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Saïdeh Pakravan nous permet à travers ce roman fascinant d'appréhender la complexité de la société iranienne et de la vie qui s'y déroule sous le régime de la République Islamique.
Elle concentre son roman sur une période précise qui voit, en juin 2009, jaillir une série de manifestations de protestation, suite à la proclamation par Ahmadinejab de sa réélection à la présidence dès le premier tour, alors que les électeurs attendaient au moins un second tour et la victoire finale d'un de ses opposants Moussavi ou Karroubi.

Considérant avoir été floués une grande partie du peuple et en particulier la jeunesse vont tenter de faire entendre leur voix mais ces rassemblements violemment réprimés, se solderont par des morts et des arrestations sans qu'il y ait de fléchissement du régime qui refuse d'accepter une possible évolution.

C'est plus particulièrement, par les yeux et la voix de trois jeunes, Raha étudiante en architecture de 23 ans, son fiancé Kian, Hossein, membre des gardiens de la révolution chargés de la sécurité intérieure, par celles aussi de leur entourage familial qui a connu le passé, que Saîdeh Pakravan réussit à nous immerger dans la vie quotidienne iranienne avec tous ses codes. le lecteur se retrouve également plongé au coeur de cette flambée de révolte qui va changer, séparer ou réunir des êtres qui, au départ, n'en mesuraient pas la portée et les conséquences tragiques.

J'ai été bouleversée par les souffrances de Raha jeune femme enthousiaste, courageuse et volontaire qui, bravant les avertissements de ses parents, se retrouve prise dans une rafle et emmenée dans des sous-sols sinistres où elle vivra des moments terribles. Mais dans ces lieux sordides il y a aussi l'inoubliable Mina, la compatissante, gardienne de prison par nécessité, qui va la soutenir et la réconforter.
Bouleversée aussi par l'amour du doux et courageux Hossein qui par deux fois la sauvera et la rendra à sa famille sans rien espérer en retour. Raha fille cultivée d'une famille de la bourgeoisie aisée et Hossein jeune gardien de la révolution, venu de la campagne pauvre n'aurait pas du se rencontrer et pourtant…
Je retiens l'obstination avec laquelle Raha va se reconstruire et lutter contre ceux qui voulait la briser et contre la bêtise issue parfois de ceux qui semblaient être de son côté.

En dehors de Raha et Hossein, il y a beaucoup d'autres personnages qui font de ce roman plein de vie et de passion une représentation bigarrée de la vie iranienne et du déchirement que provoque la violence des convictions des uns et des autres.
Il m'est bien difficile de rendre toute la richesse et l'intérêt grandissant que j'ai pris à sa lecture qui permet de mesurer qu'on ne peut émettre d'avis catégorique, que les contradictions de chacun et celles de la société dans laquelle ils évoluent, ne peuvent se satisfaire de jugements tranchés. J'en suis ressortie pleine d'interrogations.

