-Eh, toi, tu es nouveau par ici ?
-D’où viens-tu ?
-Qu’est-ce qu’il fait, ton père ?
-T’as quel âge ?
-T’es en quelle classe ?
-Tu sais jouer au Belvédère ?
Des questions d’enfants.
Mais la plus fréquente était justement celle que le loup venait de poser à
l’intérieur de sa tête:
-Comment tu t’appelles ?
Et personne ne comprenait jamais la réponse du garçon.
-Je m’appelle Afrique.
-Afrique? C’est pas un nom de personne, ça, c’est un nom de pays !
On riait.
-C’est pourtant comme ça que je m’appelle: Afrique.
Un œil jaune, tout rond, avec, bien au centre, une pupille noire. Un œil qui ne cligne jamais. C'est tout à fait comme si le garçon regardait une bougie allumée dans la nuit; il ne voit plus que cet œil : les arbres, le zoo, l'enclos, tout a disparu. Il ne reste qu'une seule chose : l'œil du loup. Et l'œil devient de plus en plus gros, de plus en plus rond, comme une lune rousse dans un ciel vide, avec, en son milieu, une pupille de plus en plus noire, et des petites taches de couleurs différentes qui apparaissent dans le jaune brun de l’iris, ici, une tâche bleue (bleue comme l’eau gelée sous le ciel) là, un éclair d’or, brillant comme une paillette.Mais le plus important, c’est la pupille, la pupille noire !
-Tu as voulu me regarder, eh bien regarde-moi !
…Et c’est quand tout est devenu noir, absolument noir, qu’il découvre ce que personne n’a jamais vu dans l’œil du loup : la pupille est vivante…
Debout devant l'enclos du loup, le garçon ne bouge pas. Le loup va et vient. Il marche de long en large et ne s'arrête jamais.
"M'agace, celui-là..."
Voilà ce que pense le loup. Cela fait bien deux heures que le garçon est là, debout devant ce grillage, immobile comme un arbre gelé, à regarder le loup marcher.
"Qu'est-ce qu'il me veut?"
C'est la question que se pose le loup. Le garçon l'intrigue. Il ne l'inquiète pas (le loup n'a peur de rien), il l'intrigue.
Œil dans l'œil, tous les deux. Avec le grondement de la ville en guise de silence. Depuis combien de temps se regardent-ils ainsi, ce garçon et ce loup ? Le garçon a vu le soleil se coucher bien des fois dans l'œil du loup. Non pas le froid soleil de l'Alaska (celui-là, avec sa lumière si pâle, on ne sait jamais s'il se couche ou s'il se lève...), non, le soleil d'ici, le soleil du zoo qui disparaît chaque soir quand les visiteurs s'en vont. La nuit tombe alors dans l'œil du loup. Elle brouille d'abord les couleurs, puis elle efface les images. Et la paupière du loup glisse enfin sur cet œil qui s'éteint. Le loup reste là, assis face au garçon, bien droit.
Mais il s'est endormi.
Alors le garçon quitte le zoo, sur la pointe des pieds, comme on sort d'une chambre.
Oeil dans l'oeil, tous les deux. Avec le grondement de la ville en guise de silence.
Il avait compris une chose très simple : les troupeaux n’ont pas d’ennemis. Si le lion ou le guépard mange une chèvre de temps en temps, c’est qu’il a faim.
- Bizarre, dit le gorille, P'pa Bia n'a jamais pu se mettre dans la tête que tu les guéris tous.
- Tais-toi, grosse bête, répondit M'ma Bia, c'est pour me faire plaisir qu'il fait semblant de s'étonner.
- Ah ! bon... fit le gorille.
Œil dans l’œil, tous les deux. Avec le grondement de la ville en guise de silence. Depuis combien de temps se regardent-ils ainsi, ce garçon et ce loup ? Le garçon a vu le soleil se coucher bien des fois dans l’œil du loup. (...) La nuit tombe alors dans l’œil du loup. Elle brouille d'abord les couleurs, puis elle efface les images. Et la paupière du loup glisse enfin sur cet œil qui s’éteint. Le loup reste là, assis face au garçon, bien droit.
Mais il s'est endormi.
Alors le garçon quitte le zoo, sur la pointe des pieds, comme on sort d'une chambre.
Il avait pris l'habitude de la solitude. Il préférait ses souvenirs à une compagnie.
-Tu ris trop, grondait Loup Bleu, ce n'est pas sérieux .
-Et toi, tu es trop sérieux, ce n'est pas drole.