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374 pages
AUTEURS DU MONDE (18/11/1936)
3.5/5   3 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
C'est une Russe qui m'a conseillé ce livre écrit par deux auteurs d'Odessa, histoire de faire palpiter ma russitude maternelle, et ma curiosité toujours renouvelée pour l'Amérique dans tous ses états. Nous voilà en 1936, il ne s'agit pas d'un roman mais du récit de leur voyage à travers les Etats-Unis, en commande d'état soviétique.
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Première découverte : ce duo d'écrivains a connu un succès phénoménal en Soviétie, satellites d'Europe de l'Est inclus, ils ont vendu à des millions d'exemplaires, et ici en France, personne n'en a jamais entendu parler…
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Deuxième découverte : leurs livres ont pu se vendre à foison en URSS, et pourtant, discrètement glissé entre les lignes, ils critiquaient avec humour le régime stalinien dans toute son épouvante. Plus étonnant même, ils ont pu rester en vie… Même si l'un et l'autre sont morts à 40 ans : Ilf s'est suicidé (aidé par sa tuberculose néanmoins) et Pétrov est mort dans un crash d'avion, a priori, le petit père des peuples n'y est pour rien, alors qu'il lui suffisait de désigner n'importe qui pour lui faire un sort funeste.*
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Troisième découverte : tiens, l'Amérique n'aurait finalement pas tant changé depuis 1936… Ce sont des images en noir et banc qui nous arrivent à la lecture de ce récit, des images familières d'une autre époque, (films de gangster, ou Raisins de la Colère, jazzmen ou Temps modernes de Chaplin), mais le suc de l'Amérique est bien le même. D'une part, il y a des choses éternelles, comme… la mer, les déserts stupéfiants de beauté, la nature ample comme nulle part ailleurs. Pour avoir fait, comme eux, la traversée en transatlantique, je m'y suis retrouvée parfaitement, 80 ans après. Et les voyages on the road des copains (photos faisant foi) vers le grand Ouest, nos deux Russes les ont parcourues aussi, et c'est bien la même route qui se déroule avec ses extases de paysages bigger than life.
Et puis il y a comme une ambiguité, permanente. L'Amérique, qui a accueilli des brassées de migrants du monde entier, le pays de la liberté - et dieu sait qu'en période stalinienne, on savait savourer cette notion - , de l'accomplissement personnel, de toutes les possibilités… eh ben ça tique. Il y a comme un truc qui coince. Comme dit Elia Kazan, la liberté américaine, c'est surtout celle de faire tout plein d'argent, en inventant, en organisant, en étant ultra-professionnel dans sa partie, et en bossant dur. Et puis voilà. Déjà, arriver à cette réussite, ce n'est pas donné à tout le monde, il y a tous les laissés pour compte de la grosse machinerie, mais ils ont signé en connaissance de cause. Et d'ailleurs, les Américains semblent se résigner assez souplement, never complain, si ça ne marche pas, marche ou crève, tu meurs/tu te shootes, ou tu rebondis en t'enrichissant de cet échec. Tu n'es pas venu pour te morfondre dans le passé, tu es là pour l'avenir. Ce qui fait le tonus insensé de ce pays.
Mais le bonheur, c'est autre chose. Nos deux compères russes sont certes chargés lors de ce voyage de critiquer le capitalisme, leur visite des usines Ford est savoureuse, par exemple, sans parler d'Hollywood. Mais on sent que pour rien au monde ils ne laisseraient leur chère Russie, même dans le cauchemar du règne de Staline, pour cette terre d'avenir sans grâce. Sans passé ? Peut-être. Un pays trop jeune ne fait pas le poids face à l'ancestrale Russie dans son immensité glorieuse et son histoire furieuse. Un peu des rigolos, ces Américains. Aimables sans être sympas, plein d'idées mais obsédés par le rendement. Ouverts à tout mais souvent refermés sur leur petit confort quotidien. Incroyablement organisés même dans les endroits les plus reculés, mais volant ainsi l'âme des lieux… Quand on met les critiques - raisonnables - de nos deux Russes sur ce pays, face à ce qui fait le quotidien des soviétiques de l'époque, c'est vertigineux. Les salopards de capitalistes ont beaucoup de vies humaines sacrifiées sur la conscience… en URSS, ce sont des millions, des dizaines de millions de vies annihilées, exécutions sommaires, déportations massives, goulags inhumains, pour d'obscures raisons qui ne servent même pas le pays. Face à l'efficacité (un rien déshumanisante) américaine, il y a la bêtise de plans merdiques (en agriculture, en industrie) conduisant à des sacrifices entiers de population, pour des résultats… de merde. Et Staline dans sa parano, tue à tour de bras, selon humeur. Et pourtant, l'Amérique ne fait pas envie. Et pourtant, le pays, même riche, s'offre des phases de dépression - pas seulement en 1929 - dans d'étranges violences paaaas du tout civilisées. L'amok. On va aux Amériques pour sauver sa vie (les Irlandais durant la grande famine, les juifs pendant le nazisme, par exemple), on va aux Amériques pour avoir une vie meilleure, on navigue entre individualisme et solidarité, on aime ce pays qu'on a bâti, mais en "devenant" américain, tamponné vacciné, le plus souvent à la génération suivante, quelque chose ne va plus. Ceci sans parler du destin des Indiens, les Natives qui se faisaient certes des petites gueguerres entre tribus à la bonne époque, mais là, ont été balayés par la déferlante speedée de tous ces migrants qui en voulaient toujours plus. Et sans parler des migrants qui n'avaient rien demandé, tous ces Africains débarqués là comme du matériel, les esclaves dont on s'est souvenu sur le tard qu'ils étaient aussi des êtres humains et qu'il faudrait faire avec, vous nous avez voulus vous nous avez eus, sorry white brother, on n'avait rien demandé mais on est là…
Le récit de nos deux Russes est à taille humaine, on s'y retrouve souvent, nous de la vieille Europe. Ils ne cherchent pas le sensationnalisme, mais à avoir la vue la plus juste sur ce pays, dans les détails, dans chaque rencontre. C'est agréable que la fiction ne nous fasse pas d'esbroufe. du coup, on referme le livre en ayant l'impression d'avoir fait le voyage nous aussi, il ne manque même pas le visuel puisque tout nous a été servi dans les films, les reportages et les séries.
