La peinture sur toile était un art majeur dans l'Antiquité, mais aucune oeuvre ne nous est parvenue. Comme cette « Galerie » se présente comme la description à un enfant d'une soixantaine de tableaux d'une galerie de Naples, j'étais curieux de voir comment elle pouvait faire entrevoir ce qu'avait été cet art. Malheureusement, la visite fut assez décevante.
Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une description de tableaux réels, et il n'est même pas sûr que les tableaux décrits soient représentatifs de la production picturale réelle. Il s'agit donc d'un exercice littéraire, d'une série d'ekphrasis, cherchant à décrire très précisément une oeuvre, de façon à ce que le lecteur ait presque l'impression de la voir. Cela est traité assez différemment dans les deux livres.
Le premier livre propose d'abord une introduction assez intéressante : c'est un éloge de l'imitation, présentée comme un moyen d'accéder à une meilleure connaissance de l'original. C'est donc une réponse aux critiques de
Platon sur la mimèsis. Ensuite, l'auteur montre un art consommé de l'ekphrasis, mais son style, pour autant que la traduction permette d'en juger, est assez lourd, et ses descriptions deviennent vite répétitives : beaucoup de tableaux sont liés à Dionysos et déploient chaque fois le même cortège de thyrses, pampres et bacchantes, etc., plus souvent encore ils représentent plus d'Amours que ne pourrait en supporter même un peintre rococo. J'ai aussi été lassé par le regard énamouré du cicérone
sur les héros mythologiques représentés, s'attardant beaucoup sur la dimension érotique de leur corps et de leur chevelure. Il y a cependant un tableau très intéressant, celui de Narcisse, qui est donc la représentation d'un adolescent fasciné par sa propre représentation, et qui montre le charme de cet art mimétique mais aussi son caractère trouble qui estompe la différence entre l'original et son image.
Le second livre présente un style plus fluide, et est bien plus varié. Il traite de figures assez méconnues de l'histoire ou de la mythologie. Cependant, on a moins l'impression que nous sont décrits de véritables tableaux : on croit plutôt lire de courtes scènes érudites.
Ainsi, on a d'abord un guide bien trop bavard sur des oeuvres bien trop kitsch ; ensuite, la visite est plus agréable, mais il n'y a plus de tableaux !
J'ai bien plus aimé La Descriptions de statues de Callistrate, un auteur du IIIe-IVe siècle dont on ne sait rien, et qui a décrit treize statues et un tableau. Je n'ai pas trouvé d'édition moderne en français, et l'ai lu en traduction anglaise sur internet.
Callistrate présente des ekphrasis assez virtuoses, malgré quelques répétitions, s'attachant moins à des descriptions précises qu'à développer des paradoxes que fait naître la contemplation des chefs-d'oeuvre qu'il décrit (et notamment des oeuvres de Praxitèle) : comment des matières aussi dures que le bronze et le marbre peuvent-elles suggérer, une fois travaillées, la mollesse des chairs ? Comment des sculptures immobiles donnent-elles l'impression du mouvement. Quand l'observateur voit-il dans la statue le sujet (un athlète, Narcisse, etc.) plutôt que l'objet lui -même ?
Il est dommage que cet auteur soit si peu connu car j'ai trouvé sa lecture très stimulante.