En juin, j'étais dans ma librairie préférée, et le libraire discutait de la rentrée littéraire prochaine. Je laissais traîner mon oreille, mine de rien, et j'ai entendu des mots qui m'ont accrochée : « maternité », « crise de la quarantaine », « remise en question », « vie de femme et de mère ». le libraire m'a gentiment noté le titre en question, et j'ai passé l'été à guetter sa sortie.
Et le voici. Un roman (d'autofiction ?) sous forme de lettres qu'une mère adresse à ses trois enfants. Des lettres pour leur dire «
ce qui gronde » sous la vie de famille : sa vie de femme. La femme qu'elle était avant eux, et qui s'est retrouvée ensevelie sous la routine, la charge mentale, le quotidien et son « monstre domestique ». Ce monstre ne la laisse jamais en paix, il y a tant à faire et à penser.
» Je vous écris à tous les trois depuis que vous êtes nés. Je vous écris mes actes de résistance.
Comment ne pas se retrouver dans ce portrait de femme et de mère, un peu dépassée, qui tente de ralentir le temps, qui dit les frustrations, la fatigue, la vie domestique, les interrogations, la peur. Beaucoup de passages m'ont touchée. J'ai corné des pages qui résonnaient dans ma propre vie de mère. Les grossesses, les accouchements, la petite enfance, la fratrie, la vie de couple, de famille, les week-ends qui filent comme une flèche, l'école, les disputes, le besoin de calme et de solitude.
La plume est intime. Les lettres sont sans fard, c'est brut et violent parfois. La narratrice ne cache rien de ses doutes, de sa fatigue, de ses peurs, de sa lassitude parfois.
J'ai corné bien des pages, mais, vers la moitié du livre, cela m'a semblé trop. Trop de tristesse, trop de désenchantement, trop de poids. Pourquoi est-ce si compliqué d'être mère ? Si ambivalent ? Les mères d'autrefois se posaient-elles toutes ces questions ?
J'apaise peu à peu le monstre domestique qui s'agite encore, qui ordonne, qui aboie, qui écume. Il est trop tard, le week-end s'éteint. J'essaie de faire la paix avec le temps. J'essaie de respirer le silence. Mais j'ai le coeur qui se fissure. Un week-end de plus. Un week-end de moins dans votre enfance.
Marie Petitcuénot n'a pas peur de dire
ce qui gronde, de dire tout haut la dictature que la société renvoie aux femmes : la maternité comme accomplissement, et tant pis pour tes rêves et ta vie de femme. Son livre est grave, intime mais universel, et son écriture prend aux tripes.
Peut-être qu'il m'a manqué un peu de légèreté, un peu de joie, une petite lueur dans cette vie de mère …
«
Ce qui gronde »,
Marie Petitcuénot, Flammarion, 182 pages, 2021
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