A l'orée du XXe siècle, les pentes montmartroises, suspendues entre le vacarme des boulevards et le silence du sommet, sont encore creusées de gorges, parfois profondes, résultant de l'extraction du gypse. Seule la rue de l'Empereur, actuelle rue Lepic, permet aux habitants de gravir la colline par le flanc sud-ouest. En haut de cette rue, le Moulin de la Galette, tenu par les Debray, descendants du meunier héroïque de 1814 qui fut tué par les Cosaques en défendant la Butte, est un lieu bon enfant, une guinguette qui date d'avant la Révolution : on y venait alors le dimanche manger de la galette et boire un verre de vin sous les frondaisons. Depuis, les ailes des deux moulins, le Blute-Fin et le Radet, ont cessé de tourner, mais pas les couples, qui voltigent au son de l'accordéon d'un honnête bal musette. A la belle saison, le jardin, assez vaste, est aménagé avec des tables disposées près des jeux de boules et de tir.
L'histoire de l'art au XIXe siècle est une perpétuelle révolution, et l'impressionnisme n'avait pas fini de choquer qu'une nouvelle avant-garde le talonnait déjà. Une fois encore, Montmartre est le théâtre de ces bouleversements esthétiques en accueillant le jeune peintre Georges Seurat, né en 1859, qui laisse au début des années 1880 l'appartement familial du boulevard Magenta et son premier atelier de la rue de Chabrol, pour emménager au 128 bis boulevard de Clichy....Tout près de son atelier, au 130 du boulevard, un autre jeune artiste, Paul Signac, a pris ses quartiers. Géographiquement si proches, leurs noms seront unis dans une complicité artistique profonde, et surtout dans la même passion apportée à renouveler la peinture. Avec eux, naissent les néo-impressionnistes.