Et moi, je commence à tisser une vision de la chère Amérique grâce aux bouquins que j'ai lus récemment, dont celui-ci. Ils se répondent, se télescopent, ces livres, et petit à petit, c'est comme si je dénouais le mystère de cette terre mythique et de ses étranges habitants.
C'est riche.

*"Leurs deux romans picaresques – Les Douze Chaises (1927-28, peinture humoristique de la société russe à la fin de la NEP) et le Veau d'or (1931-33, satire masquée mais acérée des processus de mise en place du stalinisme) – ont connu un succès inouï, faisant d'eux, avec de surcroît deux cents récits, trois grandes nouvelles et le présent « roman-reportage », les auteurs soviétiques les plus populaires à ce jour : quelque cent millions d'ouvrages vendus dans leur pays, malgré de longues périodes de censure partielle ou totale, un nombre considérable en Europe de l'Est (avant comme après la chute du communisme), une quinzaine d'adaptations à l'écran, une station polaire et deux petites planètes du système solaire nommées en leur honneur (après le communisme), sans compter de nombreuses manifestations culturelles comme l'« Ostap d'or », créé en 1992 à Saint-Pétersbourg, du nom de leur plus célèbre héros. Ils ont été l'honneur de leur pays, l'incarnation de la résistance secrète de la population à l'arbitraire gouvernemental, surtout stalinien." (Livres FNAC)
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Un reportage en Amérique du couple d'écrivains soviétiques, auteurs du génialissime "Les douze chaises".
Ce voyage à travers l'Amérique sans étage, n'a pas pris une ride dans sa description d'une Amérique religieuse, aseptisée, nourrie à la bouffe industrielle, sans conscience politique, satisfaite par des divertissements et des loisirs stupides. « L'Amérique sans étage » utilise le procédé des Lettres persanes où les us et coutumes états-uniennes sont analysées grâce au regard très critiques de citoyens soviétiques.
Oeuvre de commande diplomatique, le parti communiste d'alors cherchait à tisser des alliances avec les démocraties occidentales pour contenir le péril fasciste, les auteurs louent l'organisation et la technologie des États-Unis, dont l'URSS souhaitait s'inspirer pour rattraper son retard économique. Ce voyage sous la bannière diplomatique est, en sous-main, ce que l'on appelle aussi de l'espionnage industriel.
Mais c'est une oeuvre idéologique également, Ilf et Petrov jouent au jeu des comparaisons entre le système capitaliste et communiste. Les principes de la liberté d'expression et la démocratie américaines sont démolies chapitre après chapitre par la description de situations satiriques édifiantes. Quelle liberté pour la jeune femme contrainte à la prostitution, dont la mère ne trouve aucun secours auprès de la police et de la justice, de la presse et des politiciens ? Quelle liberté pour les noirs qui se font lyncher, pour les indiens parqués comme au zoo dans des réserves ?
Un des running gags du livre est la description clownesque du couple Adams, pro-soviétique, qui guide nos voyageurs d'est en ouest. Ils se chamaillent tout au long du parcours, ponctué par les affirmations définitives de Mr. Adams : « Oh no ! Vous ne devriez pas penser ceci ! No no, il faut que vous visitiez absolument cela ... »
La liberté de ton et l'humour ironique des deux auteurs frappent et la plupart des commentateurs y ont vu des attaques masquées contre le stalinisme. Pourtant la loyauté d'Ilf et Petrov envers l'URSS est totale. Est-ce l'anti-communisme moderne des universitaires et des éditeurs qui les empêchent d'admettre que des soviétiques aient de l'humour et de la distance par rapport à leurs propres concitoyens ou supporters ?
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