais dont l'évidence finit par sauter aux yeux en raison d'une courte nouvelle. Sa fin est très incroyablement bien amenée. Il s'agit du récit le plus déroutant, à moins que je n'y ai vu de prime abord un développement tout à fait différent.
Du thé pour les vautours s'apparente plus à l'avis que j'ai eu pour Assiégés. Il me semble qu'avec le château des embruns, cette dernière histoire soit plus longue que les autres. Avec du recul, la longueur du récit m'évoque ou m'a peut-être fait ressentir le long voyage pénible de notre sujet principal. Autant dire que de mon point de vue l'épisode traîne un peu trop sur la longueur par rapport aux autres, néanmoins cela ne fait que retarder la fin tragique qui nous questionne encore. La lourde tension au sein de la narration, à laquelle je faisais référence plus haut, est ici cependant très bien mise en oeuvre.
Si je devais retenir une seule chose de ce recueil c'est la qualité des histoires à sonder l'âme et les émotions des personnages principaux. Lucas nous dresse des portraits énigmatiques, des sujets dont les pensées sont véritablement mises en évidence et pour moi c'est la première histoire qui nous le reflète le mieux. Je n'affectionne que trop peu les histoires où seuls les faits se succèdent et où les descriptions du décor et l'état psychologique sont laissés de côté, mais
du thé pour les vautours n'en est pas en reste.