Merci à l'opération Masse critique et aux éditions Belfond de m'avoir permis de découvrir ce livre passionnant et cette auteure irano-américaine.
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L'Iran est un pays qui me fascine et me laisse perplexe à la fois. Il me fascine principalement pour la richesse et la grandeur de son Histoire et pour d'autres raisons liées à cet attrait que je ressens pour les cultures moyen-orientales. Et il me laisse perplexe, enfin plutôt me laissait perplexe, quant à sa situation politique et sociale actuelle. Jusqu'à maintenant, j'avais l'impression d'entendre deux sons de cloche diamétralement opposés. L'un surtout véhiculé par la littérature me laissait entendre que le régime politique iranien était une effroyable théocratie réglementant de façon draconienne la vie quotidienne des iraniens, un régime oppressif et répressif digne des plus célèbres romans dystopiques. L'autre, à travers des documentaires et émissions de voyage comme le célèbre « J'irai dormir chez vous », me renvoyait une image plus adoucie d'un peuple iranien finalement assez libre et dont le souci primordial était, comme tout le monde sur cette Terre, de subvenir à ses besoins élémentaires : se loger, se nourrir, fonder une famille etc… Je ne sais pas pourquoi je voulais absolument que quelqu'un me dise quelle conception était la bonne sans me rendre compte que j'avais eu là les deux versants d'une vision trop manichéenne de la question. Rien n'est tout blanc ou tout noir. Et l'Iran n'échappe pas à la règle. C'est en lisant le roman de Saïdeh Pakravan que j'ai enfin pris conscience de ce fait et que j'ai réalisé que cette ambiguïté que je ressentais était en fait tout à fait normale car voulue par le système iranien au point que les iraniens eux-mêmes vivent dans un flou perpétuel quant aux limites de leurs libertés et à ce qu'ils ont le droit de faire ou non.
Raha est une jeune étudiante issue des quartiers huppés de Téhéran. Comme une grande partie de la jeunesse iranienne, elle n'a connu son pays que sous le régime islamique là où les personnes plus âgées gardent un souvenir nostalgique des années passées sous le régime du shah. Lorsque les élections de 2009 se profilent avec l'espoir naissant que les choses changeront, l'attente est grande et beaucoup souhaitent la fin du « règne » d'Ahmadinejad. Mais lorsque les résultats sont annoncés, c'est la stupeur puis la colère. Les jeunes de Téhéran ne comptent pas en rester là, persuadés que les élections ont été truquées, ils descendent dans la rue et se retrouvent tous sur la place de la tour Azadi ( « Liberté ») afin de manifester leur révolte. Mais les forces de police interviennent et la répression commence. Après avoir été blessée une première fois, Raha persiste dans son engagement mais finit par se faire arrêter. En prison, le cauchemar commence. Libérée grâce à un contact dans la police, elle rentre chez elle brisée et meurtrie. Mais Raha est une jeune femme à la personnalité forte et, pour se reconstruire, décide de traîner ses bourreaux en justice. L'Etat iranien acceptera-t-il de reconnaître les sévices auxquels il soumet ses prisonniers ?
La grande force de ce roman de Saïdeh Pakravan est que, bien qu'elle ait choisi une jeune femme pour personnage central, elle donne la parole à de nombreux personnages annexes apportant ainsi une multiplicité de points de vue, de mentalités, de conceptions, de sensibilités. On n'a donc pas seulement une vision de l'Iran mais plusieurs, parfois contraires, d'autres plus nuancées et c'est ce qui m'a aidée à avoir une image plus claire de ce pays et de ce qu'en pensent ses habitants.
Raha est emblématique de la jeunesse iranienne mais surtout celle issue de milieux favorisés, fortement influencée par le monde extérieur et principalement par les pays occidentaux. Cette jeunesse rêve à un Iran s'inspirant des principes de liberté sur lesquels se fonde l'Occident, aspire à un Iran « civilisé » libéré de l'emprise religieuse qu'il connaît depuis la Révolution. C'est une jeunesse très soucieuse et honteuse de l'image négative renvoyée par l'Iran au monde.
Autour de Raha gravitent d'autres personnages dont son oncle et son amie émigrée aux Etats-Unis et en visite au pays qui, eux, par leur objectivité et leur connaissance du monde apportent un regard plus nuancé, tantôt nostalgique de ce que fut l'Iran sous le Shah et très critique envers le peuple iranien, tantôt fasciné et envoûté par ce pays aux multiples facettes au sein duquel gronde une force et une énergie positives qui ne demandent qu'à émerger.
