Citations sur Haut-Royaume, tome 1 : Le Chevalier (37)
Il dit que ma seule qualité, en tant qu'archiviste, c'est la ponctualité. Et que ça lui permet seulement de savoir à quelle heure commence les catastrophes.
Plus tard, malgré la fatigue, Lorn peina à trouver le sommeil. il avait laissé Yssaris au château d'Argor et, depuis le début de l'expédition, il pouvait vérifier chaque soir à quel point sa présence l'apaisait. C'était à croire que le chat roux chassait ses angoisses et ses démons. Sans lui, les cauchemars, les suées, les doutes et les remords revenaient dès qu'il s’endormait.
- Certaines victoires ont d'abord été des combats perdus d'avance, n'est-ce pas ?
(Téogen à Lorn).
Songeur, Téogen acquiesça distraitement, les yeux perdus dans le vague.
-Si la reine ne cède pas, dit-il enfin d'un air grave, ce sera la guerre. Et elle sera sanglante.
Lorn trancha la gorge du premier, pivota sur lui-même et frappa le deuxième à l’instant où celui-ci se jetait sur lui. Il le blessa à l’épaule, sans que l’animal renonce pour autant. Le loup revint aussitôt à l’assaut. Mais Lorn esquiva et lui assena derrière la nuque un coup terrible qui le décapita presque. Tuée net, la bête s’écroula.
Lorn, alors, se retourna vers les trois loups qui en avaient déjà fini avec le cheval et s’approchaient en grognant. Lorn se mit en garde. Il tenait son épée à deux mains, bien campé sur ses jambes. Son regard était assuré et sa respiration, régulière. Pourtant, il doutait de pouvoir remporter cette bataille. Son cœur battait à rompre. Mais il était un guerrier et les guerriers meurent au combat.
Voyant que les loups, toujours aussi menaçants, se déployaient pour l’encercler, Lorn battit lentement en retraite.
Lorn leva les yeux vers le tombeau au moment où une patte se posait dessus.
Une patte écailleuse immense.
Celle d’un dragon qui, s’avançant, sortait lentement la tête de l’obscurité.
— Je suis Serk’Arn, dit le dragon d’une voix puissante qui résonna dans l’esprit de Lorn. Et toi, qui es-tu ?
Livide, Lorn tira son épée. Un réflexe vain. Un même brasier les engloutirait lui et sa skande si le dragon crachait.
Le Ghelt pesait de tout son poids sur son arme qu’il tenait à deux mains. Lorn ne pouvait la repousser ni la dévier. Pire, il se sentit faiblir. Lentement, inexorablement, la lame avançait. Lorn grimaçait, suait à grosses gouttes, résistait de toutes ses forces. Sa transpiration l’aveuglait, mais pas assez pour qu’il ne voie pas la pointe d’acier qui tremblait, dirigée vers son œil pâle.
Lorn se griffa la paupière en clignant…
Et savez-vous ce que ce vieux prêtre m’a répondu ?
— Non.
— Il m’a répondu que les souffrances et les malheurs qui nous étaient infligés en ce monde ne comptaient pour rien. Et que seul importait le salut de mon âme éternelle.
Lorn se tut.
— Et… Et alors ? hésita le père Eldrim.
— Occupez-vous de leur âme, dit Lorn en désignant la foule d’un coup de menton. (Et se tournant vers le prêtre, il baissa légèrement ses lunettes afin que celui-ci ne manque rien du feu glacé qui embrasait ses yeux vairons.) Occupez-vous de leur âme, et de rien d’autre.
Orwain dévisagea Lorn. Il lui rappelait certains vétérans chez qui la guerre a tué l'humanité, à force d'horreurs commises, vues ou subies. Cela faisait d'excellents combattants. Mais si ces hommes étaient de ceux qui remportent les victoires et bouleversent les destins, s'ils étaient des adversaires redoutables et des alliés précieux sur les champs de bataille, ils étaient aussi des âmes perdues qui sombrent tôt ou tard.
Il avait nom Lorn Askariàn. Certains disent que le molheur arriva par lui et d'autres qu'il fut celui par qui tout fut sauvé. Dans ses veines coulais le sang noir des héros condamnés.