Antoine est bardé de diplômes, mais ça ne lui sert à rien, personne ne veut l'engager. Il sent qu'il est rejeté par la société, que pour vivre l'esprit libre il doit devenir stupide ; ne plus penser, ne plus réfléchir. Il se met à se renseigner méthodiquement sur divers moyens pour parvenir à ses fins...
Nous avons affaire à une fable sociale fantastico-absurde, bourrée d'humour bien senti mais également de critiques à peine détournées envers la société consumériste. Clairement, ce livre ne s'adresse pas aux "lecteurs du dimanche" comme les nomme Page, à ceux qui se complaisent dans la littérature de gare ou sans aucun intérêt littéraire. Il faut lire ce livre au premier degré, mais de manière consciente. Conscient du public visé. Et en cela, ça tire sévère.
Mais qu'est-ce que j'ai apprécié cette première partie qui tranche dans le vif, intégrant le surréalisme de manière naturelle, avec des phrases bien placées et des constats sur la société souvent tristement véridiques ! C'est frais, ça sent presque
le Magasin des suicides de
Jean Teulé. L'auteur ne fait certes pas d'envolées lyriques, mais a un sens de la formule qui frappe dans le mille.
Le choix du trader comme reconversion de vie stupide n'est pas anodin. Non seulement il est à l'opposé du cadre de vie de l'étudiant bardé de diplômes rejeté des grands groupes, ignoré des petits et voué à enseigner à l'université pour des clopinettes et une reconnaissance inexistante ; mais c'est également la représentation à l'état pur du capitaliste qui ne réfléchit qu'à travers les billets verts et se fait des milliards sur le dos du monde. Page choisit le stéréotype suprême pour coller au thème général de la stupidité. Au premier abord ça fait cliché, en y réfléchissant à deux fois c'est ingénieux.
Toutefois je dois émettre deux points négatifs : l'auteur développe l'idée que devenir riche, c'est plus ou moins être bête. Que vouloir être beau, c'est carrément rejeter l'humain intérieur. Qui n'a pas philosophé sur la beauté intérieure ? Sur les diktats marketings de la beauté... Mais est-ce forcément débile de vouloir avoir de l'argent, ne serait-ce tout simplement pour pouvoir profiter de toutes les belles choses de la vie, y compris l'art pas toujours accessible à tous dont l'auteur s'évertue à rappeler le caractère élitiste et limite rebutant pour les écervelés qui préfèrent la télé ? Page oublie qu'une personne intelligente peut prendre le temps de s'abrutir de manière consciente, parce qu'utiliser son cerveau 24h sur 24 c'est juste un peu fatigant...
Enfin, dernier point, la fin est extrêmement décevante. le personnage principal se fait désenvoûter de sa vie en même pas deux pages, on ne comprend pas trop pourquoi il a décidé de sortir de son nouvel état d'homme stupide (l'étape Dany Brillant convainc guère), lui qui reconnaît pourtant que désormais il n'est ni heureux ni malheureux (ce qui pourtant est une amélioration, lui qui était tout simplement malheureux avant la transformation et ne concevait même pas le bonheur). Et le dernier chapitre laisse clairement à désirer.
Quel dommage, une morale bien plus "intelligente" aurait pu émerger de ce récit ambitieux !
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