Et il y a aussi Hossein issu de la province à Téhéran pour travailler au sein des forces de police. Il a la charge de son frère, handicapé après avoir participé à la guerre Iran-Irak et qui s'est réfugié dans une pratique rigoureuse et stricte de la religion. Hossein fait partie de cette catégorie d'iraniens pas forcément favorables au régime mais plutôt manipulés par ce dernier, convaincus que les occidentaux complotent au quotidien pour abattre l'Iran. Pourtant Hossein est loin d'être un fanatique obscurantiste, c'est un garçon lucide et profondément humain qui ne cherche que le bien pour son pays et les siens.
Grâce à ces voix multiples que fait alterner Saïdeh Pakravan, j'ai pu appréhender toute l'ambiguïté et la perversité du système iranien, un système qui veut régenter la vie du peuple mais de façon très sournoise. Ainsi il laisse un semblant de liberté aux iraniens, ils peuvent faire ce qu'ils veulent mais gare à eux s'ils se font prendre. Parfois, ils sont arrêtés pour avoir enfreint des lois dont ils ignoraient complètement l'existence. Toutefois, quand un projet de loi est éventé et que cette loi est complètement farfelue, le peuple parvient à faire pression. J'ai en tête cet exemple lorsque Ahmadinejad a voulu légiférer sur l'utilisation des trottoirs, un côté aurait été réservé aux hommes, celui d'en face aux femmes. Face à la levée de boucliers, il a dû abandonner cette idée. Mais ce qui fait que ce régime perdure malgré les contestations, c'est qu'il est parvenu à diviser le peuple. Les manifestations de 2009 n'ont par exemple concerné que Téhéran et n'ont pas été suivies en Province. La peur des répressions a aussi convaincu certains de rester chez eux. Combien de fois la famille de Raha a-t-elle tenté de la dissuader de se rendre aux manifestations ?
Azadi est donc le récit du combat d'un peuple mais aussi celui d'une femme décidée à faire valoir ses droits, à faire condamner les sous-fifres de ce système oppressif et par là-même à affronter la douleur, la médiatisation, les jugements, les amis qui lui tournent le dos, les menaces, les insultes, le harcèlement, les questions odieuses des juges. A cette occasion on a encore l'illustration de cette division au sein du peuple entre ceux qui soutiennent Raha et la perçoivent comme une héroïne qui ose défier l'Etat et ceux pour qui elle est une ennemie de l'intérieur travaillant au fameux complot américano-sioniste.
Pourtant ce roman me laisse quelques interrogations. La première concerne la nature des populations ayant participé aux manifestations. L'auteur prend le soin au détour d'une phrase de nous préciser que ce mouvement de contestation touchait toutes les catégories sociales et n'était pas seulement le fait des plus favorisés. Pourtant lorsqu'elle évoque les participants, ce sont toujours des étudiants issus des classes privilégiées, des enseignants, des médecins etc… D'ailleurs, Saïdeh Pakravan n'a-t-elle pas choisi ses personnages contestataires au sein même de ces milieux aisés ? N'a-t-elle pas choisi un jeune homme d'origine très modeste pour incarner le représentant du système ? J'aurais aimé avoir aussi le point de vue d'un de ces habitants des quartiers sud ( pauvres) de Téhéran souvent qualifiés de « racailles » et savoir ce qu'il en est réellement. Y a-t-il vraiment une division nette entre milieux modestes partisans du régime d'un côté et riches occidentalisés de l'autre ? Pourtant les cadres du régime proviennent de ces mêmes classes riches usant de leur position pour se sortir d'affaire et transgresser allègrement ces lois qu'ils sont censés faire appliquer.
Autre point sur lequel je voulais revenir, celui de la religion. Bien entendu c'est la religion qui réglemente la vie quotidienne des iraniens. Saïdeh Pakravan nous donne à de nombreuses reprises des exemples de cette domination sur une population vivant sous l'ombre perpétuelle des Gardiens de la Révolution islamique. Tantôt en uniforme, tantôt en civil, ils rappellent à l'ordre tout manquement aux « bonnes moeurs » : comportement, tenue vestimentaire etc… Mais la question religieuse est encore une fois l'occasion de voir à quel point le peuple iranien ne manque pas de ressources. Saïdeh Pakravan évoque dans son roman la fête de l'eyd que j'avais d'abord confondue avec l'Aïd-el-Kebir. Et j'ai été surprise d'apprendre que cette fête est d'origine païenne et que l'ayatollah Khomeini avait en son temps tenté de l'interdire mais la farouche opposition du peuple l'a contraint à renoncer. Cette fête traditionnelle a encore cours de nos jours et est restée très populaire. Concernant la foi, là encore la diversité règne au sein du peuple iranien. Raha est le parfait exemple de la jeune femme athée et Saïdeh Pakravan montre bien que nombreux sont ceux à faire semblant d'avoir une pratique religieuse rigoureuse.
Magnifique panorama de la situation politico-sociale de l'Iran d'aujourd'hui, Azadi est un roman qui permet de mieux comprendre ce pays tant décrié et dresse à travers la figure d'une femme forte destinée à éveiller et maintenir l'espoir dans le coeur d'un peuple le portrait d'un pays très complexe. Un très grand roman que je conseille fortement !

