Tu as promis que tu vivrais pour moi

Comme à mon habitude, je suis un peu en avance. Héritage de mon père qui m’a sans cesse répété qu’il ne fallait jamais, sous aucun prétexte, être en retard. L’héritage laissé par ma mère est tout autre, bien que tout aussi primordial : n’oublie pas de mettre une culotte propre avant d’aller chez le médecin. Ma mère a toujours eu le sens des priorités.

Sérieusement, Molly, si tu es venue pour t'apitoyer sur mon sort, tu peux repartir. Ma mère le fait déjà très bien, tu sais. Et une personne qui passe son temps à chialer quand elle est là, c'est déjà trop. Moi, j'ai besoin de rire. D'oublier cette clinique, cette chambre, cette maladie de merde.

Tu sais, ma puce,je crois que ta poupée a tort.Une maman ne part pas parce qu'elle trouve que sa petite file n'est pas jolie.Et d'ailleurs ,les mamans trouvent toujours que leurs petites filles sont jolies.

Comment est-ce qu'on annonce à sa famille, à ses amis que l'on va déménager, que c'est à six cents kilomètres et que c'est pour dans moins d'un mois ? Comment est-ce qu'on annonce à son fiancé, à qui l'on a dit "oui, je veux t'épouser", que finalement non, on ne veut plus, que l'on déménage dans moins d'un mois et que c'est fini ?

Pour étayer mon argument, je les invite à observer les va-et-vien incessants de ma mère, passant les plateaux de petits-fours, remplissant les verres, riant aux blagues des uns, complimentant les autres. Bree Van de Kamp avec des piles Duracell.

Plus le temps passe et plus je réalise que la dernière chose dont j'ai envie c'est de me marier. Je préfère ne pas ajouter « avec Germain ». Alors qu'en réalité c'est lui, le problème.

Perdue de chez perdue. Complètement perdue. Jamais on ne croirait que je suis fiancée et que je vais épouser l'homme que j'aime. On dirait plutôt qu'un énorme caillou de dix tonnes est désormais bien logé au fond de mon estomac.

Mais comment les gens font-ils pour tout quitter du jour au lendemain et emménager dans une ville où ils n'ont jamais mis les pieds ?Je frémis rien que d'y penser.

Une Molly, ça mérite un John

Voilà, tu sais tout. J’espère que tu me pardonneras, que tu comprendras mes raisons. Il faut que tu vives pleinement, Molly. Tu dois rire, aimer, danser, vibrer, tomber mais te relever, ne jamais renoncer, jamais. Et si tu dois m’en vouloir, tant pis. Tu en vaux la peine.