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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mon très cher Giovanni !

Cessons de nous voiler la face. Je veux que les choses soient claires entre nous. Vous êtes Gog, et lorsque vous vous dédommagiez de vos propos, en prétextant rapporter le récit d'un milliardaire fou enfermé au coeur d'un asile, en réalité, vous exposiez vos théories les plus provocantes aux oreilles de ceux qui avaient le bon goût de ne pas en penser un mot.

Maintenant que vous n'avez plus de secret à me dissimuler, parlons-nous en toute franchise. Quelle chance, pour vous, que vous soyez mort en 1956 ! Si vous aviez été contraint de vivre jusqu'à présent, auriez-vous résisté à tous les nouveaux déchaînements de misanthropie que vous aurait inspirée la déchéance de nos années modernes ? Mais quel malheur, pour nous, que vous n'ayez pas survécu jusqu'à présent ! Combien de nouveaux Gog auriez-vous dû inventer pour vous justifier de toute la haine légitime que vous auriez ressentie à l'égard de ces six dernières décennies ?

Mais je dois vous confier un secret…
Usant de tous les progrès techniques qui ont précipité peu à peu notre monde dans sa déchéance actuelle, j'ai trouvé le moyen de vous ressusciter. J'ai mûrement réfléchi à cet acte, et j'ai compris qu'il était nécessaire de vous faire revenir à la vie. Je vous l'avoue, j'ai été contraint d'utiliser l'arme que vous avez la plus violement condamnée –la science- pour que vous reveniez enfin parmi nous, et que vous parveniez, grâce à ma protection et à mon influence, à l'éradiquer totalement de notre planète.

Vous ne le saviez sans doute pas, mais les prochaines élections présidentielles se tiendront l'an prochain. Nous avons peu de temps, mais si nous travaillons de manière efficace, nous réussirons à nous imposer sur la scène politique, à faire valoir vos paroles, à dérouler vos promesses et à accéder au palais présidentiel. Vous pourrez enfin réaliser tous les projets que vous aviez esquissés dans votre livre, le bien-nommé Gog.

Sous votre règne, la culture deviendra enfin un espace privilégié pour la découverte d'artistes que la décence avait tus jusqu'à présent. Nous lirons des poèmes dont chaque mot appartient à une langue différente, nous nous pâmerons d'extase aux sons des concerts silencieux, les sculptures n'envahiront plus le paysage et disparaîtront sitôt achevées, et, surtout, nous brûlerons tous ces vieux ouvrages réputés de littérature, tout juste bons à rendre fous leurs lecteurs décérébrés !

Au feu les anciennes moeurs héritées de nos aïeux consanguins ! Nous cesserons d'irriter le regard des autres en leur imposant nos figures, et nous cacherons nos visages sous une panoplie de masques adaptés à notre humeur. Une envie de chair humaine ? Pourquoi s'en priver ? Sous prétexte que les autres méritent de vivre autant que nous, devrions-nous nous priver du plaisir de les achever à la hache pour nous repaître de leur chair ? Tout ceci appartenait aux bonnes manières du passé ! Heureusement, grâce à vous, ces préjugés d'un autre siècle s'effaceront d'un coup de fouet ! Les cannibales ne craindront plus de se laisser aller à leurs envies, et les procès aux innocents, que vous organiserez chaque semaine, condamneront au contraire ceux qui n'auront pas su se laisser aller à leurs instincts les plus fondamentaux.

Et puisque plus rien, sur Terre, des distractions que nous avons connues, ne semblait encore vous réjouir, nous détruirons toutes ces villes qui ont abrité les plus infâmes depuis que l'homme a eu cette ridicule idée de se terrer dans des trous à rats, espérant par le moyen de l'enfermement physique s'enrichir spirituellement. Nous avons bien compris, depuis le temps, que tel n'était pas le cas. Nous détruirons tout ! Et, fidèles à vos idées, nous reconstruirons des villes bâties comme des oeuvres d'art, nous érigerons des monuments gigantesques qui iront jusqu'à percer ce ciel que vous détestez, nous irons faire vaciller les anciens Dieux pour laisser place au culte de l'Egôlatrie, et nous reformerons les montagnes, construirons de nouvelles terres et de nouvelles mers que nous teindrons de toutes les couleurs !

Je ne vous laisse pas la possibilité d'accepter ou de refuser mon offre.
Il faut que vous me souteniez, et si vous ne désirez pas paraître aux yeux de notre population, aidez-moi au moins à construire mes discours, à développer mes argumentaires, à convaincre le peuple que vous aviez raison ! Pour votre dernière expérience, vous avez, en ma personne, l'incarnation matérielle de Gog. Je me soumets entièrement à vous. Insufflez-moi vos idées, dictez ma conduite et conduisez mes pas, cela m'est égal, tant que nous parvenons à faire de vos théories une réalité !