"C'est ça l'Iran, dit Djamchid. Un tissu de contradictions."

Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond.

Lien : http://cherrylivres.blogspot..
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Probablement le plus proche que je n'irai jamais de Téhéran ! Un roman qui nous amène au coeur d'un pays qui semble écartelé entre le moyen-âge et le 21e siècle, entre la police de la moralité et le téléphone cellulaire, entre le fanatisme religieux et l'athéisme indifférent.

Suite à des élections aux résultats douteux, des protestations populaires, des manifestations étudiantes, puis la répression et les arrestations. On y assiste à travers les yeux de Raha, étudiante en architecture à l'université, à travers les yeux de son fiancé, de sa mère et même d'un jeune policier. Les discussions avec le père, le vieil oncle ou la cousine ajoutent des opinions, des analyses de la situation du pays, de son histoire et de son avenir.

Mais Raha est aussi une jolie jeune femme et son séjour en prison lui réserve donc des tortures particulières. Et lorsqu'on réussit à la libérer, même la guérison est pénible. Il n'est pas facile de survivre et de lutter pour la justice… C'est triste, c'est touchant et parfois révoltant. Au-delà des croyances religieuses, j'ai du mal à comprendre pourquoi toute cette violence envers les femmes...

Grâce à ce texte, j'ai l'impression d'avoir fait une visite éclair en Iran. J'y ai vu du pire et du meilleur, de l'amour et de la haine, de l'hypocrisie dans la vie quotidienne et de la corruption dans le système politique, de la résignation, mais aussi beaucoup d'espoir pour un avenir meilleur.

Peut-être pourrons-nous un jour retourner dans un Iran réconcilié…
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En recevant ce livre, j'ai tout de suite été sous le charme de sa première de couverture sobre et belle.
Sur cette couverture, la représentation d'un monument l'Azadi qui se trouve au centre de Téhéran. Azadi signifie Liberté en persan.
Ce livre raconte à plusieurs voix, la révolte de la population après les élections truquées de juin 2009. Et surtout, ce livre raconte Raha, jeune étudiante en architecture qui participe avec beaucoup d'espoir et une certaine insouciance à toutes les manifestations organisées, en compagnie de ses amis et son fiancé Kian.
Lors de la première grande manifestation sur la place Azadi, quand tout le monde était dans la rue, Raha évanouie est secourue par Hossein gardien de la révolution. Hossein qui éprouve des sentiments pour la jeune femme, ne le dira jamais, mais l'aidera toujours. Surtout après l'arrestation de Raha quand tout bascule dans sa vie, qu'elle est accusée de comploter contre la république islamique , d'obéir aux ordres de maîtres occidentaux et que le pire arrive.
Dès que j'ai ouvert ce livre vivant, plaisant avec beaucoup de dialogues, parsemé de mots persans comme une musique tout au long des pages, je n'ai pas pu le lâcher.
Une belle écriture délicate , pour dire tous les espoirs des iraniens et aussi leur courage pour que l'Iran change et qu'ils obtiennent ces "droits qui sont la norme dans les pays civilisés".
Je remercie Babélio et les éditions Belfond pour ce livre et le petit mot qui l'accompagnait, merci Saïdeh Pakravan de m'avoir fait découvrir ce pays dont on ne parle pas en général de cette manière. J'espère que ce livre obtiendra le prix Marie Claire du roman féminin 2015 , pour moi c'est un coup de coeur.
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Lu d'une traite, ce roman terrible et foisonnant de vie, tout à la fois traité politique, tragédie et étude sociale, m'aura donné une magnifique occasion de plonger par la fiction dans la complexité du réel, celle de la société iranienne contemporaine.
Il ne fallait pas moins que la forme du roman choral pour rendre cette complexité, entre modernité et tradition, orient et occident, et chacune des voix qui s'exprime tour à tour vient apporter sa nuance tout en impulsant un rythme singulier au récit. Même si ce rythme s'essouffle par moment, le cauchemar vécu par Raha ne laisse pas insensible et l'on brûle de savoir si elle parviendra à obtenir réparation dans un univers si masculin, si chahuté et si fanatisé.
Une expérience immersive et enrichissante, loin de mes bases.
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Quand le hasard est un bonheur !
Il ne me restait à lire que les dernières pages de "Lire Lolita à Téhéran" de Azar Nafisi lorsque Babelio m'a proposé "Azadi"!
L'action se déroule également à Téhéran, quelques années plus tard.
C'était donc une excellente suite.
Azadi est un roman à plusieurs voix, choral, comme on dit. Trois jeunes gens d'une vingtaine d'années dont deux étudiants, issus d'un milieu aisé , modéré et cultivé et Hossein qui fait partie des Gardiens de la Révolution, très croyant et obéissant mais non violent. "Il est correct et respectueux des autres."
Les voix des proches de Raha qui discutent, argumentent et ont connu la Révolution islamique.
Les étudiants, révoltés par les élections truquées dont ils avaient espéré un peu plus de liberté, se jettent avec enthousiasme dans des manifestations quotidiennes, persuadés que leur opposition massive aura une influence.
"Sans doute que nous avions été naïfs de croire que nos votes pouvaient compter, d'oublier le régime sous lequel nous vivons." dit Kian
Bien sûr qu'elles étaient truquées ces élections:"Ils veulent nous faire croire qu'on a manuellement compté quarante trois millions de votes en quelques heures ?"
On a donc plusieurs points de vues dans des conversations édifiantes.
Un personnage que j'ai trouvé intéressant est celui de Gita qui a quitté l'Iran très jeune avec ses parents et vit aux Etats-unis. Bien que très attachée sentimentalement à son pays natal elle ne le reconnaît pas lorsqu'elle y revient pour trois mois. Elle a de ce fait une analyse plus objective.

