Azadi signifie « liberté » en persan. Certains la rêvent et d'autres paient le prix pour la vivre.
Est-ce l'homme qui forge une société de valeur ou est-ce une société de valeurs qui doit forger ses hommes ?
Dans les deux cas, ces valeurs s'appuient-elles sur le respect des droits de l'homme
La loi de « Dieu », quel qu'elle soit, suffit-elle à régir un ordre juste ?
L'auteure
Saïdeh Pakravan pose les questions en filigrane et fait entrer les lecteurs de plein pied dans la société iranienne, là où cela « pèche », blesse.
L'histoire débute sur « L'élection présidentielle iranienne du 12 juin 2009 qui a reconduit au pouvoir, pour quatre ans, Mahmoud Ahmadinejad, le président de la République sortant ».
Un point de départ tumultueux qui fait parler les générations de tous âges, qui ont connu la période du Sha d'Iran pour certains ou l'établissement d'une république dont les lois n'ont semble t-elle pas apporter plus de libertés, d'équité et de justice. Les jeunes générations manifestent aussitôt dans les rues pour crier au scandale, il y aurait fraude électorale possible et ces jeunes-ci ne veulent plus de l'avenir qu'on leur impose.
Cela sera l'opportunité pour nous de découvrir les quelques personnages principaux, en tête la jeune Raha, étudiante des beaux quartiers Nord plus huppés et le jeune gardien Hussein, d'extraction plus modeste et sous les ordres de l'actuel gouvernement.
Les événements vont principalement s'articuler autour de Raha, les préparations des manifestations faites en secret, les discussions familiales et entre copains controversées sur la politique du gouvernement, les relations très cadrées hommes-femmes...
La rencontre entre Hussein et Raha est intéressante, au delà du profil de romance possible bien que Raha soit fiancée, c'est deux mondes qui se rencontrent.
Hussein est baigné d'idées reçues sur ces jeunes gens qui vivent et pensent comme l'Occident la scandaleuse. A la lecture, nous nous rendons compte qu'une religion islamique très intégriste pèse lourdement sur tous les aspects de cette société décrite. Les personnages sont pleins de contradictions, se réfèrent en permanence à la religion et pourtant semble la maintenir comme un vestige de culture et d'histoire, pour le respect du passé, la respecte mais la porte lourdement tant elle se montre entravante, ne permet pas de s'exprimer librement. Chacun des personnage n'ose dire tout haut ce tout le monde pense tout bas, le système lui-même semblant plus enclin à effrayer, soumettre plutôt qu'inspirer la protection.
Le sort de la pauvre Raha et tous les débats autour de son viol lors de son arrestation pour avoir manifesté posent là un malaise ambiant, une vraie tension maintenue tout du long, l'inégalité et le mépris de la femme y sont démontrés sans fard. Nous découvrons tout un système installé, une police vestimentaire, des contrôles de moeurs entre des jeunes filles et garçons qui se fréquentent dans les rues, les jeunes femmes peuvent être brutalisées sous couvert de comportements jugés indécents. La victimisation de la jeune fille se montre évidement cruelle et odieuse et le procès de Raha se trouve être bien plus que le combat d'une seule femme pour la dignité, c'est aussi briser la loi du silence, une façon de changer la société elle-même.
Si Kian abandonne bien vite sa fiancée « souillée », Hussein », « l'ennemi », celui-là même qui sauva Raha du gaz de ces collègues militaires à la manifestation, celui qui partit à la recherche de la jeune fille disparue depuis dix jours dans les prisons du Ministère, cet Hussein se montre chevaleresque et est séduit par cette belle Raha, libre, éduquée, simple et généreuse, il montrera une distance au système, cela appellera une vraie remise en question pour de vraies valeurs de respect et de dignité.
C'est un récit dense, les non-avertis à la culture de Téhéran pourront passer outre les nombreux termes linguistiques pour cerner l'essentiel, les autres savoureront ces mots qui les replaceront dans un rapport familier et sans doute agréable. C'est une fiction poignante, percutante sur les libertés, la Liberté tout court qui se gagne durement, une lutte qui brise le silence et l'absurde.
Une oeuvre pour adultes et jeunes adultes sur la dignité humaine, le respect de l'individu, sur la jeunesse, l'envie d'insouciance et l'amour bien sûr.