Les auteurs que je vais rencontrer à la Comédie du Livre (salon du livre de Montpellier, pour les non-initiés ;) ) sont d'habitude les joueurs que j'ai déjà lu et apprécié et avec qui j'ai envie de parler de cette première lecture avant qu'ils me parlent de la prochaine. Avec
Paola Pigani, ce fut totalement différent. J'ai eu la chance de la rencontrer plus longuement, puisqu'elle est d'abord venue animer, dans le cadre de sa résidence à Montpellier, un atelier d'écriture auprès du public que j'accompagne professionnellement. C'est forcément un temps privilégié, où on découvre en premier lieu la personne elle-même. Les exercices furent intéressant et la volonté d'enrichissement mutuel par l'échange évidente.
Je ne pouvais ensuite que venir la rencontrer sur son stand du salon pour m'intéresser plus directement à son versant auteure, raison d'être tout de même de sa présence à Montpellier. Entrée en littérature par le biais de la poésie puis de la nouvelle,
Paola Pigani s'est essayé au roman à partir de 2013. Celui-ci est son deuxième, qu'elle m'a conseillé comme une entrée en matière dans son oeuvre. Et le côté indéniablement autobiographique du livre est en effet un plus pour s'immerger dans son univers.
Car Pia, la jeune héroïne du livre c'est bien Paola. le village de Cellefrouin est le village natal de l'auteure, la narration à la première personne, on ne cherche pas à nous masquer la vérité. C'est bien son histoire, celle de sa famille exploitante agricole cherchant à survivre de son travail, à acquérir des terrains, à faire construire une maison pour ne plus dépendre du propriétaire qui les fait travailler, tout cela dans un monde en pleine évolution, où on observe ces enfants sollicités dans le travail qui découvrent la musique, les émois amoureux et qui observent les changements en comprenant que cela impactera fortement leur avenir.
Le style est très recherché, il y a beaucoup de trouvailles stylistiques, de métaphores, de recherches pour évoquer l'influence des saisons, des bêtes sur les humains. Cela est parfois troublant car il y a une sorte de décalage entre un récit par une enfant devenant adolescente et un style clairement adulte, mais on finit par s'habituer et comprendre que ce sont à la fois des souvenirs d'enfance et une recréation d'un monde par une adulte nourri de toutes ses nouvelles connaissances. On sent poindre chez la jeune fille le rêve de l'auteure, distillé sans être affiché clairement, au milieu des doutes sur le futur qui ne s'annonce pas tranquille. La galerie des personnages qu'il soit familiaux ou non est très riche également. Ils réapparaissent de façon très ordonnée, rythmant agréablement le récit, marquant des points d'étape car la narratrice se voit évoluer en constatant en miroir les changement chez eux, qu'il s'agisse de ses soeurs, de ses amies d'enfance, des vieilles dames du village qui perdent en autonomie.Mention également pour les orties, qui figurent presque elles-aussi un personnage principal, du titre où elles prennent la place des souris de Steinbeck aux différentes apparitions où elles sont le plus souvent réhabilitées, par leur utilité et par ce qu'elles symbolisent d'un monde qui ne se laisse pas facilement saisir.
Paola Pigani sait donc à merveille peindre le temps qui passe, le temps ravageur pour cette agriculture traditionnelle et ce petit village isolé, tellement mal armé pour résister à la marche de l'époque. le Monde évoque pour en parler "un chant d'adieu au monde paysan", malgré la tristesse qui sourt de ces lignes j'ai assisté avec plaisir au récital.