La générosité du hasard m'a conduit à m'intéresser à cet ouvrage fin posé sur l'étalage de la bibliothèque municipale. Ne connaissant rien de l'auteur, c'est le nom même du livre qui m'a plu et intrigué. Une fois plongé dans les premières pages sur un rythme alerte et facile, on comprend vite que de l'histoire, il n'y en a aucune, et des personnages hormis le narrateur, il n'y en a aucun. Ainsi, René Pons, qui sous-titre son ouvrage par la marque « autobiographie », dresse un décor urbain décadent imprégné d'une ambiance glauque et mortifère dans lequel il laisse errer son imagination malade ou en voie de l'être. La forme est inspirée, propre et convaincante : c'est le fond qui pose problème.
De
la ville et de son utilisation comme matière première, diversifiée et combinable à l'infini, dans le processus de création du poète, je ne peux qu'accorder mon crédit. Ce que je déplore seulement ici c'est le parti pris de l'auteur de n'apporter qu'une vision unidimensionnelle de
la ville. de façon arbitraire,
la ville est réduite à recueillir les âmes déchirées, les vagabonds, les miséreux. Elle ne propose que des scènes macabres, des copulations sanglantes dans des décharges, des morts empaillés peuplant des appartements nauséabonds, des figures lascives rencontrées dans tous les coins de rue, des fenêtres barricadées, des rues désertes, des quartiers en feu. Rien de très réjouissant en fait, alors même que
la ville, notre poète a choisi d'y vivre et peut-être même d'y mourir. On comprend que le poète n'aura aucune chance de salut dans cette ville et c'est regrettable, puisque cette ville imaginée n'est en réalité que bien loin de
la ville que j'aime entendre, voir et écouter.