Plus dure sera la chute
Deuxième volet d'un trilogie, démarrée par «
La guerre est une ruse », ces prémices font littéralement froid dans le dos.
Frédéric Paulin repart de 1996 : l'enlèvement des moines de Tibhirine, la guerre en Bosnie, Sarajevo et la Brigade El Moudjahidine, des attaques de supermarchés dans le nord de la France… autant d'événements qui concourrent à une internationalisation du djihad et la montée en puissance d'AL Qaïda, d'Oussama Ben Laden jusqu'aux attentats du World Trade Center qui cloturent ce deuxième volet en 2001.
On retrouve dans ce récit tout ce qui a fait la puissance narrative du premier opus : aussi bien traité politique qu'humain, le livre combine ce qui caractérise la complexité d'un sujet tel que le djihadisme.
Tedj Benlazar a repris du service malgré ses problèmes psychologiques. Il gère sa carrière professionnelle, sa relation avec une jeune femme, celle qu'il renoue ou tente de renouer avec sa fille, survivante de l'incendie qui a détruit sa famille et par là même sa vie. Il est envoyé à Sarajevo où il fait le lien entre la Brigade El Moudjahidine et la montée du djihadisme en France. Comme son mentor dans le tome 1, il a la préscience des catastrophes à venir.
Mais sa hiérarchie, comme celles d'autres puissances comme les Etats-Unis, est incapable de discerner le vrai du faux dans ce que dit Tedj, incapable de voir la vérité derrière le complotisme des propos de Tedj. Les relations compliquées entre les différents services de sécurité, DST, DGSE, RAID, n'arrangent rien, au contraire.
La fille de Tedj entretient une relation avec un journaliste, d'origine bosniaque, qui, aiguillé par Tedj, va se rendre en Bosnie puis en Afghanistan, sur les traces du gang de Roubaxi puis d'Oussama Ben Laden, pour tenter de faire la lumière que Tedj ne parvient pas à diriger sur ce qui se déroule sous les yeux de tous les services de sécurité.
Mais tout comme dans le premier tome où le terrorisme touchait avant tout les populations locales algériennes, ici aussi, ce ne sont pas seulement les occidentaux qui se retrouvent dans l'oeil du cyclone mais des peuples entiers, d'Europe de l'Est aux terres afghanes.
Frédéric Paulin démontre à quel point non seulement le djihad a été conduit par des islamistes fanatiques mais combien il a été mené par des êtres de toutes origines, de toutes nationalités, de toutes cultures. le vers est dans le fruit : pour mieux s'exporter à l'international, sur les terres impies directement, le djihadisme a d'abord importé le monde chez lui, pour mieux le gangrenner, pour mieux le pervertir.
Cette osmose maléfique trouve son apogée dans la figure même d'Oussama Ben Laden. Comme un pied de nez lancé aux occidentaux dans leur ensemble, Reif Arno part sur des chemins de traverse pour le rencontrer, attérit dans le camp d'entraînement d'al Qaïda et le croise sans le savoir, le cottoie sans le découvrir, le fréquente et l'apprécie prresque comme si la bête se cachait derrière le masque de la sagesse et de la religion, en tout cas d'une certaine image de la sagesse et de la religion. La grande leçon de tout cela est que le monde occidental a regardé le phénomène d'al Qaïda avec ses propres yeux, au prisme de ses propres croyances, en fonction de ce qu'il voulait y trouver et non pas en fonction de ce que voyait, croyait ou voulait le camp d'en face.
Petite histoire et grande histoire nous reviennent en pleine tête pour mieux nous montrer que les signes étaient là mais qu'on ne les a pas vu ou quon n'a pas voulu les voir, qu'on n'a pas su les décrypter, les analyser, les comprendre pour les contrecarrer. Il n'est pas question de complotisme, il n'est pas question de fatalisme, mais il est question d'une inévitable conjonction de situations qui mises bout à bout ne pouvaient amener qu'à la situation actuelle.
La très grande force de
Frédéric Paulin est d'éclairer le présent à la lumière du passé… et inversément.
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