Bien à vous,

Votre futur Gog
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En 4ème de couverture, on trouve des références à Ubu, Maldoror, Fantômas ou Maravagine. Quel est le rapport avec Gog ? Aucun. Si on veut à tout prix trouver des équivalences, il faut les chercher du côté de "La Nef des fous", Borges ou Calvino.

Dans la préface, l'auteur nous avertit. Alors qu'il rendait visite à un ami dans un asile psychiatrique, il fait la connaissance d'un patient qui lui fait lire un espèce de journal qu'il aurait écrit. C'est ce dernier qui est reproduit dans la suite du livre.

Gog serait extra-riche. Sa fortune lui permettant d'aller et rencontrer qui il veut. Alors, il ne se prive pas de voyager dans le monde entier, d'engloutir des fortunes pour des projets démesurés. Rendre visite à des célébrités (Gandhi, Einstein, Freud, HG Wells, GB Shaw, Knut Hamsum, ...), rencontrer des excentriques en mal de subventions, visiter des lieux imaginaires ou créer des collections improbables. C'est le compte-rendu de chacune de ces rencontres qui constitue ce journal.

Gog est misanthrope mais qui ne le serait pas après avoir rencontré cette foule de charlatans. Gog est déprimé, on le serait à moins, si toute son existence, on ne cherche qu'à trouver un sens à sa vie et un moyen pour dépenser sa fortune. Il lui suffirait tout simplement de vivre.

A lire et à relire
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Publié pour la 1re fois en 1932, ce recueil de courtes histoires, écrites sur le ton de l'anecdote, a tout du grand livre. D'une élégance rare, d'une finesse sans pareille, et terriblement mordante, l'écriture de Papini se rapproche du conte philosophique, invitant à la réflexion... mais aussi à la rigolade. Très pince-sans-rire, le personnage de Gog, milliardaire désabusé et misanthrope marque les esprits durablement.
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Je ne pourrais pas parler de ce livre en restant raisonnable!
A la fois roman, journal de bord, essai, uchronie, incluant des passages poétiques et des dialogues complètement barrés dans le fond mais d'une classe inégalable dans la forme, ce livre ne cesse de se renouveler à chaque nouvelle lecture !

Giovanni Papini nous avertit dans la préface : Gog est tiré du journal de bord d'un patient de clinique psychiatrique, rencontré alors qu'il allait rendre visite à un de ces amis. Intrigué par la teneur de ses écrits, par la virulence de ses jugements, par la grande diversité des personnes et des pays qu'il a rencontrés au cours de sa vie de milliardaire désoeuvré, Giovanni Papini a voulu en faire profiter ses lecteurs. S'attardant davantage sur l'originalité des opinions de Gog, aucun jugement de valeur ne sera porté sur ce récit. Au lecteur de séparer le bon grain de l'ivraie, à moins que le lecteur, comme moi, ne trouve rien à jeter !

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Non, vous ne lisez pas 666 sur la couverture de ce livre mais GOG, le nom de son narrateur. Il partage avec le nombre de la Bête un côté terrifiant et ultime. Gog est un milliardaire. Il a tout vu, voyagé dans tous les pays d'un monde qui pourrait lui appartenir en entier. Malgré les diverses opportunités, il n'a hélas jamais réussi à combler son ennui, son manque d'attrait pour l'humanité en général. « La terre est une boule d'excréments desséchés et d'urine verte. Et point d'occupations convenables et dignes, pour qui se sent les appétits et les fantaisies d'un titan ». Gog, le livre, est une longue suite de textes très courts relatant des expériences et rencontres faites par Gog, le blasé absolu. Einstein, Freud, Edison, Hamsun, Ford, des scientifiques, des savants fous, des illuminés, tous le rencontrent et lui livrent leurs idées les plus profondes, mais rien ne vient à bout de son ennui et de son pessimisme. Alors Gog prend les devants! Désespéré par l'humain, il va redonner sa place à la nature : il rachète rue par rue un quartier de New York et reconstruit à sa place une forêt vierge luxuriante ! Il crée aussi des collections, par exemple : les géants. Il fait chercher à travers le monde les plus grands spécimens humains et les réunit dans une prairie de Louisiane, où ils finissent par devenir fous car ils ne sont plus admirés par personne, évoluant uniquement entre géants... Puis il collectionnera les sosies, puis des coeurs de cochons maintenus en vie par des scientifiques fous... Autant d'incongruités et de folies qui ne feront pas pour autant de lui l'homme épanoui qu'il pourrait être... Ce texte fou parut en 1932. Il est grand temps de le relire aujourd'hui, détaché de la réputation sulfureuse de son auteur qui prit parti pour Mussolini, et qui aurait mieux fait de nous donner beaucoup d'autres textes aussi jouissifs !
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