Joli bonheur de lecture que de me plonger dans ce dernier petit livre de
Diane Peylin. Elle signe ici un roman où l'écriture se veut musicale, caresse, solaire, la lune n'a qu'à bien se tenir car les étoiles dansent avec le soleil.
Robin, quarante-sept ans revient dans son village natal, à la villa des Ronces à Lomet. Après de graves problèmes de santé, il retrouve sa femme Suzanne, sa fille Jeanne et sa mère Rosa. le temps n'est plus au beau fixe. Profondément meurtri par ses maux physiques, il ne sait plus comment aimer, comment sourire encore à la vie, lui a qui frôlé la mort.
Pourtant petit à petit, au coeur d'une nature qui a toute sa place ici, ce petit monde va sortir du silence et délivrer les pierres qui alourdissent les coeurs. Les non-dits, les fantômes trop présents vont éclater au grand jour. Avec beaucoup d'émotions, on apprivoise les ombres de cette famille. Ce père Alexandre mort il y a dix-sept ans mais tellement omniprésent. C'est que ce père n'était pas tout à fait juste, adepte du fantasque et de l'extravagance, il en oubliait souvent comment aimer, au grand damne d'Elvis le frère aîné de Robin qui a préféré s'expatrier à Montréal.
Au milieu de ces absences, on danse, on se remémore les bals qui ont compté. Celui de Robin et Suzanne, celui de Rosa et Alexandre, le premier de la petite Jeanne. Parce que «
le bal est fait pour ça, pour délivrer les rages indicibles et éloigner les peurs des têtes cabossées ». Parce qu'avant d'être malheureux, on a tous été heureux un jour. C'est important de se souvenir.
Diane Peylin met en lumière cette juste place des souvenirs et des moments heureux.
Il y a dans ce livre une émanation lumineuse dans le portrait des blessures de cette famille. Une jolie façon de célébrer l'envers du monde, les têtes perchées, les fous heureux. « Alexandre était un clown, un homme extraordinaire qui faisait de la vie une fête. Il n'avait qu'une obsession, être heureux et pour cela il n'avait d'autres choix que d'être déraisonnable. Il avait une âme d'enfant, quelque chose d'éternel. »
Rosa quant à elle, elle aime « Quand les grands redeviennent des enfants. Elle aime quand le monde peint des pommes bleues sur des pommiers rouges. Quand l'endroit est à l'envers. »
Puis il y a la musique qui claque sur les fesses, du swingue des années 90 au son d'INXS,
Madonna, Arno, Janis Joplin,
Lou Reed, Queen, Maria Callas,… et aussi ces rappels d'un brin de poésie de
Boris Vian ,
Je voudrais pas crever. Avant d'avoir usé. Sa bouche avec ma bouche. Son corps avec mes mains. le reste avec mes yeux. J'en dis pas plus faut bien. Rester irrévérencieux.
C'est un joli roman qui donne envie d'aimer, ce qui est sous nos yeux, qui nous rappelle que la vie n'est que folie passagère, qu'il faut pas s'endimancher avec des regrets, des jolis mots dans sa poche, des sourires muets, c'est un livre qui a pleins de petites choses délicates avec une ribambelle de mots qui dansent pour le plus grand plaisir des amoureux de notre si belle langue.