Au début du roman, je trouvais les chapitres trop courts.
La fréquence des mots parsi me gênait un peu, puis j'ai joué à saute-mouton puisque leur traduction est immédiate.
Sans dévoiler la fin ,je peux dire qu'elle est comme elle devrait être ce qui laisse espérer qu'elle sera un jour possible.

Un très grand merci aux Editions Belfond et à Babelio
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35 ans après la révolution islamique en Iran et la prise de pouvoir del'Imam Khomeiny, Azadi raconte l'oppression d'une jeunesse iranienne éprise de liberté et décidée à contester la réélection probablement truquée du président Ahmadinejad en 2009. Cette jeunesse descendue spontanément dans les rues de Téhéran à l'annonce des résultats électoraux représente la partie éduquée de la société iranienne, riche d'une deuxième culture, « occidentale », qu'elle s'est constitué grâce à la télévision, à Internet et aux souvenirs de leurs parents qui se rappellent l'Iran d'avant la révolution islamique de 1979.
Dans ce roman choral poignant, Saideh Pakravan fait parler alternativement 3 jeunes gens et leurs familles : Raha, jeune fille éduquée des beaux quartiers de Téhéran, son fiancé Kian et Hossein, un jeune « gardien de la révolution » qui vient en aide à Raha à l'occasion d'une manifestation.
Elle y dénonce avec vigueur le manque de libertés, la condition des femmes, la séparation implacable des sexes et l'aberrante loi du chiisme qui autorise les hommes à prendre des femmes « provisoires », une façon pratique de légaliser le viol…
Raha et ses amis n'ont pas connu l'Iran d'avant la Révolution islamique : ils ne savent pas ce qu'est la liberté mais souhaitent amener le pays vers quelque chose de plus doux, de plus calme, raisonnable.
Outre le contexte politico-religieux, c'est une société tout en contraste et en contradiction que dépeint Saideh Pakravan, et c'est passionnant.

La seule petite chose qui m'a (légèrement) agacée ou gênée est ce parti pris d'utiliser des mots en parsi pour les traduire après…

Azadi est un roman passionnant, un roman féministe, réaliste et sentimental et il ne paraitra pas en Iran… allez savoir pourquoi.

