J'imagine que cette épaisse épaisse vapeur arrêta sa respiration et le suffoqua. Il avait naturellement la poitrine faible, étroite et souvent haletante. Lorsque la lumière reparut (trois jours après le dernier qui avait lui pour mon oncle), on retrouva son corps entier, sans blessure. Rien n'était changé dans l'état de son vêtement, et son attitude était celle du sommeil plutôt que de la mort.
Il y avait à Athènes une maison spacieuse et commode, mais de mauvaise réputation et hantée. Dans le silence de la nuit, on entendait un son métallique et, si on tendait l’oreille, on percevait un bruit de chaînes, d’assez loin d’abord, puis de très près : bientôt apparaissait un spectre, un vieillard épuisé par la maigreur, en haillons, la barbe longue et les cheveux hérissés ; il portait, aux pieds, des entraves et, aux mains, des chaînes qu’il agitait. Aussi les habitants passaient-ils, dans la crainte, des nuits blanches, sinistres et effrayantes. […] La maison fut donc délaissée […]. On y mit cependant une affiche, au cas où quelqu’un, dans l’ignorance d’un défaut si grave, eût voulu l’acheter ou la louer. Le philosophe Athénodore vint à Athènes, lut l’annonce et entendit le prix que sa modicité rendait suspect. Il s’informe, apprend toute l’affaire et malgré cela, ou plutôt pour cette raison, loue la maison. À la tombée du jour, il se fait placer un lit dans l’entrée, réclame des tablettes, un stylet, de la lumière ; il […] concentre son attention, ses yeux, sa main, à écrire, de crainte que son esprit, livré à lui-même, n’entende des bruits imaginaires et ne se crée d’inutiles frayeurs. D’abord, comme partout ailleurs, le silence de la nuit ; puis des bruits de fer et des mouvements de chaînes. Il ne lève pas les yeux, ne dépose pas son stylet, mais renforce sa concentration et en fait un écran contre ce qu’il entend. Alors le bruit s’intensifie, se rapproche : on l’entend déjà sur le seuil, pour ainsi dire, et déjà à l’intérieur. Le philosophe se retourne, regarde et reconnaît l’apparition dont on lui avait parlé. Elle se tenait debout et faisait signe du doigt, comme pour l’appeler ; mais Athénodore, de la main, lui signifie d’attendre un peu et se penche à nouveau sur ses tablettes et son stylet. Elle, elle lui faisait résonner ses fers au-dessus de la tête pendant qu’il écrivait. Le philosophe se retourne, voit qu’elle lui fait le même signe qu’auparavant et, sans attendre, il prend la lumière et la suit. Elle marchait d’un pas lent, comme alourdie par les chaînes. Après avoir obliqué vers la cour, tout à coup, elle disparut, abandonnant son compagnon. Laissé seul, celui-ci marque la place d’un tas d’herbes et de feuilles. Le lendemain, il va trouver les magistrats et leur conseille de faire creuser l’endroit. On découvre, au milieu des chaînes, des os emmêlés que le corps en décomposition par l’action du temps et du sol avait laissés décharnés et rongés par les liens. Rassemblés, ils sont enterrés aux frais de l’État. Après cela, la maison fut débarrassée des mânes, qui avaient reçu une sépulture
selon les rites.
Il existait à Athènes une maison spacieuse et commode, mais de mauvaise réputation et maudite. Dans le silence de la nuit, on entendait un son métallique et, si on tendait l'oreille, on percevait un bruit de chaînes, d'assez loin d'abord, puis de très près : Bientôt apparaissait un spectre, un vieillard épuisé par la maigreur, en haillons, la barbe longue et les cheveux hérissés; il portait, aux pieds, des entraves et, aux mains, des chaînes qu'il agitait. Aussi les habitants passaient-ils, dans la crainte, des nuits blanches, sinistres et effrayantes. L'insomnie les rendait malades, puis venait la mort, car la crainte allait croissant : en effet, même en plein jour, malgré la disparition du fantôme, les yeux gardaient son souvenir et la peur persistait plus longtemps que les motifs d'avoir peu.