Je préfère ne pas me voir. Je vis déjà vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec mon corps, inutile d'ajouter l'image aux sensations.
Etre moi. Les derniers mots de Camille résonnent dans ma tête longtemps après que je les ai lus sur mon téléphone. Alors que j'ai l'impression de ne plus savoir qui je suis. Il n'a fallu que quelques mots. Rien que trois. Prononcés par des personnes sans importance, mais qui sont aujourd'hui mon quotidien.
J’ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais rien ne sort. Je peine à retenir mes pleurs. Je sais que si je tentais de prononcer ne serait-ce qu’un mot, je ne pourrais plus me contrôler. Ma mèche toujours dans la main, je me retourne vers mon bureau.
Je les entends ricaner derrière moi et dire quelque chose que je ne comprends pas.
Je passe de nouveau la main dans mes cheveux et sens cette fois-ci nettement le trou qu’elle a fait. C’est sûr, je vais être obligée de tout couper. Mes cheveux, ce sur quoi je me concentrais chaque matin dans la glace. La seule chose qui trouvait grâce à mes yeux. Maigre confiance, réduite maintenant à l’état d’une mèche.
« Rien n’excuse ce que j’ai subi, mais j’aurais dû réagir, j’aurais dû en parler, ne pas m’enfermer dans ce désir de vengeance. Peut être que si j’avais eu un peu de bienveillance envers moi-même, je n’aurais pas laissé ces mots avoir tant d’emprise. »
Tout mon esprit me crie de m'éloigner en courant,au plus vite.Mais mon corps,lui,est comme hypnotisé. Je sens la chaleur de ses bras.Je sens la fermeté de son torse.
Je la lui arrache des mains et sens les larmes monter.Je comprends mieux le compliment de tout à l'heure.Rien à voir avec de la gentillesse.Juste de quoi m'endormir.Je regarde cette mèche que je tiens fermement dans ma main.Elle m'a coupé les cheveux.
_On sait aussi qu'elle aime le noir!
_Le noir,ça amincit,alors,c'est pas mal pour elle.
Mais c'est plus fort que moi,je déteste cette maison.Je déteste avoir dû partir.Je déteste cette ville.Et je me déteste.
Mon père a moyennement apprécié que je veuille emporter tous mes livres.
– Tu les as déjà lus, ces bouquins, tu ne les reliras pas. Quel intérêt des les garder ? On ne pourrait pas les jeter ? Ça prend une place folle, et ça pèse une tonne !
– Mais je ne vais pas jeter mes livres ! Ils sont à moi. Tu te rends compte que jeter un livre, c’est un sacrilège ? Tu n’as qu’à pas m’obliger à déménager.
Je remonte l’historique de la page, pendant près de trois heures, je lis chaque post, chaque commentaire qui sont comme autant de coups de couteau dans une plaie à vif.