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Citations sur Le Songe de Scipion (22)

Pensez-vous que la tranquillité d'un millier d'êtres efface la mort injuste d'une seule personne ? Elle peut être désirable, elle peut vous gagner les louanges de ceux qui ont eu la chance de survivre et de prospérer grâce à vos actes, mais vous en avez commis d'ignobles que votre fierté vous a empêché de reconnaître comme tels. J'ai attendu patiemment, dans l'espoir que vous viendriez me voir, car si vous aviez compris ce que vous avez fait, cela aurait atténué l'ignominie de certaines de vos actions. Au lieu de cela, vous m'avez envoyé ce manuscrit plein d'orgueil et d'assurance, et qui ne fait que démontrer combien vous n'avez absolument rien compris.
- C'est sur vos conseils que je suis redevenu un homme public, madame, répondit-il d'un ton guindé.
- En effet. Je vous l'ai conseillé. J'avais dit que si la culture devait mourir, autant qu'elle ait un ami à son chevet. Pas un assassin. »
Elle leva la tête vers lui, les larmes aux yeux.
« Tu as été mon dernier élève, Manlius. Et tes actes font désormais partie de mon héritage tout autant que du tien Tu as pris mon bien et l'as corrompu. Tu as utilisé ce que je t'ai appris pour tuer et pour justifier tes crimes. Cela, je ne te le pardonnerai jamais. »
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« À propos, le manuscrit de cet évêque que vous m'avez apporté... Il affirme que la compréhension est plus importante que l'action. L'acte n'est vertueux que si son motif est parfaitement compris et la vertu naît de la compréhension, pas de l'action. »
Olivier fronça les sourcils.
« Et alors ?
- Mon cher garçon, je dois vous révéler un secret.
- Lequel ?
- Je crois vraiment que c'est faux »
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Avant qu'une telle opération ait seulement pu etre envisagée, et surtout mise en oeuvre, il a fallu des centaines d'années afin de développer les compétences et affiner les méthodes. Et aujourd'hui l'heure a sonné. L'heure est venue de mettre en pratique toutes les techniques de la civilisation.
Peux-tu imaginer une réussite plus impressionnante, plus durable ? Elle durera éternellement et ne pourra jamais être détruite. Quels que soient les bienfaits qu'on apporte à l'humanité, on aura tué les Juifs. Quelle que soit l'ampleur des progrès de la médecine, on les aura tués. Quels que l'envergure de nos succès, notre degré de perfection, voilà ce qui se trouve au fond de nous. Non pas par accident ou dans un accès de rage. Nous l'aurons fait de propos délibéré et après des siècles de préparation.
Quand tout sera terminé, on essaiera de considérer les Allemands comme les uniques responsables, les Allemands rejetteront la faute sur les nazis, et les nazis sur le seul Hitler. On lui fera porter tous les péchés du monde. Mais ce n'est pas vrai. Tu te doutais de ce qui se passait, et moi aussi. C'était déjà trop tard il y a plus d'un an. J'ai fait perdre son travail à un journaliste parce que tu me l'avais demandé. Il a été déporté. Le jour où j'ai fait cela, j'ai apporté ma petite contribution à la civilisation, la seule qui compte.
- Si tu penses ce que tu dis, alors pourquoi n'as-tu pas rejoint Bernard ?
- Parce qu'il ne vaut pas mieux. Il a promis de faire sortir Julia de France, et il n'en a rien fait car il avait besoin a elle pour fabriquer de faux papiers pour lui. Si ça faisait
courir des risques à Julia, eh bien, tant pis ! Et qu'importe si elle se faisait pincer ! Il s'intéresse uniquement à l'avenir... Entre-temps, ses camarades tuent des soldats et placent des bombes dans des casernes. Ils ne sabotent pas beaucoup de convois qui transportent des Juifs. Cela ne constitue pas une priorité. Ils ont des choses plus importantes à faire.
"Le mal commis par des hommes de bien est le pire de tous". Voilà ce qu'affirme mon évêque néoplatonicien, et il a raison. Il le savait de première main. Nous avons fait des choses atroces pour les meilleures raisons du monde, et c'est pire que tout.
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« À Verdun, commença-t-il tranquillement, j'ai vu des choses plus affreuses que tu ne peux l'imaginer. J'ai vu se déchirer le tissu de la civilisation. Plus les règles se relâchaient, plus les gens se sentaient libres de faire ce qu'ils voulaient. Ce qui l'affaiblissait encore plus. Alors, j'ai décidé que le plus important était de protéger la civilisation pour qu'elle survive. Sans ce réseau de croyances et d'habitudes, nous sommes pires que des bêtes. Les animaux sont bridés par les limites de leur cerveau et par leur manque d'imagination. Pas nous.