Merci BABELIO !!!
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Tellement impressionnée par ce livre que je ne sais pas quoi dire. Je ne reviendrai pas sur l'histoire poignante, l'écriture fluide, le fait que je n'aie pas bougé de chez moi pendant deux jours car je ne pouvais plus le lâcher.

C'est pour son 'honnêteté' que je conseille ce livre à tout le monde. L'histoire se passe en Iran pendant les mouvements vite réprimés de 2009, l'auteur ne vit pas en Iran ; je me suis dit 'c'est bon on va enchainer cliché sur cliché, le bien et le mal, les méchants et les gentils, bref là où tombent souvent les auteurs 'originaires de...' qui essaient d'expliquer aux 'occidentaux'.
Et là, il a bien fallu que je m'accroche à mon fauteuil. Quelle finesse, quelle subtilité ! le fait d'avoir fait parler les protagonistes à la première personne permet d'avoir des opinions contradictoires et d'entamer des réflexions en profondeur : l'islam, l'immigration, la modernité, l'émancipation, la jeunesse, l'exil, la répression...
Ce livre a encore plus de sens avec les événements de janvier à Paris. C'est une des rares fois où je lis une réelle tentative d'expliquer toute l'ambiguïté et les contradictions dans lesquelles sont coincés les musulmans, cette volonté de trouver une solution ; et le tout avec beaucoup de tact de la part de l'auteur, sans en faire des tonnes, sans donner de leçon, sans parti pris.

