(...) le vrai talent consistait à pouvoir, sans être aveugle, contempler et peindre cette vision des aveugles.
(...) la mémoire de l'artiste ne réside pas dans sa main, mais dans son coeur et dans son âme (...).
- Les miniatures, tout comme les livres commandités par les souverains et les grands personnages, sont là pour proclamer leur puissance, (...). Nos mécènes admirent nos oeuvres, avec leur profusion de feuilles d'or et les heures innombrables de travail que nous y passons, jusqu'à y perdre parfois notre vue, parce qu'ils sont la preuve de leur opulence. La beauté du dessin, tout comme l'or dépensé ont un sens parce que le travail, pour y parvenir, est une denrée rare et précieuse.
Peindre à la perfection une figure équestre, c'est encore et toujours - et seulement - rendre hommage au vrai Créateur, avouer et montrer, par les couleurs mêmes de la vie, notre émoi devant l'opulence du monde qu'Il a créé.
(...) l'amour vient après le mariage. N'oublie pas ceci : quand les feux de l'amour nous dévorent avant le mariage, le mariage vient les éteindre, et ne laisse qu'un tas de cendres désolé, alors que l'amour qui naît après le mariage finit lui aussi par s'éteindre, mais pour laisser la place au bonheur. Malgré cela, il y a des imbéciles qui tombent amoureux avant, et qui jettent en vain leur amour dans les flammes. Tout ça pour quoi? parce qu'ils se figurent que l'amour est dans la vie ce qu'il y a de meilleur.
(...) signature et style n'expriment qu'un ridicule et naïf orgueil de ses propres défauts.
Nous étions deux à aimer la même femme, lui devant, moi derrière qu'il ne voyait pas, et quand nous entrâmes, dans ce dédale que désertent, à l'heure qu'il était, les meutes belliqueuses de chiens errants, dans cet Istanbul silencieux, où les djinns sont embusqués parmi les ruines calcinées, où, dans la cour des grandes mosquées, les anges se blottissent dans le creux des coupoles, au chevet des cyprès qui murmurent avec les fantômes, des cimetières grouillants de spectres et couverts de neige, frôlant tous deux les mêmes égorgeurs à l'affût, les mêmes échoppes innombrables, les étables et les couvents, les fabriques de chandelles, les tanneries, je crois que je n'étais plus son poursuivant, ni lui, le poursuivi, mais que je l'imitais, et qu'il était mon frère.
Les livres, que nous croyons à même de soulager nos infortunes, ne font que les approfondir.
Nous avons tout d'abord, sur une double page du Livre des Victoires récupérée dans la chambre d'un des jeunes princes, et qui représentait la cérémonie des funérailles de Soliman le Magnifique au cours du siège de Zigetvâr, examiné l'attelage funèbre, composé de deux chevaux tristes, couverts de housses somptueuses et de selles rehaussées d'or, l'un alezan avec une tache blanche au front, l'autre gris, aux yeux de gazelles.
Regardez ! Je suis un écu ottoman, en or à vingt-deux carats, arborant les emblèmes de Sa Glorieuse Majesté, Rempart de l'Univers.
Vos eux grandissent, vos yeux reflètent mon éclat ; vous admirez cette lueur que me prête celle des lampes, et vous sentez monter en vous l'envie d'être à la place de mon maître ! Et vous avez raison, puisque je suis l'arbitre, l'étalon du talent.