Citations sur Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? (28)
De temps à autre, il est bon qu’un poète, que n’effraie pas l’air raréfié des cimes, ose s’élever au dessus du vulgaire pour. dans un souffle épique, exalter notre aujourd’hui.
Et le matin, le Pollak Henri, il renfilait la tenue militaire, la chemise kaki, le pantalon kaki, le calot kaki, la cravate kaki, le blouson kaki, l'imperméable beige et les chaussures marronnes, il remontait sur son pétaradant petit vélomoteur (à guidon chromé) , il refaisait, le coeur gros, le trajet dans le sens inverse, abandonnant ses chers bouquins, nous ses potes, sa piaule et sa bien-aimée, et même son natal Montparnasse (car c'est là qu'il était né) et réintégrait le Fort Neuf de Vincennes, où l'attendait une dure journée pareille à toutes celles que le bon Dieu de bon Dieu de Saloperie de Service militaire lui faisait depuis quatre cent soixante et onze jours et lui ferait encore ( mais n'anticipons pas) pendant trois cent soixante et dix et neuf.
nous étions un peu vexés d'avoir à nous compromettre en la compagnie d'un individu qui n'était même pas politiqué ; nous nous en voulions de déployer tant d'efforts pour sauvegarder la tranquillité d'un qui ne demandait rien d'autre qu'à rester à se la couler douce dans la couche de celle qu'il avait dans la peau, cependant que ses petits copains montaient la garde devant les institutions au péril de leur honneur, et qui semblait n'accorder qu'une importance restreinte, voire dérisoire, à la Liberté, à la Démocratie, aux Idéaux humains, au Socialisme et tout le tremblement.
C'aurait pu être un abstrait arménien de l'École de Paris, un catcheur bulgare, une grosse légume de Macédoine, enfin un type de ces coins-là, un balkanique, un Youghourtophage, un Slavophile, un Turc...
(p.11)
Défaillir à ce moment se sentit le brave Karadigme. Et quand son nom, que cinq générations et demie de Karadigme avaient porté sans même s’en rendre compte et lui avaient livré pieds et poings liés, tomba de la bouche en cul de poule du lieutenant Lariflette, qui d’ailleurs l’estropia (le nom seulement, hélas, et pas la personne : subtil distinguo dont je me fais fort de tirer illico presto maints développements divertissants et vertigineux ; mais l’heure est grave et je dois poursuivre : Ah ! Littérature ! Quels tourments, quelles tortures ton sacro-saint amour de la continuité ne nous impose-t-il pas !)…
Où en étais-je ?
.... qui aurait bien voulu se trouver ailleurs, par exemple dans son Montparnasse natal, où qu'il était naquis ....
(p.18)
Il leur ferait comprendre que s’il y avait quelqu’un de zinzin dans le régiment, c’était bien lui, et que les crises de maspéroclastie bavotante du capitaine Dumouriez, c’était de la bibine à côté de ce qu’il avait.
Enfin ,sur le coup de neuf heures moins le quart, alors que le désespoir aux doigts crochus et aux dents déchaussées commençait à envahir la place ,Karajeanne fit son entrée , très applaudi.
Et pour mettre Karafalck à l'aise, nous tentâmes de le faire parler et à brûle-tourcoing nous lui demandâmes de but en blanc ce qu'il pensait de la guerre, s'il était pour ou s'il était contre. C'était, le lecteur s'en souviendra peut-être, une question fort à la mode à cette époque et peu de jours s'écoulaient sans qu'elle suscitât quelque débat, public ou privé. Mais nous avions, à la poser, un intérêt tout particulier :
d'aucuns claquant de la langue, opinant du bonnet, branlant du chef et frisant leurs moustaches, donnaient le signeau de l'hihilarité générale.