Un grand merci aux éditions Belfond et Babelio pour ce livre difficile mais plein d'espoir.
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«  L'Histoire est notre assurance sur l'avenir ». Ce n'est pas rien une telle phrase. Elle est aussi grande que la portée immense du mot Azadi, « Liberté », en langue perse. Parce que L Histoire est toujours la projection de l'avenir. Ce n'est pas la lecture du passé qui doit mener un peuple, c'est la potentialité de l'avenir que recèle son Histoire qui doit l'éclairer. le présent ne peut se contenter du passé pour s'acter, pour se justifier. le présent est un futur antérieur, aucun passé ne peut se simplifier.
La magnificence du roman de Saïdeh Pakravan c'est sa fraternité. Cela paraissait improbable, irréalisable et pourtant par ce roman Saïdeh Pakravan nous l'a confié. Nous avons beaucoup d'ignorance, beaucoup de peur, beaucoup d'incompréhension, et beaucoup, beaucoup d'images. Nous avons des dates, des noms, des noms qui effacent les visages. Des noms de pays. Qui nous font oublier que les mots frontières, régions, drapeaux appartiennent bien plus aux pouvoirs qu'aux peuples. Des noms qui effacent les courbes des montagnes, la poésie du désert, le lourd parfum des sèves, le chant des hommes et le regard des femmes. Des noms devenus terrifiants parce que sous le poids écrasant de toutes les dictatures, beaucoup trop de mots rendent leur âme. Et cela de chaque côté des murs.
Ce roman nous fait entendre plusieurs voix. Voix multiples. Jeunes, belles, anciennes, douces, révoltantes, troublantes, sages, rassurantes, aimantes. Des voix, celles des hommes.
En réécoutant le poème de Saïdeh Pakravan « Tu diras bonjour » (https://www.youtube.com/watch?v=XGENXx-FIOM&feature=share) , je me dis qu'avec ce roman l'auteure adresse un bonjour amoureux à l'ensemble de notre terre d'humains.
L'histoire est terrible, les faits insupportables, les conséquences épouvantables. Mais le possible appartient toujours à l'humain. On peut tenter d'effacer sa mémoire, vouloir inventer son histoire, on ne peut pas détruire sa capacité de résilience.
Azadi, est un magnifique roman qui dépasse le fait géographique et historique.
Si prétexte à guerroyer se voudrait vérité révélée, la matière de l'humain, elle ne pourra jamais perdre sa raison de toujours espérer.
« Opération Babelio Masse critique, janvier 2015 »
Astrid Shriqui Garain
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Téhéran 2009, malgré l'interdiction et dans un climat particulièrement tendu, des milliers d'iraniens investissent les rues de la ville pour s'insurger contre le résultat des élections. Les policiers sont partout présents, usant de grenades lacrymogènes et de matraques pour disperser les manifestants. Etudiants appartenant à la classe aisée, femmes voilées, personnes de tous âges, enfants, sont vite réprimés par les bassjidjis qui n'hésitent pas à frapper et à emprisonner.
Raha et ses amis comptent parmi eux. Au cours d'une de ces manifestations, Raha sera arrêtée, emprisonnée, et subira les pires sévices. de retour presque miraculeusement dans sa famille, alors que ses projets de vie volent en éclats, elle va tenter de se reconstruire sur les cendres des illusions perdues de son adolescence.
Saïdeh Pakravan raconte. Les protagonistes et les expériences se succèdent pour donner une image assez précise, à plusieurs voix, de l'Iran actuel, mais aussi de celui du Shah, que certains osent à peine regretter, de celui de Khomeiny, instaurateur d'une république islamiste contraignante, liberticide et si peu bienveillante, mais également entre les lignes, de l'Iran de demain rêvé par la jeunesse parfois bien naïve et pourtant souvent optimiste d'aujourd'hui.
Saïdeh Pakravan raconte, à travers les voix de plusieurs personnages vivant dans l'entourage de Raha, étudiante en architecture, issue d'une famille aisée de Téhéran. Les voix se succèdent, en particulier celles de Nasrine, sa mère ; Celle de Gita, qui vit aux Etats Unis et revient quelque temps à Téhéran, spectatrice impuissante dans son propre pays ; D'Homa, chirurgien à l'hôpital, elle voit chaque jour les méfaits du pouvoir ; de Pari, qui vit dans l'opulence, protégée par les excellentes relations de son mari avec le pouvoir en place ; de Mina, gardienne de prison par nécessité, mais qui a un coeur gros comme ça et saura aider Raha ; de Hossein, gardien de la révolution, religieux par tradition familiale plus que par conviction, policier par nécessité, issu d'un milieu modeste, il tombe amoureux de Raha sans pouvoir se l'avouer ni réaliser son rêve ; de Kian, étudiant, fiancé à Raha, qui ne saura jamais dépasser les apparences ni les préjugés.
Des voix qui racontent les gardiens de la révolution, les règles qu'il faut suivre mais qu'on ne connait pas toujours, la police des moeurs qui contrôle la longueur d'un voile, qui vérifie que les femmes circulent bien avec un homme ayant un lien de parenté avec elles, sinon gare à elles.
Qui parlent de la condition des femmes, si peu reconnues, souvent si maltraitées, elles qu'un homme peu violer en toute liberté à condition d'avoir prononcé les mots lui accordant un « mariage temporaire », elles aussi que l'on va violer avant de les exécuter, car sinon vierges, elles entreraient tout droit au paradis. Qui évoquent les contradictions d'un peuple, les moyens de s'évader des contraintes, surtout quand on appartient à la classe aisée, qui présente cette jeunesse qui rêve d'ailleurs et de liberté, d'une piscine privée où bravant les interdits, filles et garçons vont se baigner ensemble, de films téléchargés illicitement, d'internet, des réseaux sociaux qui ouvrent au monde.
C'est particulièrement intéressant d'entendre ces différents points de vue, même si forcément ils sont aussi issus du propre vécu de l'auteur. Au début je me suis un peu perdue dans la multiplicité des personnages, mais au final juste quelques-uns sont importants dans le récit, les autres servant essentiellement à ajouter une opinion, une vision propre à leur condition.
Le rythme du roman est parfois dense, ajoutant à l'intrigue une description de la situation politique du pays, et c'est aussi ce qui fait son intérêt. Les chapitres alternent avec aisance, d'un personnage à l'autre, d'un témoignage à l'autre, on tourne les pages, on vit avec Raha, ses aspirations de jeune femme un peu naïve, d'étudiante, sa chute et son combat. L'insertion de mots persans est agréable car immédiatement traduits, pas en bas de page ou en annotations lointaines, il sont facile à assimiler à mesure de la lecture. Ils sont là comme une mélodie qui donne son rythme au roman, inconnu, singulier, bouleversant, musical.

Lien : https://domiclire.wordpress...
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