» C'est donc ce que j'ai tenté de faire, toute ma vie, à mon faible et insignifiant niveau. Tout vaudrait mieux qu'un écroulement semblable, parce que j'étais sûr qu'un nouvel effondrement serait définitif. Il n'y aurait plus moyen de revenir en arrière. Et je me suis dit que quoi que fassent les politiciens ou les généraux, ils n'étaient que des barbares et que le reste de l'humanité devait protéger de leur emprise ce qui était vraiment important, entretenir la flamme vacillante. Les gens comme toi et Bernard, voilà ce que je détestais le plus. Vous n'étiez ni l'un ni l'autre assez honnêtes pour admettre que vous vouliez juste le pouvoir.
» J'avais tort, et je ne m'en suis rendu compte que lorsque tu m'as annoncé que Julia avait été dénoncée par la femme du forgeron du village. Bizarre, tu ne trouves pas ? J'ai vu la guerre, des invasions et des émeutes. J'ai entendu parler de massacres, de brutalités inimaginables, mais j'ai gardé ma foi dans la capacité de la civilisation de ramener les hommes du bord du gouffre. Et cependant, une seule femme écrit une lettre, et tout mon univers s'écroule.
» Tu vois, c'est une femme ordinaire. Une brave femme, même. C'est précisément là le problème. Toi, tu n'es pas un brave homme. Bernard non plus. Rien de ce que vous êtes susceptibles de faire, l'un et l'autre, ne peut me surprendre, me tracasser, me choquer. Mais elle, elle a dénoncé Julia et l'a envoyée à la mort, parce qu'elle était jalouse d'elle et parce que Julia est juive.
» Je croyais que l'opposition était claire entre les civilisés et les barbares, et j'avais tort. Ce sont les civilisés qui sont les vrais barbares et les Allemands ne sont que la suprême incarnation de la barbarie. Ils représentent notre plus grande réussite. Ils édifient un monument qui ne sera jamais abattu, même quand eux auront été balayés de notre sol. Ils nous donnent une leçon qu'on entendra encore pendant des siècles et des siècles. Manlius Hippomanes a enfoui ses idées dans l'Église et ces idées ont survécu à la fin de son monde. Les nazis font la même chose. Ils nous tendent un miroir en s'exclamant : "Regardez ce que nous avons tous réussi à faire ensemble !"
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L'action est l'activité de l'âme rationnelle qui hait l'irrationalité, doit la combattre ou être corrompue par elle. Quand cette âme voit l'irrationalité chez les autres, elle doit chercher à la corriger, soit par l'enseignement, soit en s'engageant elle-même dans les affaires publiques et en effectuant la correction par la pratique. Le but de l'action est de permettre à la philosophie de survivre, car si les hommes ne s'élèvent pas au-dessus du niveau du matériel ils sont réduits à l'état de bêtes. »
Phrase remarquable qui frappa Julien, Manlius renversant complètement l'orthodoxie, qu'elle fût platonicienne ou chrétienne. Le but de la civilisation est de civiliser, celui de l'action de perpétuer la société car ce n'est qu'en société que la philosophie peut vraiment exister. Seul un homme constatant que la civilisation risquait de disparaitre pouvait reformuler de cette façon des idées classiques.
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Seule personne de toute la ville indifférente à la peste, il déambula dans les rues tout l'après-midi et même après la tombée de la nuit. Il savait parfaitement que la maladie n'avait aucun pouvoir sur lui et que, même si elle risquait un jour de l'emporter, cela n'arriverait que lorsqu'il aurait pris la décision qu'il lui faudrait prendre tôt ou tard.
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Il montra quelque circonspection dans ses réponses pour se donner un peu de temps. Et avec le temps, vint l'espoir, car ce ne sont que les deux faces d'une même médaille.
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Les temps avaient changé depuis l'époque des ambassades de ses ancêtres, dont la munificence pouvait à elle seule suffire à forcer un prince barbare, facilement ébloui par une telle opulence, à faire allégeance. Adorez-moi et tout cela vous appartiendra ! Rome avait survécu et prospéré pendant des siècles en utilisant les paroles du diable.
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_ Non, Bernard n'est pas un homme bon. Il possède de nombreuses qualités estimables : il est intelligent, drôle, dynamique, de bon conseil s'il n'est pas lui-même affecté par les conséquences de l'affaire. Mais il n'est pas bon. Il ne s'intéresse pas aux gens et ne les comprend pas. Il aime la classe ouvrière, mais les ouvriers le dégoûtent. Marcel, au contraire, aime les ouvriers, et déteste la classe ouvrière.
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"La politique vous ennuie ?" demanda Brosen.
Julien sourit.
"En effet. Toutes mes excuses, monsieur. Ce n'est pas que je n'aie pas essayé de m'y intéresser, mais des recherches méticuleuses et approfondies m'ont permis d'émettre l'hypothèse que tous les hommes politiques sont des menteurs, des imbéciles ou des filous, et je n'ai rien encore trouvé qui me fasse changer d'avis. Ils peuvent causer de grands dommages et ne font que rarement de bonnes choses. Le citoyen lucide a le devoir de protéger la civilisation de leurs déprédations."
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