Holà, gardeur de troupeaux, sur le bas-côté de la route, que te dit le vent qui passe ?."
" Qu'il est le vent, et qu'il passe, et qu'il est déjà passé
et qu'il passera encore.
Et à toi, que te dit-il ?"
"Il me dit bien davantage.
De mainte autre chose il me parle, de souvenirs et de regrets, et de choses qui jamais ne furent."
" Tu n'as jamais ouï passer le vent.
Le vent ne parle que du vent.
Ce que tu lui as entendu dire était mensonge, et le mensonge se trouve en toi.
Voici peut-être le dernier jour de ma vie.
J’ai salué le soleil en levant la main droite,
mais je ne l’ai pas salué en lui disant adieu !
Non, plutôt en faisant signe que j’étais heureux de le voir.
C’est tout.
XL
Un papillon passe devant moi
Et pour la première fois dans l’Univers
Je remarque que les papillons n’ont ni couleur ni mouvement
Pas plus que les fleurs n’ont de parfum ni de couleur.
C’est la couleur qui est couleur sur les ailes du papillon.
Chez le papillon, c’est le mouvement qui est mouvement.
C’est le parfum qui est parfum dans le parfum de la fleur.
Le papillon n’est qu’un papillon
Et la fleur n’est qu’une fleur.
7 mai 1914
XL
Un papillon passe devant moi
Et pour la première fois dans l’Univers
Je remarque que les papillons n’ont ni couleur ni mouvement
Pas plus que les fleurs n’ont de parfum ni de couleur.
C’est la couleur qui est couleur sur les ailes du papillon.
Chez le papillon, c’est le mouvement qui est mouvement.
C’est le parfum qui est parfum dans le parfum de la fleur.
Le papillon n’est qu’un papillon
Et la fleur n’est qu’une fleur.
7 mai 1914
/Nouvelle traduction du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Rémy Hourcade et Fabienne Vallin.
Je suis un gardeur de troupeaux.
Le troupeau, ce sont mes pensées.
Et mes pensées sont toutes sensations.
Je pense avec les yeux et avec les oreilles
Et avec les mains et les pieds
Et avec le nez et la bouche.
Penser une fleur, c'est la voir et la respirer
Et manger un fruit c'est en savoir le sens.
C'est pourquoi lorsque par un jour de chaleur
Je me sens triste d'en jouir à ce point,
Et que je m'étends de tout mon long dans l'herbe,
Et que je ferme mes yeux brûlants,
Je sens mon corps entier étendu dans la réalité,
Je connais la vérité et suis heureux.
Parfois je me mets à regarder une pierre.
Je ne me mets pas à penser si elle sent.
Je ne me perds pas à l'appeler ma soeur
Mais je l'aime parce qu'elle est une pierre,
je l'aime parce qu' elle n'éprouve rien,
je l'aime parce qu'elle n'a aucune parenté avec moi.
D'autres fois j'entends le vent,
et je trouve que rien que pour entendre passer le vent, il vaut la peine d'être ne.
Et Il ne nous donnera plus rien parce que nous en donner plus serait nous en retirer.
Je n'ai ni ambition ni désir.
Être poète n'est pas mon ambition.
C'est ma façon à moi d'être seul.
Lorsque reviendra le printemps…
Lorsque reviendra le printemps
peut-être ne me trouvera-t-il plus en ce monde.
J’aimerais maintenant pouvoir croire que le printemps est
un être humain afin de pouvoir supposer qu’il pleurerait
en voyant qu’il a perdu son unique ami.
Mais le printemps n’est même pas une chose : c’est une
façon de parler.
Ni les fleurs ne reviennent, ni les feuilles vertes.
Il y a de nouvelles fleurs, de nouvelles feuilles vertes.
Il y a d’autres jours suaves.
Rien ne revient, rien ne se répète, parce que tout est réel.
/Traduction : Armand Guibert
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Être poète n'est pas une ambition que j'aie
C'est ma manière à moi d'être seul.
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